Avec les crises à répétition ainsi que les mutations économiques qui surviennent aujourd'hui, l'activité économique devient complexe et surtout imprévisible. C'est ainsi que les dirigeants des entreprises sont face à des défis importants, qui menacent même la vie de leur activité. Les outils traditionnels que le chef d'entreprise a dans sa boite à outil sont de plus en plus insuffisants pour pouvoir naviguer à vue, et il est devenu nécessaire de bien s'outiller pour faire face à de nouveaux paramètres. Dans un environnement se basant de plus en plus sur l'information, la maîtriser est devenu un enjeu stratégique pour chaque entreprise. C'est dans ce cadre que l'intelligence économique s'impose comme un outil important pour la collecte, le traitement et la diffusion de l'information pour améliorer la compétitivité, l'innovation et avoir une longueur d'avance sur ses concurrents. L'intelligence économique en tant qu'outil important de gestion prospective n'est pas l'exclusivité des grandes entreprises qui peuvent investir dans cet outil, elle est aussi l'affaire des PME, quelle que soit leur taille; car l'intelligence économique est avant tout une attitude et une curiosité partagée. Les PME tunisiennes doivent assimiler cette réalité si elles veulent surmonter les crises et améliorer leur compétitivité au moindre coût. L'Intelligence n'est pas seulement l'affaire des grands Le tissu économique en Tunisie est composé à 90% de PME et même de très petites entreprises. Certains voient dans cette structure une richesse, d'autres voient une fragilité, car la puissance d'une économique provient de la puissance de ses entreprises. L'intelligence économique en tant qu'outil important d'aide à la décision stratégique n'intéresse pas seulement les grandes entreprises qui peuvent faire des investissements importants dans les ressources humaines nécessaires (veilleurs, analystes, informaticiens, experts…), l'équipement (logiciels, abonnements, agence privées, système d'information,...), et la recherche et développement. Cet outil est à la portée des PME, car l'intelligence économique nécessite des investissements selon la taille de l'entreprise, l'évolution de ses besoins et la nature de son domaine d'activité. Le développement des technologies de l'information, et l'abondance de l'information sont des éléments qui permettent de compresser les coûts d'un processus d'intelligence économique. L'essentiel pour un dirigeant de PME est de comprendre l'utilité de l'information, l'assimiler à une richesse à valoriser, et l'utiliser pour développer son entreprise.
Intérêt des PME pour l'intelligence économique L'intelligence économique est définie comme étant «l'ensemble des activités coordonnées de collecte, de traitement et de diffusion de l'information utile aux acteurs économiques auquel on peut ajouter les actions d'influence et de notoriété. Elle s'oppose à l'espionnage économique et/ou industriel car elle se développe ouvertement et utilise uniquement des sources et moyens légaux». C'est ainsi qu'elle permet de réduire les incertitudes auxquelles font face les PME. Elle permet aussi de réduire les risques pour une PME, dont la survie ne tient parfois qu'à des éléments très volatils (insolvabilité d'un client, retard technologique, démission d'un cadre,…). Ces risques sont surtout d'ordre financier, technique, technologique et réglementaire. L'IE permet au chef d'entreprise de disposer d'une information fiable, pertinente, et surtout exploitable dans un but stratégique pour l'entreprise. Elle augmente la capacité de prise de décision et permet surtout d'anticiper les changements et de dissiper le flou de l'activité économique. Tous ces avantages qu'offre l'IE doivent être bien appréhendés par les chefs des PME. Or, force est de constater que les dirigeants de nos PME ne considèrent pas l'information stratégique comme un avantage compétitif surtout dans un cadre devenu de plus en plus concurrentiel, que ce soit sur le plan national qu'international. On n'est pas encore conscient que l'investissement dans l'information permette de générer des profits importants, que ce soit en terme d'opportunités, ou de risques évités. Et comme disent les Japonais, qui sont des pionniers en matière d'intelligence économique: «l'information appartient à celui qui l'exploite».
Apport de l'Intelligence économique pour une PME Pour une PME en Tunisie, le plus important c'est d'avoir des informations sur les opportunités de commercialisation sur le marché national et international, les marchés d'approvisionnement, l'évolution des règles juridiques et normatives concernant leur activité, les dernières innovations dans le secteur, les accords commerciaux, les sources de financement et d'assistance technique et l'évolution de la fiscalité et des droits de douane. Ces besoins en information sont en majeure partie satisfaits par des structures publiques (ministères, agences, offices,…), parapubliques (chambres de commerce, groupements interprofessionnels,...) et même privés (cabinets de conseil, bureau d'études, cabinets d'avocats, conseiller en exportation,…). Or, ces informations ne répondent pas dans la majeure partie des cas à des besoins spécifiques et personnalisés de l'entreprise. C'est pour cette raison que la PME doit développer des outils pour la mise en place de son propre système d'intelligence économique, afin de disposer de l'information exclusive et surtout répondant à son propre besoin. Pour cela, la PME dispose de plusieurs outils libres : les alertes sur Internet, les sites d'informations économiques, les journaux en ligne, les newsletters… La PME doit aussi redéployer son système d'information en interne, afin d'améliorer la communication entre le dirigeant et ses collaborateurs, et garantir la sécurité des informations stratégiques de l'entreprise. La PME doit aussi développer sa présence dans les salons spécialisés, qui sont une source importante d'information et de suivi des concurrents et des innovations technologiques dans le secteur. Les abonnements, parfois pas très onéreux, dans des revues spécialisées et des sites d'informations payants sont aussi un outil important pour la mise en place d'un système de veille stratégique. La PME doit être à l'écoute de son environnement économique et juridique et essayer de l'influencer afin de l'adapter à ses propres capacités et compétences. Cette influence peut aller de la participation aux colloques et séminaires d'informations, à la rencontre de responsables de l'administration et la préparation d'études. Sur le plan des investissements, la PME peut charger du personnel pour faire de la veille stratégique et le traitement et la diffusion de l'information, ou bien former du personnel déjà existant. Des formations qui peuvent ne pas coûter grand-chose, mais qui peuvent apporter un avantage compétitif important pour l'entreprise. Les dirigeants des PME doivent surtout formaliser le processus d'intelligence économique pour qu'elle devienne une nouvelle méthode de management plus participative, une nouvelle manière d'appréhender l'information comme un actif immatériel de l'entreprise, et non seulement comme une simple connaissance, qui peut être utile. Quel rôle pour l'Etat On n'est pas à notre premier article sur les colonnes de «l'Expert», à insister sur le rôle que doit jouer l'Etat en matière d'intelligence économique pour les PME. Il faut rappeler que certains grands groupes et entreprises tunisiennes se sont déjà mis dans l'intelligence économique. Un processus qui reste nettement ignoré par la majorité de nos PME. L'Etat, qui fait déjà beaucoup pour approvisionner les entreprises tunisiennes en information économique, doit encore faire un effort supplémentaire pour orienter les PME vers l'importance de l'intelligence économique pour l'amélioration de leur compétitivité. Il est souhaitable à ce niveau de voir la création d'une agence nationale pour l'intelligence économique, ou même la création d'un fonds d'aide pour la PME pour l'instauration d'une démarche d'intelligence économique. Il est nécessaire aussi de prévoir des formations adaptées et une assistance technique personnalisée pour nos PME, afin de les aider à développer leurs systèmes d'information. A la fin, je ne trouve que les paroles de Napoléon Bonaparte, qui disait: "Perdre une bataille est excusable, se laisser surprendre est impardonnable". Alors, ne nous laissons pas surprendre.