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Dimensions de l'intelligence économique
Publié dans WMC actualités le 14 - 08 - 2008

L'intelligence économique ressemble à l'éléphant du conte indien : dans l'obscurité, les uns touchent ses pattes et le confondent avec un arbre, les autres, ses défenses et le prennent pour un rocher, d'autres sa trompe, et en déduisent que c'est une liane…

Suivant les exemples auxquels vous vous référez, vous pouvez avoir l'impression :

- qu'il s'agit d'un domaine de la stratégie générale étendu à l'économie de la mondialisation par des gens qui adorent citer Sun Zi et Clausewitzz,
- que c'est une affaire d'espions, de secrets violés et défendus ou un domaine pour responsables de la sécurité obsédés par les écoutes téléphoniques et les logiciels espions,
- que l'IE traite surtout de communication de crise ou de détection des dangers dans un monde hanté par le principe de précaution ou par le risque d'image, surtout face à la contestation sur Internet,
- que c'est un travail de diplomate chargé de faire passer des contrats pour les entreprises son pays face à des concurrents qui mobilisent tous les moyens régaliens (et pas forcément les plus moraux),
- que c'est une question de territoire, de pôles, d'attractivité, bref une forme moderne de l'aménagement du territoire et de la coopération entre entreprises locales,
- que c'est un domaine hautement politique portant sur les rapports entre l'Etat et les entreprises sur fond de mondialisation (certains semblent même faire une équivalence entre patriotisme et intelligence économiques voire les confondre avec antiaméricanisme ou antimondialisme),
- que c'est un champ d'études pour sociologues de la société de l'information et de l'économie de la connaissance ou de l'intelligence collective,
- que c'est le travail des organisateurs qui doivent s'assurer que l'information est bien captée et surtout diffusée dans leur entreprise entre risque de désinformation, de mésinformation, de surinformation, d'amnésie, d'ignorance, etc.,
- qu'elle consiste en une modernisation du management pour l'adapter à Internet,
- que c'est un secteur de l'informatique : cryptologie, robots de recherche, bases de données, traitement sémantique, et autres algorithmes pour mieux utiliser le Web,
- que c'est une vision élargie de l'économie qui y intégrerait le poids des traditions culturelles, des opinions, des inquiétudes de la société civile, des grandes manœuvres de la géopolitique,
- que, comme la prose de Monsieur Jourdain, c'est quelque chose que les entreprises ont toujours pratiqué sans le savoir : un dose d'honnête précaution, une bonne revue de presse, de bons réseaux….

Entre le pôle de la théorie pure et celle des recettes sécuritaires, la géoéconomie et les pratiques quotidiennes, les méchants espions et les gentils managers, le sulfureux et le trivial, l'offensif et le défensif, le mondial et le local, la cognition et la persuasion, on s'y perd un peu. Surtout quand fleurissent les anglicismes comme knowledge managment, benchmarking, Signal Intelligence, «shapping the globalization» ou les acronymes du genre C3I, C4R à base de computers, command, control, etc.

Sans compter que le seul mot d'intelligence est ambigu : en français il est généralement réservé à la faculté mentale de résoudre des problèmes et intégrer des nouveautés, tandis que les anglophones emploient souvent le sens de «recherche efficace de l'information», comme dans la « business intelligence » dont la «competitive intelligence» ne serait que le volet orienté vers le renseignement sur la concurrence. L'efficacité en fonction de sa valeur (par exemple commerciale) et de sa pertinence (par exemple comme éclairage d'une situation et de ses issues). Currency et relevancy pour ne pas dire valeur d'échange et valeur d'usage… Voilà qui ne facilite rien dans un domaine l'on se réfère sans cesse à la littérature ou au modèle (ou contre-modèle) américains.

Un petit rappel historique s'impose.

La notion est apparue chez nous en 1994 dans un rapport d'Henri Martre. Celui-ci insistait sur la notion « de recherche, de traitement et de distribution, en vue de son exploitation, de l'information utile aux acteurs économiques», le tout légalement, car il s'agissait de bien distinguer l'IE de l'espionnage industriel. Le mot intelligence était donc bien pris comme synonyme de «renseignement».

Les choses ont très vite évolué depuis du fait du succès médiatique, universitaire mais aussi politique de l'Intelligence Economique (la création de structures régionales et nationales, les signes d'intérêt manifestes du gouvernement, le débat sur le «patriotisme économique» Un certain effet de mode a joué : cela n'aide pas à préciser les notions malgré des efforts très méritoires, tel le récent «référentiel de l'intelligence économique» destiné à normaliser son enseignement universitaire.

Ce dernier en donne une définition quasi officielle (la même qu'en donne le Haut Responsable à l'intelligence Economique auprès du premier ministre) et il faut donc partir de là : «L'intelligence économique consiste en la maîtrise et la protection de l'information stratégique pour tout acteur économique. Elle a pour triple finalité la compétitivité du tissu industriel, la sécurité de l'économie et des entreprises et le renforcement de l'influence de notre pays».

En laissant pour plus loin les finalités économico-politiques de l'IE, nous pouvons retenir des notions fortes :

- L'intelligence économique concerne une partie de l'information stratégique orientée vers l'économie (ce qui suppose l'existence d'une intelligence stratégique plus vaste touchant des questions de sécurité, de diplomatie ou de puissance et influence politique, à supposer que tous ces domaines puissent réellement se séparer de l'économie).
- La qualification d'une intelligence comme stratégique est crucial. Nous avons discuté ailleurs de ce que pouvait recouvrir cette notion : à la fois des savoirs -leur possession est déterminante pour une action orientée vers une forme de victoire, donc dans un environnement compétitif voire conflictuel -et des images, messages et notions leur propagation est indirectement utile à un dessein économique.
- Il ne s'agit pas seulement «d'avoir» ou d'empêcher d'avoir certaines informations (des nouvelles, des tuyaux, des procédés techniques, des plans…) mais il faut aussi maîtriser des flux d'information plus ou moins formalisée.
- Il faut surtout les finaliser : les penser et les choisir par rapport à des objectifs, sinon c'est de la documentation .

Cet vision large et transdisciplinaire se reflète dans l'évolution récente de l'IE.
Le rapport que le député Carayon a consacré à ce sujet en 2003 identifiait trois objectifs auxquels doivent coopérer l'Etat et les entreprises :
la maîtrise du patrimoine scientifique et technologique à protéger en priorité, ce qui suppose donc des hiérarchies stratégiques ;
la détection des menaces et des opportunités par l'acquisition de l'information utile à la décision économique au sens large ;
des politiques d'influence au service de l'intérêt national et/ou de l'entreprise.

Comme il le précise dans un second rapport, trois ans plus tard, l'intelligence économique devrait surtout être réservée aux secteurs stratégiques, ceux où l'intervention publique dans le domaine économique se justifie. Soit parce qu'il s'agit de biens, de ressources ou de techniques qui touchent à la sécurité nationale au sens large- par exemple d'entreprises dont il ne faudrait pas laisser les capitaux tomber entre certaines mains étrangères. Soit parce que les seules lois du marché et l'action de la main invisible chère aux économistes libéraux sont faussées sur certains marchés, éventuellement par l'action d'autres Etats…
Pour lui, l'intelligence économique, inséparable de ce que l'on aurait nommé autrefois « politique industrielle » ou « économie politique » a plusieurs composantes :
- l'aide apportée de l'Etat à nos entreprises à la conquête de marchés extérieurs
- la sécurisation des entreprises contre les tentatives visant à s'emparer de leur patrimoine informationnel, à recycler des capitaux suspects, à infiltrer des activités liées la sécurité nationale…
- la défense de l'économie nationale « en amont », c'est-à-dire là où s'élaborent les règles de l'activité économique, notamment les normes techniques
- et, bien sûr, la formation, surtout dans le cadre universitaire, de futurs acteurs politiques et économiques compétents et « orientés vers l'intelligence », comme le sont souvent les élites anglo-saxonnes.

Bien entendu, une telle vision n'exclut pas la pratique quotidienne de l'IE, y compris dans les PME. Simplement, nous voyons mieux se dessiner les dimensions de cette discipline : politique, volontariste, orientée vers l'action collective (voire régalienne) ou plus vers les outils de surveillance de l'environnement concurrentiel, pour reprendre une formule qui a fait florès.
Comment synthétiser toutes ces approches ?
Le mieux serait de considérer que l'IE a trois composantes principales : un rapport avec l'incertitude (la quête du savoir utile et sa protection,), un rapport avec les autres (l'organisation des communautés et leurs stratégies de lutte et de contrôle) et un rapport avec une instance régulatrice, le politique. Les trois visions ne sont pas séparées mais se recoupent et se conditionnent largement.
Le rapport avec l'incertitude : la composante purement « intelligence » (veille, renseignement, management de l'information avec sa contrepartie : la protection du patrimoine informationnel). Elle s'articule autour d'une idée simple. Le but est de donner des facteurs de décision (en l'occurrence au gestionnaire économique, mais ce schéma peut s'appliquer à la décision politique, diplomatique, militaire…). L'IE fournirait ici un ensemble de techniques pour détecter des signaux, acquérir des données fiables, mais aussi et surtout interpréter (en fonction d'un but stratégique), sélectionner, protéger (pour conserver un « différentiel » par rapport aux concurrents), évaluer des risques et possibilités, faire circuler (au bon endroit, au bon moment), structurer, vérifier, produire de la connaissance à partir de données… Bref, tout ce qui permet de diminuer les facteurs aléatoires de la décision (mais certainement pas de les supprimer au point de transformer la gestion en calcul).
Le rapport avec les autres : il est double. L'intelligence économique ne consiste pas à fournir des stimulations appropriée à une boîte noire qui répondrait par des décisions adaptées… Elle se pratique avec des gens agissant en communautés avec des hiérarchies, des intérêts, des cultures, des croyances, des motivations, des faiblesses. L'aspect positif est l'organisation de son propre groupe, son entreprise par exemple, pour le ou la rendre plus « apprenant » (intelligence collective, gestion de la connaissance dans l'organisation, diffusion d'une culture de l'information partagée et recherchée, motivation des acteurs..). L'aspect compétitif ou agressif concerne d'autres groupes organisés dans toute une gamme d'actions. Elles vont de l'anticipation stratégique ou de l'aimable compétition à la déstabilisation, la désinformation… et toutes les formes de ce qu'il est convenu de nommer « guerre de l'information »
Le rapport avec le politique (souvent mais pas uniquement avec l'Etat) et un rapport avec une instance qui décide dans quelles conditions et quelles limites on peut savoir (ou cacher), et se livrer à la compétition ou à la lutte. En clair : même (voire surtout) dans les pays censés être ultra-libéraux ou peu dirigistes, les moyens régaliens sont mobilisés pour aider les entreprises nationales, les pôles de compétitivité, le niveau national de la recherche et de la technologie, la conquête des marchés, la protection des secteurs stratégiques, la gestion des risques…

(Source : http://www.huyghe.fr/actu 290.htm)


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