Des manifestants à la place du gouvernement à la Kasbah à Tunis le 25 février 2011
Lettre ouverte à Monsieur le Premier Ministre
La Tunisie a pris le convoi des nations qui ont réussi à bannir la tyrannie. Elle vient d'acculer son président à prendre la fuite, mettant fin ainsi à 23 ans de dictature, de déculturation et de spoliation.
Tout le monde savait que le « Changement », c'était de la poudre aux yeux, mais personne n'y pouvait rien face à une bande mafieuse qui a su verrouiller l'ensemble du système, aidée en cela par une armée de suppôts, disséminés à travers tous les rouages de l'Etat et de la société civile.
Si nous sommes condamnés à réussir l'étape, les efforts du gouvernement doivent absolument faciliter la transformation de la révolte du 14 Janvier en une Révolution c'est-à-dire une refonte profonde du paysage institutionnel et culturel du pays.
Le projet politique de la Tunisie se doit de capitaliser les erreurs du passé et doit prendre en compte les aspirations de la jeunesse et pas seulement ! Que l'on soit de droite ou de gauche, il faut mener la bonne politique ; la meilleure étant celle qui s'en tient au triple postulat de la transparence d'abord, de l'interdépendance des facteurs ensuite, et enfin celui de la juste répartition du revenu national.
Y parvenir présuppose une rupture nette avec le passé. Elle présuppose également et à mon sens, une double dose de charisme et de « dictature ». Le charisme ? C'est pour reconquérir la nation, éclairer, et aussi faire comprendre au tunisien qu'il est en train de se flageller pour se donner bonne conscience. Nous avons tous accompagné le mouvement à des degrés différents. Maintenant, il faut savoir s'arrêter, se donner du temps pour mieux rebondir et « conquérir » le monde, poser les bases d'une culture vendable et exportable.
La dictature ? C'est pour opérer les corrections qui s'imposent et faire taire à jamais les plaisantins de l'information qui ne cessent de brader le mouvement, et qui se sont jurés on dirait, de semer le doute et la zizanie dans les esprits. Dictature surtout, pour débusquer les derniers malfrats et dévoiler les instigateurs de troubles, qui semblent agir en terre vierge on dirait, à la barbe des forces de sécurité. Tout ceci doit être accompagné d'une certaine épuration administrative.
L'épuration est incontournable. Il est impératif de remettre les prédateurs, encore actifs de l'ancien régime à la place qu'ils méritent. Les cas sont nombreux. Le gouvernement actuel se doit illico presto de mettre en œuvre cette feuille de route qui participerait à la restauration de la justice sociale. Est-ce qu'il est écrit quelque part, que certains des anciens ministres de Zinochet, ses sbires de la Haute Administration, députés, gouverneurs, PDG..; j'en passe et des meilleurs ! , reconnus pour leurs ignorance notoire et affligeante, ainsi que pour leur servilité inconditionnelle, doivent continuer à se gaver de caviar sur le dos des sans emplois et des déshérités du Rif tunisien. Qui peut accepter que l'ancienne Médiateur Administratif qui n'était que chef de service avant de quitter l'API les années 90 puisse bénéficier d'une retraite d'ambassadeur ? Qui peut accepter que l'actuelle Médiateur Administratif puisse encore exercer en dépit de la séparation communément admise entre l'Etat et le RCD. Tous étaient, et sont toujours, membres actifs du RCD. Tous prônaient d'autorité et avec conviction la supériorité du RCD sur l'Etat. Bon gré mal gré ! Ils ont tous adhéré au mensonge volontairement. A qui mieux mieux pour servir un système délétère, et se servir SVP !!
Si on veut renaître, il est temps de déboulonner les suppôts de l'ancien régime. Bloquer les avoirs de la clique mafieuse, c'est facile comme décision. Par contre, le mérite de ce gouvernement, en quête de légitimité, passera par la correction d'office de la situation administrative de ceux et celles qui ont exploité hier le fonds de commerce appelé « Syad'tou » et qui entendent aujourd'hui exploiter le nouveau fonds de commerce de la « Mouçalaha ». Les martyrs, ainsi que les victimes du paupérisme d'Etat méritent mieux que les tergiversations. Ils ont DROIT à une juste reconnaissance qui interdit de passer les retraites imméritées dans le compte « pertes et profits ». N'en parlons pas du secteur privé qui lui, mérite largement le détours.
Ce qui est à craindre Mr le PM, c'est que cette occasion en or soit fichue. Déjà la lassitude commence à se faire sentir à l'intérieur comme à l'extérieur du pays. Ceux qui regrettent que l'armée n'ait pas pris les devant, encore que, elle était en mesure d'asséner le coup fatal le jour du grand départ. Ceux qui regrettent qu'on n'ait pas mis le pays entre les mains d'un collège de sages faisant office de Présidence. Ceux qui supplient d'organiser l'élection d'une assemblée constituante. Ceux enfin qui soupçonnent que le cas de Bouazizi ne fut que la goutte qui a débordé le vase et que c'est comme si la révolte ne fut jamais tuniso-tunisienne…
Les péchés mignons de Mr. Ghannouchi ont discrédité la révolte. Alors que les tunisiens ont eu pour une fois quelque chose de valable à exporter, il n'a cessé, lui de ramer à contre courant notamment par : v Son premier gouvernement : le fait de maintenir les instruments de l'ancien régime, a laissé planer le plus grand doute. v Son attentisme : préférer la position défensive et attendre d'être acculé par la rue jusqu'aux derniers retranchements,et même jusqu'à sa démission. v Et surtout sa préférence pour la « pommade » : au point d'éviter lors de sa dernière apparition de souligner les liens et les causes des derniers événements des 25 et 26 février 2011. v Son ingénuité : la répression n'a jamais figuré dans aucun programme politique. Mais un homme d'Etat se doit de faire la part des choses. Ratisser les mercenaires de la décadence, ce n'est pas de la répression. Au contraire, il y va du salut de la Nation. Il est vraiment regrettable que Mr. Ghannouchi ait raté l'occasion de défoncer la porte entr'ouverte de l'Histoire.
Le comble du Mal c'est de constater, sans pouvoir réagir, l'économie tunisienne tourner à 30%. Le pire est de voir les élèves du collège chanter l'année blanche.
Les tentacules de la réaction, d'une part, les ultras de la Kasbah ainsi que leurs employeurs ont eu raison de Mr.Ghannouchi Les uns par « amour » au RCD et au couple Zinochet, les autres, malades de la perfection.
Il vous appartient Mr. Le Premier Ministre de prendre le contre-pied de ce qu'a fait votre prédécesseur. Votre charisme toujours intact nous sera d'un grand secours.
Il vous appartient Mr. Le Premier Ministre, d'injecter votre petite dose de dictature propre à délivrer notre pays de l'anarchie et à rétablir l'ordre.
D'accord pour le multipartisme quoiqu'il ait montré ses limites partout ailleurs ; d'accord pour la société civile qui aura la noblesse de soutenir la bonne gouvernance.
La majorité silencieuse, mais travailleuse vous demande de NETTOYER La Kasbah.
Bouraoui Naceur Directeur Général dans la fonction publique