L'actuelle crise économique, a posé plus que jamais, la question du rôle de l'information économique, qui permet d'agir et d'anticiper. En effet, à part quelques illuminés, ou certains cercles fermés, personne n'a vu la crise venir avec cette ampleur. C'est pour cette raison que les réactions des uns et des autres étaient assez agitées au déclenchement de la crise, avant d'atteindre une action concertée. La sortie de crise nécessite aussi une bonne information économique, pour investir, pour s'approvisionner, pour exporter, pour innover, …..L'intelligence économique en tant que processus managérial qui permet de transformer l'information économique en savoir qui aide à la prise de décision et l'anticipation ainsi que la réduction d'incertitude, apparaît comme une composante d'une solution au flou qui persiste dans l'activité économique, et un outil important pour améliorer la compétitivité de l'entreprise et par conséquent de l'Etat. La notion d'intelligence économique est encore dans un stade embryonnaire en Tunisie, à part quelques essais universitaires. Pour l'implantation de cette notion, quel rôle peut jouer l'Etat ? et quel rôle peut aussi jouer l'entreprise ? Une responsabilité partagée est nécessaire pour atteindre les objectifs de croissance et de compétitivité. L'intelligence économique : On retrouve aujourd'hui plusieurs informations économiques éparpillées ici et la (dans les journaux, sur net, à la télévision, dans les rapports, les notes, les publications, les séminaires et conférences,…). Si ces informations, ont chacune son degré de précision et utilité, l'entreprise a besoin aujourd'hui d'une information personnalisée : information sur les fournisseurs, les concurrents, les marchés à l'exportation, les innovations, anticiper les évolutions technologiques, suivre les nouvelles normes, nouer des partenariats, lancer de nouveaux produits, accroître son influence, savoir son positionnement sur le marché, détecter des opportunités, ….Ce sont plusieurs enjeux qui représentent les clés de réussite d'une entreprise, et sa compétitivité. L'intelligence économique peut être d'un grand apport pour une entreprise dans le sens ou elle présente une nouvelle définition du risque et donne une vision globale des menaces. Elle permet aussi une mobilisation des compétences autour des objectifs de l'entreprise pour une maîtrise de la peur et pour plus d'avantages concurrentiels. Sur un autre plan, elle représente un outil efficace pour protéger le patrimoine immatériel de l'entreprise et développer sa capacité proactive pour influencer sur son environnement (stratégie française). De ce fait, l'intelligence économique peut se définir comme étant « l'ensemble des activités coordonnées de collecte, de traitement et de diffusion de l'information utile aux acteurs économiques auquel on peut ajouter les actions d'influence. Elle se distingue de l'espionnage économique car elle se développe ouvertement et utilise uniquement des moyens légaux. Elle se conçoit dans un esprit d'éthique par rapport à des structures d'autorité, en premier lieu celles des Etats (souveraineté) et celles des entreprises ». ( rapport du français Henri Martre- 1994). Quel rôle pour l'entreprise ? La majorité des entreprises en Tunisie sont conscientes de l'importance de l'information en tant qu'élément de compétitivité et un outil de bonne gestion, mais la difficulté qui persiste toujours est comment procéder, et combien ca va couter ? Deux éléments essentiels qui retardent l'adoption d'une démarche d'intelligence économique dans nos entreprises. Question coût, il est important de signaler, qu'avec le développement des nouvelles technologies de l'information, mettre en place une démarche d'IE peut coûter 0 dinars comme il peut coûter des milliers de dinars, selon la taille et les besoins de l'entreprise. En effet, il existe plusieurs outils gratuits de veille, qui peuvent donner des informations économiques, dont l'analyse et le traitement peuvent déboucher à une information précise et utile au développement de l'entreprise. Se pose à ce niveau le problème de la mobilisation des ressources humaines et de disposer des compétences nécessaires pour cette effort d'analyse et de traitement. Lire un journal dans le bureau, pour un directeur ou un PDG, est nécessaire contrairement à ce que l'on peut croire. Utiliser les outils internet d'alerte, ou consulter les sites d'organismes nationaux et internationaux s'avère aussi un bon reflexe à adopter pour un dirigeant. Il est important aussi de développer la communication entre les cadres et les techniciens en inter entreprise, à travers le diagnostic permanent du système d'information. Discuter constamment avec les commerciaux de l'entreprise, qui sont en étroite relation avec les clients et l'actualité du marché, est une démarche positive à adopter. Les responsables et dirigeants d'une entreprise doivent aussi s'acquitter des compétences nécessaires pour détecter les signaux faibles du marché, pour anticiper les évolutions technologiques et règlementaires, ainsi que les tendances des consommateurs. Selon Andrew Groove auteur du livre « Seuls les paranos survivent » il est important de « réveiller cette sensibilité, cette hypervigilance, caractéristique de la paranoïa, il est important de nourrir le cerveau du décideur des informations utiles dont il a besoin pour conserver et aiguiser cette ressources précieuse appelée "l'intelligence de l'Action". » L'une des questions constamment posée par un chef d'entreprise quand il s'agit d'investir, est le retour sur investissement. Sur ce volet, il est important de savoir, qu'avoir l'information coûte toujours moins cher que de ne pas l'avoir. Ne pas avoir l'information au moment opportun peut s'avérer fatale pour la survie d'une entreprise, surtout lorsqu'il s'agit d'une nouvelle norme ou règlementation ou une nouvelle technologie et tendances d marché. En Tunisie, pays qui assiste beaucoup ces entreprises, payer un service ou investir dans un service est toujours difficile, et nécessite un changement dans la culture entrepreneuriale. Les entreprises sont plus que jamais appelées à développer leurs systèmes d'information, d'être à l'écoute de leur environnement national et international. En somme, ils doivent adopter une démarche d'intelligence économique. Aujourd'hui certains grands groupes tunisiens, ont compris la nécessité de cette démarche et ont commencé à investir dans l'information et l'acquisition du savoir. Reste la majorité des PME qui doivent avoir ce réflexe.
Quel rôle pour l'Etat ? L'Etat tunisien était toujours et depuis des années, à l'origine de toutes les initiatives et programmes au profit des entreprises. Une tâche et une responsabilité assumée, avec la certitude que la compétitivité d'un pays est la somme de la compétitivité des opérateurs économiques. Le tissu économique tunisien, composé en grande partie par des PME, n'ayant pas d'énormes ressources financières, pousse aussi à ce positionnement de l'état tunisien dans la vie économique. Dans ce cadre plusieurs structures administratives sont déjà mobilisées au profit des entreprises tunisiennes, offrant des services, performants soient t ils, gratuitement parfois et personnalisés. Dans le domaine de la veille, plusieurs départements et institutions réalisent cette tâche, selon des intérêts et des finalités différentes (exportation, investissement, emploi,….). On retrouve à titre d'exemple : le Centre de Promotion des Exportations, la FIPA, l'ATCE, l'ATCT, les représentations commerciales, les centres techniques, les technopoles, les unités de recherches, les universités, les ambassades, les chambres de commerce et d'industrie, les directions de certains ministères économiques,…..Autant de structures ayant différentes vocations et assurant différentes missions. Ce sont aussi autant d'efforts et savoir faire, éparpillés entre différentes structures, pourtant l'objectif est toujours le même pour tous : la compétitivité économique. L'output de ces structures s'arrête aussi au niveau de la veille, ou la pure information économique brute. Or l'intelligence économique dépasse de loin ce cadre pour être un outil de décision et d'anticipation. C'est-à-dire le passage d'une simple donnée brute à un savoir faire et une connaissance. La communication même des informations et des résultats de la veille fait défaut dans certaines structures, ou ne touche qu'une partie limitée du tissu économique. La qualité même de cette information laisse parfois à désirer. En effet, les besoins des entreprises évoluent constamment. Ils ont besoin d'une information personnalisée, pointues et stratégiques, opportune, et s'intègre dans le processus du développement. Dans ce cadre, et si l'effort de l'Etat est très important, il est nécessaire qu'il soit structuré dans une entité centrale, et développé dans le cadre d'une politique publique d'intelligence économique. L'instauration de cette intelligence économique ne doit pas être un simple effet de mode, mais une politique bien structurée et ancrée dans la politique de développement. L'adoption de l'IE en Tunisie aura sans doute pour finalité de : Aider les entreprises exportatrices à se saisir des opportunités d'exportations, les nouveaux marchés d'exportations, les nouveaux produits d'exportation, les nouveaux produits et marchés d'approvisionnement, les nouvelles réglementations internationales parus ou à paraître, les nouvelles normes internationales, prévoir les attaques informationnelles d'autres marques ou sociétés, contrer les diffamations,…. Encourager les Investissements Directs Etrangers en Tunisie, L'emploi : l'exportation des ressources humaines tunisiennes dans les marchés demandeurs à travers le suivi des besoins en ressources dans le monde, la valorisation des compétences tunisiennes dans les rencontres et conférences internationales, soutenir la présence des tunisiens dans les principaux organismes et agences internationales,…. L'image de la Tunisie : mettre en valeur les atouts économiques de la Tunisie, et ses performances, et contrer les diffamations, les malentendus, les préjugés,…pour préserver une bonne image de la Tunisie à l'échelle internationale. Exercer un effort de lobbying dans les instances internationales et régionales, économiques, politiques et de normalisation. La coordination des efforts des différentes structures administratives assurant une mission de veille ou d'assistance à l'entreprise doit passer par une concentration et une mutualisation des tous les efforts. Pour cela il est opportun de créer une structure centrale d'intelligence économique (agence, institut, centre, observatoire…) et qui aura pour mission de : Assistance des entreprises tunisiennes en matière d'information économique stratégique, Coordonner le travail des différents départements ministériels, universités, et structures de soutien ; pour la mise en œuvre d'une politique publique d'intelligence économique, La formation des compétences pour l'intelligence économique : les métiers de l'intelligence économique L'incitation à l'investissement dans l'intelligence économique à travers les cabinets privés de conseil et d'intelligence économique. L'intégration de l'intelligence économique dans l'entreprise : formation, séminaires, brochures, modules, notes de veille…. Piloter les recherches et les études nécessaires pour le développement des secteurs stratégiques en Tunisie, Rassembler les recherches, les études, les travaux de séminaires et de conférences nationales et internationales, les publications, les mémoires et thèses, …..pour la constitution d'une base documentaire à la disposition des administrations publiques et les entreprises, La publication d'un bulletin de veille sectoriel au profit des entreprises, Donner un avis sur les projets, les initiatives et les choix d'ordre national Le rôle de l'Etat dans l'adoption d'un processus d'intelligence économique doit être conjugué avec l'effort des entreprises, qui doivent aussi faire un pas. Les structures gouvernementales, sont appelés aussi à être à l'écoute des différents opérateurs économiques pour leur livrer un service personnalisé et répondant à leurs attentes. C'est avec une complémentarité et un partenariat, public-privé, très développé en Tunisie, qu'ont peut atteindre les objectifs de croissance et de compétitivité, dans un environnement basé sur la performance.