Sans violence ni grande surprise, les familles et les parents des salafistes détenus, impliqués dans l'affaire de l'ambassade américaine à Tunis, mais aussi dans les événements survenus à Bir Ali Ben Khlifa et au palais d'Al- Abellia et bien d'autres, se sont massés en grand nombre, hier à 10h00, devant le ministère de la Justice. Sous le regard attentif des forces de l'ordre, déjà mobilisées, alignées en cordons sécuritaires. Ils sont venus de tous bords observer un sit-in de deux heures. Leur revendication n'est autre que la libération de leurs fils dont la détention est jugée «injuste et arbitraire», faisant l'objet de procès aléatoires basés sur la politique du «deux poids, deux mesures». Selon eux, ces jugements infondés et répressifs ne font que remettre en mémoire les anciennes pratiques du régime déchu, où les islamistes ont toujours été pris pour de vrais terroristes. Aujourd'hui, à les en croire, la frange des salafistes demeure, ainsi, le souffre-douleur du gouvernement et de l'opposition. En réclamant que justice soit faite de la manière la plus équitable, les sit-inneurs, qui avaient réagi pacifiquement, ont préféré s'exprimer à travers de multiples slogans brandis haut et fort. «Non au racisme et à la discrimination», «Non à l'exclusion, non à la torture», «La loi sur le terrorisme, une loi américaine», «Relâchez le salafiste, arrêtez le rcdiste...», «Jusqu'à quand les prisonniers de Bir Ali Ben Khlifa sans jugement?», «Oui, pour la levée de l'injustice sur les innocents», autant de messages sous-entendus qu'ils ont voulu transmettre notamment au ministre de la Justice, M. Noureddine Bhiri, qui avait démenti, hier sur les ondes de Shems FM, le chiffre de 900 salafistes détenus, comme l'ont déclaré les sit-inneurs, tout en affirmant que l'effectif en détention ne dépasse, même pas, les deux cents au total. Un nombre que vient, par ailleurs, contredire Me Anouar Ouled Ali, secrétaire général de l'association des jeunes avocats et président du comité de défense des détenus appartenant au courant islamiste. «L'on ne dispose pas d'un chiffre exact, leur nombre oscille entre 300 et 500 détenus...», estime-t-il. Venus, lui aussi, plaidoyer pour la liberté inconditionnelle de ses clients- salafistes présumés innocents dans les procès intentés à leur encontre, Me Ouled Ali a fait preuve d'engagement et de solidarité avec les familles des détenus, issues de plusieurs régions du pays. Il n'a pas, de même, hésité à prononcer publiquement un discours d'apaisement, mais bien chargé de messages clés à l'adresse du gouvernement, des magistrats et de la Constituante. Aux agents de la sécurité, l'orateur a lancé un appel de revoir la politique sécuritaire basée sur l'image cliché portée sur les islamistes et les comportements irresponsables à leur encontre. «Qui parmi nous n'a pas un policier dans sa famille ou dans son entourage...», a-il fait remarquer. Et d'ajouter qu'ils soient islamistes, laïques, de gauche ou de droite, tous les citoyens doivent avoir droit à une justice transparente et équitable. « Il faut rompre avec les dépassements et les abus qu'avait commis à outrance l'ancien régime, lequel n'hésitait point à opprimer les islamistes et malmener leurs familles, sous le signe de la lutte contre le terrorisme...», rappelle-t-il. Prenant la parole, un imam prédicateur a déclaré être venu pour soutenir les sit-inneurs et dénoncer toutes les formes d'injustice dont sont victimes, à ses dires, les islamistes. Il a, par ailleurs, exhorté ses pairs à défendre davantage, à travers les prêches du vendredi, la sublime religion. «En tant que prêcheur, je tiens, aujourd'hui, à saluer l'organisation de ce sit-in qui reflète l'élan de solidarité des familles des détenus, ainsi que l'apport de nos frères, les avocats de la défense...», a-t-il conclu. A maintes reprises, la parole des intervenants a été interrompue par des signes de glorification divine, en l'occurrence «Dieu est grand». En conclusion, un dénommé Tahar, père de Ali Harzi, salafiste détenu, a tenu à lire à l'auditoire le communiqué du sit-in. Un communiqué dans lequel les signataires ont rejeté catégoriquement le traitement discriminatoire avec les détenus présumés appartenant au courant salafiste, alors que beaucoup d'autres prisonniers aux idéologies diverses, ainsi que des syndicalistes, ont été relâchés. Ils ont, également, dénoncé les sévices et les mauvais traitements que subissent les islamistes dans les prisons, ce qui a poussé certains parmi eux à entrer dans une grève de la faim sans aucun suivi sanitaire ou médiatique en leur faveur. A travers ce communiqué, les sit-inneurs ont appelé le gouvernement à faire tout pour libérer leurs enfants détenus, il y a des mois. Hier dans la soirée, des cheikhs salafistes devaient se réunir dans l'une des mosquées de la Cité Ettadhamen pour se concerter et prendre les décisions qu'ils considèrent nécessaires pour l'heure, afin de faire entendre la voix des sit-inneurs. La cité Ettadhamen sous haute surveillance Environ deux mille salafistes se sont rassemblés, hier, à la Grande mosquée située rue de Médine, à la cité Ettadhamen (gouvernorat de l'Ariana), selon des sources sécuritaires de la Garde nationale. Dans un entretien téléphonique avec la correspondante de l'agence TAP, les mêmes sources ont indiqué que le meeting s'est déroulé sous une forte présence des unités de la Garde et de l'Armée nationales, dans les environs de la mosquée et des rues adjacentes «pour prévenir tout mouvement pouvant porter atteinte à l'ordre public de la part des groupes salafistes». Des appels à protester contre les arrestations de membres du courant salafiste, notamment celle de Bilel Chaouachi à la suite de ses déclarations en direct sur une chaîne TV, ont été enregistrés au cours du meeting, «mais elles n'ont pas trouvé d'écho favorable», ont précisé les mêmes sources. Un des participants au rassemblement a déclaré que ce meeting a été organisé, principalement, pour «faire connaître ce mouvement et mettre en valeur les nobles valeurs, les principes humanitaires et la démarche pacifiste des salafistes face à la violence de l'Etat», selon lui. Le rassemblement qui a débuté juste après la prière du Moghreb (17h20), a été organisé à l'appel de certains dirigeants salafistes.