L'économie mondiale vit actuellement une période de ralentissement prononcé qui a particulièrement affecté le secteur automobile à l'échelle internationale dont l'activité continue de pâtir du repli de la demande, en rapport avec l'aggravation et l'amplification de la crise financière qui n'épargne sur son passage aucun secteur d'activité. Dans la foulée, Michelin vient d'annoncer une réduction de son activité dans la plupart de ses usines dans le monde pour faire face à la crise et mieux maîtriser ses stocks. De son coté, Toyota Motor anticipe, pour la première fois de son histoire, une perte d'exploitation annuelle au niveau du groupe en raison de la flambée du yen et d'une chute des ventes dans l'automobile mondiale. Dans ce contexte, la Maison blanche a accepté, à des conditions drastiques, de puiser dans le fonds Paulson pour attribuer une aide globale de 13,4 milliards de dollars qui évitera à GM et Chrysler de déposer leur bilan. Michelin taille dans son activité et révise ses objectifs à la baisse Forte d'une expérience engagée depuis 1889, Michelin s'est finalement résignée à accompagner l'effondrement des marchés automobiles en novembre, en réduisant son activité dans la plupart de ses usines dans le monde. L'objectif est clair, faire face à la crise et mieux maîtriser les stocks. «On s'adapte aux marchés», a résumé le 22 décembre 2008 une porte-parole du groupe, avant de préciser que les réductions d'activité n'étaient «pas homogènes», mais décidées «usine par usine, atelier par atelier». Les arrêts de production vont de quelques jours à plus de deux semaines, selon les sites, mais toutes les usines ne sont pas concernées. Début octobre, Michelin avait chiffré ces baisses de production à 10%, surtout en Amérique du Nord et en Europe. La «sous-activité» va générer des coûts exceptionnels d'un montant «proche de 150 millions d'euros» dans les comptes du quatrième trimestre, a prévenu Michelin. Il est à rappeler que le groupe avait fait état dès le mois d'octobre d'une «baisse des commandes». Et le mois de novembre s'est traduit par «une nouvelle et forte détérioration du niveau de la demande en pneumatiques». La crise frappe l'ensemble des marchés, Europe, Amérique du Nord, mais aussi Asie et Amérique du Sud, d'où la décision de mettre en oeuvre «des réductions significatives d'activité dans la plupart de ses usines dans le monde». Une stratégie conséquente L'objectif affiché par le groupe est de «maîtriser ses stocks» et pouvoir «entamer l'année 2009 en préservant ses marges de manœuvre». Depuis des semaines, les annonces de baisse de production se multiplient. Dernière en date, l'arrêt d'une semaine en fin d'année dans deux ateliers de Clermont-Ferrand, fief du groupe. L'atelier de mélangeage de gomme de Cataroux, principal site de production clermontois, qui emploie 400 personnes, ferme du 22 au 29 décembre, et l'atelier de fabrication de fils de la Combaude (100 personnes) du 18 au 24 décembre. Auparavant, des mesures de chômage partiel ont été annoncées dans les usines françaises de Joué-lès-Tours (Indre-et-Loire), 1300 salariés, de Blanzy (Saône-et-Loire), 1600 salariés, de Roanne (Loire), 900 salariés, et de Cholet (Maine-et-Loire), 1350 salariés. En Europe, le groupe a annoncé des «arrêts ponctuels» de quelques jours à deux semaines dans son site d'Olsztyn (Pologne), qui emploie 4000 salariés. Les deux usines du groupe à Zalau (Roumanie), employant quelque 1600 personnes, sont fermées de la mi-décembre jusqu'à début janvier. Michelin, qui dispose de 69 sites de production dans 19 pays, comptait plus de 121.000 salariés à la fin 2007. Le groupe a recours à des mesures d'accompagnement pour «faire en sorte que les salariés soient le moins pénalisés» financièrement, affirme une source de la société. Toyota anticipe sa première perte Même son de cloche du coté de Toyota Motor qui anticipe, pour la première fois de son histoire, une perte d'exploitation annuelle au niveau du groupe en raison de la flambée du yen et d'une chute des ventes dans l'automobile mondiale.Le constructeur automobile japonais est particulièrement exposé à cette nouvelle conjoncture morose car il a développé en toute hâte des capacités de production devenue sans objet. Il a dû mettre des usines au chômage technique et repoussé des projets industriels, comme une nouvelle usine dans le Mississippi destinée à construire la nouvelle Prius. Toyota anticipe maintenant une perte d'exploitation de 150 milliards de yens (1,7 milliard de dollars) pour le groupe sur l'exercice 2008/2009 qui sera clos le 31 mars prochain. Le groupe avait déjà ébranlé les marchés financiers le mois dernier en réduisant sa projection de résultat d'exploitation de 1.000 milliards de yens à 600 milliards, le résultat restant toutefois positif. Il avait dégagé l'exercice précédent un bénéfice d'exploitation record de 2.270 milliards de yens. Des révisions à la baisse Toyota anticipe également un bénéfice net du groupe de 50 milliards de yens au lieu de 550 milliards. Le constructeur a aussi abaissé son objectif de ventes mondiales du groupe sur l'exercice 2008/2009 à 7,54 millions de véhicules contre 8,24 millions précédemment anticipés, soit un abaissement de 8,5%, après avoir vendu 8,913 millions de véhicules l'exercice précédent. Fait significatif, le constructeur automobile n'a pas donné d'objectifs de vente et de production pour l'exercice à venir, contrairement à ses habitudes. Toyota avait réduit de 7% en août sa prévision de ventes mondiales du groupe à 9,7 millions de véhicules pour 2009 mais on pense habituellement qu'il faudra compter avec un million de moins dans le pire des cas. Un soutien substantiel aux constructeurs américains Coté américain, le poids du secteur automobile dans l'économie est considérable et l'industrie automobile américaine est jugé "trop importante pour faire faillite". Pour cause, le président George Bush a finalement donné son accord pour que les constructeurs les plus en difficulté reçoivent rapidement une aide financière tirée du fonds Paulson, du nom du Secrétaire du Trésor américain, normalement destinée uniquement à soutenir le système financier. General Motors touchera ainsi 9,4 milliards de dollars tandis que Chrysler recevra 4 milliards. Ils pourront se partager 4 milliards supplémentaires en février, sous réserve du déblocage de la deuxième partie des fonds du plan Paulson par le Congrès. Tous deux ont aussitôt salué ce geste, promettant d'accélérer leur restructuration. Le troisième des "Big Three" de Detroit, Ford, a confirmé de son côté ne pas avoir besoin de l'aide de l'Etat, qualifiant l'aide accordée à ses concurrents de "prudente". Surtout, il a rappelé le risque d'effet domino en cas de faillite de l'un d'eux. Une obligation de performance "Les compagnies doivent utiliser ces fonds pour devenir viables financièrement", selon l'exécutif américain. Si ces firmes ne sont pas devenues viables d'ici le 31 mars 2009, elle devront rembourser au Trésor l'ensemble des sommes qui leur ont été avancées. L'accord de prêt prévoit qu'elles réduisent rapidement des deux tiers leur endettement, principalement par une conversion de la dette en capital. Il s'agit aussi de s'assurer que l'argent du contribuable ne sera pas gaspillé et pourra être récupéré. D'où l'attribution de warrants permettant à l'Etat américain d'obtenir des actions préférentielles. Les dirigeants sont mis sous surveillance, avec une limitation des prime et la suppression de certains avantages en nature, comme l'utilisation de jets privés. Les versements de dividendes seront interdits tant que les entreprises seront débitrices de l'Etat. Et le gouvernement pourra bloquer toute transaction supérieure à 100 millions de dollars. Et les sacrifices seront demandés à tous les acteurs du secteurs. A commencer par les salariés. A cet égard, entreprises et syndicats devront se rencontrer pour trouver un accord permettant aux constructeurs d'être compétitifs avec les usines américaines des constructeurs étrangers d'ici le 31 décembre 2009. De toute évidence, l'industrie automobile vit une conjoncture exceptionnellement difficile dans laquelle les constructeurs mondiaux sont confrontés à une demande qui s'est totalement retournée dans un contexte de crise financière ou le crédit est moins accessible et le consommateur plus prudent. Le secteur aborde incontestablement un tournant difficile de son histoire et risque d'y laisser ses «pneus», lire sa peau.