La proposition a tourné court et on ne voit pas comment il pouvait en être autrement tant elle est surréaliste et kafkaïenne dans son application pratique. Dans un élan de surenchère dont la seule logique est électoraliste, l'ancien Premier ministre Gabriel Attal a sorti de son chapeau l'interdiction du port du voile pour les moins de 15 ans. L'affaire se transforme en boulet politique que l'éphémère Premier ministre (à peine 8 mois à Matignon) traînera longtemps comme un boulet. Après le chef du gouvernement c'est au tour du président de la République de fermer la porte à Attal. Il fallait bien répliquer à Retailleau, sauf que… Quand le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a dégainé son rapport sur les Frères musulmans, notamment ce qu'il appelle l'islamisme "par le bas" ou "l'entrisme islamiste", le camp d'à côté, le parti présidentiel, s'est cru obligé d'agiter un autre épouvantail pour exister politiquement. C'est alors qu'Attal a jeté sur la place publique 3 idées dont cette proposition sur le voile. Evidemment Retailleau s'est fait une joie de la tailler en pièce. Seuls son rapport et les propositions qui suivent doivent briller. Mais le plus problématique pour Attal c'est que dans son propre parti les critiques montent. Il y a l'ancienne Première ministre et actuelle ministre de l'Education, Elisabeth Borne, qui déjà contestait le leadership du chef du parti, mais il y a aussi et surtout le Premier ministre François Bayrou. Tout le monde est d'avis que l'idée du jeune président du parti (36 ans) est "inconstitutionnelle", "inapplicable", etc. Sa trouvaille ne trouve grâce aux yeux de personne, en tout cas personne ne clame son soutien. "Je ne sais pas ce que cela veut dire. (…) Comment vous faites? Cela veut dire que, dans la rue, les policiers disent à une jeune fille 'Montrez-moi votre carte d'identité pour voir si vous avez l'âge? Je n'ai pas envie de faire de l'Islam un sujet de fixation de la société française", a asséné Bayrou ce mardi 27 mai sur BFMTV-RMC. Avant lui le chef de l'Etat, Emmanuel Macron, avait dit tout le mal qu'il pense de la proposition de son ex-poulain. Questionné sur cette affaire en marge de sa visite en Asie du Sud-Est, Macron a fixé sèchement le cadre du débat : "Est-ce que ça répond à la question du séparatisme ou de l'entrisme? La réponse est non. Donc je pense qu'il faut avancer avec méthode. Si on amalgame tous les débats, on crée de la confusion chez nos compatriotes"… "Il faut que chacun vive dans une société où on doit être exigeant, ou il y a des droits et des devoirs, mais où il doit aussi y avoir du respect à l'égard de chacune et chacun", a ajouté le président de la République. Le fameux "en même temps" du Chef. Son parti a dit qu'il a travaillé sur ce sujet durant des mois, sa remarque cinglante est aussi sa façon de donner des coups de patte à ceux qui ne le consultent plus, qui l'ont déjà enterré. Attal ne pardonnera jamais à Macron Cette mise au point aux allures de recadrage ne soignera pas les relations entre Macron et son ancien Premier ministre. Ce dernier ne lui a jamais pardonné la dissolution du Parlement et les législatives anticipées qui ont fait voler en éclats la majorité présidentielle. Attal rêvait de camper à Matignon jusqu'à l'élection présidentielle de 2027, avec un statut de candidat naturel puisque Macron est frappé par la limitation des mandats, quoiqu'il n'ait pas dit son ultime mot. En lieu et place de ce scénario idéal un chaos politique s'est installé, l'extrême droite et l'extrême gauche en ont profité pour prendre les premiers rôles. Attal a fait le choix de diriger son parti et les députés de la Macronie vers la droite dure et l'extrême droite, même s'il s'en défend énergiquement. Beaucoup de ses amis se sont désolidarisés de cette orientation. Donc il était tout à fait logique qu'ils ne le suivent pas dans cette affaire de voile. Attal a bien senti – un peu tard – que son idée sent le souffre, il a fustigé les "postures politiciennes" dans un entretien avec le Parisien mais il sait que la voie du voile est sans issue et qu'il faut vite en sortir. Alors il fait mouvement vers d'autres thèmes régaliens plus consensuels. Hier lundi il a proposé la généralisation des polices municipales dans les communes de plus de 10 000 habitants, des unités "systématiquement armées" et avec un périmètre élargi. Il a également milité pour une "loi d'accélération de la construction de prisons et de CRA" (centre de rétention administrative). Quant à ceux qui l'accusent de migrer vers la droite, il réfute tout "virage dans un sens ou dans l'autre (…). S'il y a bien un sujet sur lequel les clivages n'ont plus beaucoup de sens, je crois que c'est celui-là: vivre en sécurité dans son pays, respecter l'ordre, nos frontières. Je crois profondément que ça n'est ni de droite, ni de gauche, ni du centre", argue-t-il. Il s'est brûlé les ailes sur le voile, il tente de se refaire une santé ailleurs. L'ancien socialiste fait de la politique politicienne quoi, il ne faut y voir aucune once de conviction.
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