Politologues, stratèges économistes et intellectuels, s'arrachent les cheveux dans les cinq continents, en se focalisant sur un thème qui, bien que non instantané, s'avère de grande actualité, à savoir l'après-pétrole. Il va sans dire que le tarissement des ressources pétrolières dans 40 ou 45 ans au rythme de la consommation actuelle, selon les estimations les plus plausibles, aura des incidences majeures sur l'économie mondiale, sur les politiques des Etats, et, plus important, sur le quotidien des habitants de la planète. La prédiction et la gestion de ces incidences nécessitent une action anticipatoire, d'où la mobilisation de la matière grise dans le monde entier. Vu les valses d'hésitations qui accompagnent le développement des énergies alternatives dites propres, la ressource qui servira de substitut au pétrole n'est rien d'autre que le gaz naturel. Une ressource qui bénéficie d'une durée de vie plus longue, située par les spécialistes entre 65 et 70 ans au rythme de la consommation actuelle. A cet effet, l'intention tout dernièrement annoncée par trois pays grands producteurs de gaz, en l'occurrence la Russie, l'Iran et Qatar, de créer une organisation qui les regroupe et qui sera constituée sur le modèle de l'Opep, ne peut pas tomber dans l'oreille d'un sourd. Géographiquement, ces trois pays dominent les ressources gazières de l'Eurasie et du Moyen-Orient. Si, par fantaisie stratégique, l'on se réjouit d'y ajouter l'Algérie et la Norvège, qui conservent, à leur tour, la part du lion des gisements africains et européens, l'on aura un groupe qui accapare, par simple jeu d'addition, pas moins de 130 000 milliards de m3, soit les trois quart des réserves mondiales de gaz naturel ! Ce schéma d'ensemble renvoie évidemment des signaux qui ne trompent pas sur le poids dont bénéficierait le conglomérat projeté. Outre sa dimension économique grandiose, les enjeux politiques qui accompagneraient la naissance d'une telle organisation seraient considérables d'autant plus que chacun des pays qui se placent en tant que membres fondateurs potentiels, figure dans les équations complexes de la scène internationale. La Russie nostalgique au bon vieux temps, l'Iran en plein bras de fer avec les Etats Unis et Qatar en quête permanente de rayonnement régional, chercheront certes à optimiser politiquement cette éventuelle entité qui les regrouperait. Si l'on ajoute à cette importante nouvelle les caprices de la conjoncture actuelle, avec une Europe qui plaide pour une gouvernance économique universelle, sur fond de crise financière mondiale, il devient très légitime de se demander si la thèse d'un ordre international multipolaire relèvera encore de la simple théorie ?