Tahar Belkhodja, ancien ministre de l'Intérieur du défunt président Habib Bourguiba, a accordé une interview exclusive à TunisieNumérique, mercredi 13 juin 2012. Il a d'abord analysé la situation sécuritaire actuelle, et plus précisément les graves incidents qui ont débuté le 11 juin 2012 et qui ont abouti au couvre-feu actuel dans le Grand-Tunis, à Sousse, à Monastir et à Ben Guerdane. Selon lui, le laxisme sécuritaire dont souffre la population tunisienne, peut mener à des situations encore plus graves. En outre, « une guerre de communiqués » s'est déclenchée entre Ali Laarayedh et ses policiers, chose que les Tunisiens n'ont encore jamais vécue. Il affirme qu'il est extrêmement important que la police se sente sûre d'elle même et protégée par ses responsables, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. De même, il déclare que les Tunisiens ont l'impression d'une impunité générale, les gens sont inquiets, les étrangers comme les Tunisiens. «Nous vivons dans une atmosphère presque de terreur, inconnue même du temps de Ben Ali et de Bourguiba», affirme-t-il. Pourquoi tout cela se passe-t-il en même temps dans différentes régions, du nord au sud? Tahar Belkhodja, affirme à TunisieNumérique, qu'il y a une stratégie derrière ces événements: « Les salafistes sont manipulés, il faut donc connaître leurs manipulateurs, et discuter avec eux, puisque les salafistes refusent le dialogue, ils ne changeront pas leurs convictions. Mais le Gouvernement n'a pas suivi cette ligne de conduite», ajoute-t-il. D'après lui, la stratégie actuelle du Gouvernement a aboutit à une succession d'affrontements et de couvre-feu, sans que le problème ne soit résolu. « Il faut que chacun prenne ses responsabilités, et je pense que ce n'est plus seulement l'affaire du Gouvernement, c'est une affaire nationale, il faut s'adresser aux partis politiques les plus importants représentés à l'Assemblée Nationale Constituante et surtout aux forces vives de la nation». Le rétablissement de l'ordre en Tunisie est une priorité nationale, non pas à la manière de Ben Ali avec des exactions et des tirs de munitions, mais par l'application de la loi Républicaine. Il rappelle qu'il y a encore plusieurs milliers de prisonniers évadés qui sont encore en liberté, ce qui crée un climat d'insécurité. Il juge que le Gouvernement actuel n'a pas réussi à contrôler les événements récents qui ont abouti au couvre-feu, ce qui n'est pas acceptable. On ne peut pas se faire justice soi-même ! Abordant les graves incidents qui ont eu lieu au Palais d'El Abdellia, il condamne l'intrusion des salafistes dans la galerie par leurs moyens, pour se faire justice pour menacer les gens et les frapper. « Si les salafistes considèrent qu'il y a des choses dans la galerie qui ne leur plaisent pas, ils doivent aller devant la justice et ne pas appliquer leur propre justice», déclare-t-il. Quand des prêcheurs étrangers viennent nous apprendre à être des bons Musulmans ! Le Gouvernement a ouvert les frontières pour que des prêcheurs étrangers viennent pour nous donner des leçons et nous apprendre comment pratiquer correctement la religion musulmane en devenant des wahabites ou des salafistes, ces derniers se permettent de s'adresser à des jeunes Tunisiens sains et innocents, pour leur faire un «lavage de cerveau». Dans le même contexte, il ajoute que le Gouvernement a accordé des autorisations à de nombreuses associations religieuses sans savoir exactement ce qu'elles font. Le Gouvernement ne doit pas chercher des boucs émissaires L'état d'urgence et le couvre-feu sont des mesures indispensables actuellement pour la protection des citoyens, mais elles doivent être provisoires. Il faut arrêter les casseurs et les bandits, et voir le rôle joué par les salafistes dans ces événements. Tahar Belkhodja considère que les responsables du Gouvernement doivent dire la vérité aux citoyens et assumer leurs responsabilités, en tant qu'«hommes d'Etat ». «Il faut que les dirigeants d'Ennahdha, que nous acceptons puisqu'ils sont issus des urnes, prennent les choses en main et qu'ils reprennent le contrôle des événements». « Ce qui est terrible maintenant, c'est que tout le monde a peur, même le Gouvernement», a conclu Tahar Belkhodja.