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Tunisie: Nida Tounes & Ennahdha, adversaires déclarés ou frères ennemis?
Publié dans Tunisie Numérique le 12 - 10 - 2012

Rivalisant de diabolisation, d'ostracisme et de réquisitoire, Ennahdha et Nida Tounes ne cessent d'alimenter la chronique et la crispation, ajoutant une couche de tension dans le chaos politique et social ambiant.
Le bras de fer qu'ils ont engagé se nourrit de toutes les facéties et manœuvres politiques et idéologiques pour creuser les lignes de rivalité. Chacun agit et réagit en fonction de l'autre parti et le désigne comme principal adversaire, laissant entendre qu'excepté ces deux partis, le paysage politique tunisien est un désert à perte de vue. Il est réducteur et non moins arbitraire de confiner la société politique tunisienne uniquement à deux forces politiques quelle qu'en soit leur importance.
Alors adversaires déclarés ou frères ennemis ?
D'abord, concernant leur programme économique, la ligne de démarcation n'est pas vraiment prononcée. Ils semblent partager le même modèle de développement, puisé dans l'héritage légué par l'ancien régime. Pour preuve, aussi bien le premier que le deuxième gouvernement de transition n'ont opéré ou ont fait part de leur engagement à opérer une rupture avec le modèle hérité qui a prouvé ses limites et ses effets adverses et a fini par être rejeté par les tunisiens.
Les deux protagonistes donnent l'impression qu'ils n'ont pas encore saisi que le modèle de développement a précipité, entre autres, la révolution tunisienne. Donc, à ce niveau, on perçoit, dans une large mesure, une réelle communauté de vue même si les axes de priorité et les schémas de financement de l'un et de l'autre pourraient accuser des différences.
Ensuite, au sujet de leur projet sociopolitique et culturel, il y a deux paliers d'analyse, l'un apparent et l'autre latent. Le premier se situe au niveau du discours, et là les deux formations sont sur la même longueur d'onde, préconisant l'alternance au pouvoir, la civilité de l'Etat, la séparation des pouvoirs, la neutralité de l'administration, l'exercice démocratique, la sécularité de la société, l'égalité des sexes, la sérénité identitaire et la stabilité, la justice et la cohésion sociales ainsi que la garantie de la sécurité et de l'ordre et la protection de la liberté et de la citoyenneté.
Donc, le discours, de part et d'autre, est imprégné de modernité, d'ouverture, prônant le consensus social et valorisant le patrimoine culturel national. Le deuxième, à vocation plutôt interne, relevant des choix stratégiques, porte sur le modèle de société. Là il y a beaucoup d'opacité et d'ambigüité notamment de la part d'Ennahdha dont le double langage et l'approche à deux vitesses ont toujours agi comme un boulet que le parti n'arrive pas à s'en libérer. La dernière vidéo de Rached Ghannouchi lui a complètement plombé les ailes et corrompu l'image, offrant de belles graines à moudre pour ses adversaires. Il lui sera d'ores et déjà très ardu de se dépêtrer de cette ornière.
Ceci dit, et au vu de l'importance populaire et géographique de ces deux partis par rapport aux autres formations politiques, peut-on parler de bipolarisation ? Plutôt évoquer le terme de rivalité ou d'antagonisme, voire d'une course au leadership, beaucoup plus que de bipolarisation, dans la mesure où, quand bien même les points de rencontre et de similitude liés au programme économique et au discours politique, il y a un décalage en matière socioculturel, soit la dissemblance du modèle de société. Et à ce niveau que la divergence prend toute sa signification et toute son expression, ce qui coupe court à toute idée de bipolarisation et fait admettre qu'il s'agit bien d'une opposition d'objectifs et de stratégies.
Cette acception trouve dans la montée du front populaire, comme troisième force politique, un levier argumentaire. D'autres coalitions, dotées d'un certain poids électoral, pourraient venir à l'arène de la compétition et remodeler, encore une fois, le paysage politique tunisien. Donc, il serait peu ou prou indiqué de parler de bipolarisation, qui soit à l'américaine (démocrates et républicain) ou à l'anglaise (travaillistes et conservateurs).
Bras de fer ou coups bas ?
Sévèrement critique à l'égard d'Ennahdha, Nida Tounes pointe l'échec cuisant de la gestion gouvernementale, lui imputant la responsabilité première, en sa qualité de parti au pouvoir, dans la dégradation de l'image de la Tunisie. Les coups de butoir fusent de partout : Absence de culture de dialogue, prééminence de l'intérêt partisan, dérive vers l'Etat/parti, subterfuge électoral, assujettissement des médias et complaisance à l'égard de la violence. Tous les griefs, fondés ou non, sont montés en épingle pour clouer Ennahdha au pilori. Certes, Nida Tounes dispose d'un meilleur éventail de rampes de frappe, mais convient-il de remettre les choses dans leur véritable contexte : Le fauteuil de l'opposition est, sans commune mesure, plus confortable que le siège du pouvoir, la majorité qui gouverne est en tout temps, par définition, passible de critique et voué à la vindicte, alors que l'opposition accapare le beau rôle et n'essuie que des rappels à l'ordre tout au plus.
Pour sa part, Ennahdha accuse Nida Tounes d'être infesté d'élément RCDéistes à bannir de la vie politique et de favoriser la résurrection et la reproduction de la dictature déchue. Il joue la carte de l'exclusion à fond, en faisant presque son seul cheval de bataille. En quelque sorte, une campagne électorale avant terme. Il semble qu'Ennahdha a déjà défini ses arguments de campagne, ses fers de lance et surtout son adversaire potentiel.
Dès lors que le RCD est honni par le peuple, autant matraquer sur cet aspect et tenter de convaincre l'électorat qu'à défaut d'un vote utile, le retour, sous une autre forme, du RCD n'est pas à exclure. Un épouvantail qu'Ennahdha secoue comme elle a focalisé sa campagne sur les risques identitaires lors des élections d'Octobre 2011. On dirait qu'Ennahdha est rompu à l'art de jouer sur les peurs et les vieux démons pour traquer le succès et d'habiller de tragique de faux problèmes. Nul doute que c'est de bonne guerre de placer le dramatique au centre de la campagne, mais la réussite n'est pas garantie à tous les coups.
Donc, l'idée c'est de faire en sorte que les électeurs assimilent Nida Tounes à un RCD déguisé. D'ailleurs, il s'agit là pratiquement de la seule ligne de confrontation autour de laquelle son discours et sa démarche sont articulé. Et c'est là où se situe le manque de prise et d'emprise d'Ennahdha. Articuler, à longueur de journée, le plan d'attaque sur un seul et orphelin argument finirait par desservir l'auteur et par lasser, à la longue, l'auditoire visé.
Le problème c'est qu'Ennahdha cherche d'autres angles d'attaque mais n'en trouve pas suffisamment, à son grand dam probablement. Certes, d'autres arguments offensifs ou de contre-attaque sont développés mais restent de moindre impact, voire dépourvus de force de persuasion, comme la nature hétéroclite de la plateforme idéologique et politique de Nida Tounes, le passé sulfureux de BCE. En quelque sorte, des coups d'épée qui éraflent sans meurtrir. Rien de quoi fouetter vraiment un chat, encore moins un intrépide dinosaure comme BCE.
Nida Tounes, par contre, se démène à brasser large, ciblant, à titre individuel ou collectif, les opposants se situant entre le centre et la gauche, dans l'ambition de constituer un front contre la Troïka. Par contre, Ennahdha, appuyé par ses partenaires au pouvoir, s'efforce à isoler son adversaire et à torpiller toute tentative de ralliement, quitte à promettre sinon à accorder, en contrepartie, des portefeuilles ministériels dans le prochain et non moins hypothétique gouvernement ou à faire miroiter l'opportunité de quelques arrangements électoraux. Chacun emploie, sans vergogne ni retenue, ses propres armes et ne ménage aucune piste pour obtenir gain de cause. Un seul leitmotiv : fragiliser le concurrent et rentabiliser son affaissement le cas échéant.
Si Nida Tounes est dans l'action et joue le chrono, échéance du 23 Octobre 2012 oblige, Ennahdha semble dans la réaction et use de provocation. Vouloir exclure Nida Tounes, boycotter ses représentants dans les plateaux Radio ou TV ou répandre que ce parti est plus dangereux que la mouvance salafiste traduit des velléités de violence politique et révèle, en tout état de cause, une volonté à faire sciemment l'amalgame et notamment à provoquer. Il est clair que l'un et l'autre cultivent son propre agenda et se lancent en campagne électoral avant terme.
Cependant, deux questions se posent :
1- Pourquoi ce n'est qu'en ces derniers moments que les deux partis ont ouvert réciproquement le feu des hostilités et affiché ouvertement leur antagonisme ?
2- Comment se fait-il que Beji Caid Essebsi (BCE) et Rached Ghannouchi (RG), se regardent aujourd'hui en chiens de faïence, alors qu'ils nous ont habitués, avant les élections d'Octobre 2011, à des bilatérales pétries de perspectives d'entente ?
Ce n'est pas la création de Nida Tounes qui explique l'animosité réciproque grandissante mais sa montée en flèche et sa nouvelle position d'éventuel pilier de l'équilibre politique. Un sérieux concurrent, en pleine bourre, se posant comme alternative et s'opposant d'une manière frontale au Troïka, est de nature à se dresser comme entrave aux projets d'Ennahdha, qui, pour sa part, dégringole dans les sondages d'opinions et connait une érosion, pour le moins prévisible, de son électorat potentiel. Ce double mouvement, l'un croissant et l'autre dégressif, confirme que l'usure du pouvoir et le fiasco du gouvernement en ont joué simultanément le rôle de moteur.
En revanche, les deux partis ne rechignent pas, loin s'en faut, à s'investir dans le duel et à souffler sur le feu de l'antinomie. Deux mastodontes qui s'observent droit dans les yeux, la main sur la gâchette, prêtes à dégainer au moindre baisse de garde. Ils se cherchent tellement à tout bout de champ qu'ils ne se rendent pas compte que la somme de leur score prévisionnel ne dépasse guère les 50% et que d'autres alliances et fronts s'organisent et animent la vie politique et que ces derniers risquent de bien mettre à profit leur fixation à faire bloc l'un contre l'autre pour grignoter sur leur électorat respectif et convaincre une bonne partie de la grande masse des indécis. A titre illustratif : Le front populaire, malgré sa composition hétérogène et sa démarche agressive, a réussi à trouver le bon tempo, au bon timing, et à se placer comme troisième force, du moins potentiellement, en exploitant les brèches de la rivalité par son discours de Ni-Ni.
Sur un autre plan, la tactique d'Ennahdha de placer ses hommes dans les articulations de l'Etat, de décapiter de facto l'administration et d'investir massivement l'espace public, laisse craindre une volonté de mettre en otage l'appareil étatique, de faire le lit de l'Etat/parti. Ceci suggère qu'Ennahdha s'organise pour se pérenniser au pouvoir, sans aucune disposition à le lâcher. Hormis dans ses professions de foi et ses sorties politiques et médiatiques, Ennahdha ne semble pas vraiment croire à l'alternance du pouvoir ni à la civilité de l'Etat, maniant le double langage et la fuite en avant. Divers épisodes en attestent.
Scénario catastrophe possible ?
Sans verser dans un alarmisme de mauvais goût ou dresser à l'avance un procès d'intentions, mais il ne serait pas inopportun d'anticiper. Ce n'est pas de la politique fiction mais juste quelques interrogations à partager : Et si Ennahdha perd les prochaines élections, scénario certes plausible mais qui risque d'être infesté de bombes à retardement et de menaces d'insurrection. Plus clairement, diverses questions déstabilisantes se posent : Le parti Ennahdha compterait-t-il accepter les règles du jeu et l'alternance au pouvoir ?
Peut-on écarter l'hypothèse qu'Ennahdha, en réaction, déciderait de jouer le pourrissement de l'environnement social (grève, sit-in, manifestation, violence, instrumentalisation, ....) pour sanctionner le nouveau pouvoir pourtant sorti tout droit des urnes ? Le cas échéant, S'apprêterait-t-il à utiliser la force pour reprendre la situation en main ? Le débat chaotique et houleux sur l'Instance Indépendante des Elections et l'atermoiement dans la fixation d'un calendrier politique témoignent, à certains égards, de cette guerre ouverte pour et vers le pouvoir, rien que le pouvoir.
Exagération ? En aucun cas ! Il y a certes un fond de spéculation et d'extrapolation mais ces pressentiments sont bien réels et non moins objectifs. En tout cas , on n'élude pas ce scénario cauchemar. Ennahdha n'a pas donné suffisamment de signes pour, d'abord, accepter sans équivoque la diversité et la spécificité de la société tunisienne, ensuite sanctuariser la suprématie de l'intérêt collectif et les valeurs de solidarité et de partage, et enfin être, non seulement en tant que parti mais notamment en sa qualité de pilier du pouvoir, garant de l'alternance au pouvoir.
Bien au contraire, son invasion de l'appareil de l'Etat par des nominations basée sur l'allégeance, sa prépotence dans la Troïka, son blocage du processus électoral, sa quête de faire main basse sur les médias, les obstacles délibérés à la mise en place des quatre Instances Indépendantes (Elections, média, magistrature et justice transitionnelle), la soumission de l'ANC au gouvernement, l'isolement de facto du président de la république sont tout autant d'éléments ayant peu à peu suscité puis structuré des appréhensions et des craintes à ce sujet.


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