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Tunisie : Qui a tué Lotfi Nakdh ?
Publié dans Tunisie Numérique le 21 - 10 - 2012

La victime a fait l'objet de tirs croisés, ennemis, et amis dans une certaine mesure. Feu Lotfi Nakdh est tombé au champ d'honneur, au front, avec pour seul arme sa foi en une Tunisie nouvelle et en un espace retrouvé de liberté et de partage. Les agresseurs sont multiples. Chacun de nous a une part de responsabilité, aussi infime soit-elle, dans cet abjecte et lâche assassinat. Qu'il soit décédé succombant à ses blessures ou suite à une attaque cardiaque, ça relève presque de l'anecdote car, dans les deux cas, la victime a fait l'objet de lynchage et de violence physique et verbale. Que le cœur ait cédé ou que le corps ait saigné à blanc, jusqu'au dernier soupir, ceci n'est que la cause ultime du décès, cause légiste par excellence. En effet, le meurtre, car il s'agit bien de meurtre, est également imputable à d'autres raisons , certes moins directes mais non moins agissantes, d'ordre politique, économique et social.
Le glissement croissant de la Tunisie dans les méandres de la violence, dans toutes ses expressions et manifestations, a en quelque sorte banalisé la brutalité, la rendant une constante de notre quotidien. Les cris d'alarme et les appels d'alerte que maints acteurs de la société civile, politique et médiatique, ont levés, depuis des lustres, dès les premiers signes de dérapage, n'ont pas trouvé d'écho. Même pire, ceux qui ont prévenu et anticipé l'escalade, ont été accusés d'agiter des épouvantails et de dramatiser, d'une manière outrancière et hors propos, la réalité de la situation. Taxées de catastrophisme de mauvais aloi et produits de quelques esprits chagrins, les craintes soulevées, pourtant basées sur des constats tangibles et des indices objectifs, ont été balayées d'un trait sur l'autel des compromis à contre nature de la Troïka. Malgré l'insistance et en dépit du bon sens, le trio au pouvoir, derrière son écran de fumée et son prisme déformant, a fait preuve d'une incroyable cécité, développant une approche à contre pied des pesanteurs sociales et des dérives politiques et partisanes. “Gouverner c'est prévoir” dit-on ! La Troïka n'a ni gouverné ni rien prévu, plutôt qu'elle a tellement focalisé son esprit sur l'idée de gouverner qu'elle a omis de prévoir.
La Troika, aujourd'hui au banc des accusés, pour avoir confisqué la transition démocratique, mis en otage l'Etat et la République, détourné le processus de justice transitionnelle et corrompu les objectifs de la révolution. L'échec sur toute la ligne de son gouvernement, pourrissant la situation socioéconomique et creusant les disparités régionales. Sa dissension interne, sa fuite en avant, sa défaillance de communication, son déficit de bilan n'ont fait qu'apporter une couche de tension à un contexte social déjà en effervescence et au bord de l'implosion. De part son positionnement et aussi sa démission sur certains volets, la Troika a prouvé que son plan d'action ambitionne en premier lieu la main mise sur le pouvoir et non l'accompagnement à bon port de la transition démocratique. En ligne de mire, le parti Ennahdha, qui se démène à placer ses hommes de main et même de paille dans les articulations de l'Etat, à dominer et faire marcher au pas la Troika, et par là à soumettre l'ANC, à souffler sur le feu identitaire, à bipolariser la société tunisienne entre “musulman” et “mécréant”, et entre deux modèles de société, un modèle moderne, ouvert, modéré et séculier, inscrit et enraciné dans la culture même de la Tunisie et un modèle fondamentaliste, antinomique du patrimoine commun, basé sur un projet d'islamisation (plutôt ré-islamisation) de la société et de rejet des acquis culturels et sociaux de la Tunisie. Sous ce faux duel entre les deux modèles antagonistes et inconciliables, monté en épingle au mépris de la séculaire cohésion culturelle et identitaire de la Tunisie, couvent les conditions à la fermentation de la violence.
Feu Lotfi Nakdh a été abattu car il a le “tort” de représenter un parti politique que le gourou Rached Ghannouchi a stigmatisé et jugé plus nuisible que la mouvance salafiste, affirmation accordant, en filigrane, un blanc seing à viser et casser du “Nida Tounes”, puisque de ce parti qu'il s'agit, vouant celui-ci à la vindicte salafiste et désignant, aux extrémistes jihadistes, leur adversaire de premier rang. Une manœuvre pour déplacer le noyau de la rivalité et opposer les deux protagonistes. Est-ce fortuit que le meurtre soit commis après la fameuse et non moins houleuse vidéo ? Pourrait-on parler de cause à effet. Il n'est pas question là de pointer le coupable, en l'occurrence la mouvance salafiste, mais de montrer comment, par de simples phrases, plutôt assassines, on fait le lit de la violence et on fait l'apologie de la négation de l'Autre. Quand on pointe la cible, c'est pour qu'on tire dessus, plein dans le mille. C'est élémentaire.
L'opposition, hétéroclite et fractionnée, n'a pas brillé par sa force de proposition et sa critique objective et constructive mais notamment par sa posture de descendre systématiquement la majorité. On dirait qu'elle n'existe pas d'elle-même mais par rapport à la majorité et au trio au pouvoir, donnant l'impression de ne respirer que dans le soufre des rafales. A certain niveau d'abstraction, on a plutôt des opposants et non une opposition, des francs tireurs beaucoup plus qu'une armée. La pléthore des courants idéologiques et politiques n'a pas agi, pour l'opposition, comme une source de richesse mais comme un facteur de fragmentation et de faiblesse. Incapable de constituer un front uni, une alternative robuste et crédible, l'opposition tunisienne souffle sur le feu de la division et alimente , à sa façon, les bûchers de la violence.
Pour sa part, l'ANC a apporté sa complicité, quelque part, et sans s'en rendre compte, à cet assassinat politique. Son inféodation au gouvernement, son processus de travail heurté, son flagrant retard dans la mise en œuvre de son mandat, son confinement à une fonction de bureau d'enregistrement, son image et son crédit de plus en plus entamés et dégradés auprès de l'opinion publique tunisienne, sa navigation à vue, l'opacité de son échéancier, sont tout autant de facteurs ayant exacerbé la tension sociale et favorisé la déliquescence de l'héritage commun qui a toujours joué un rôle de ciment social naturel dans notre pays.
Nous aussi, citoyens anonymes, nous avons péché par manque de mobilisation sur le terrain pour dénoncer, haut et fort, le dérapage sécuritaire et la montée de la violence. Nous n'avons pas saisi la juste mesure du tendancieux virage ni pris les choses à bras le corps mais par le bout des lèvres. Nous nous sommes certes épuisés dans d'autres batailles, et non des moindres, mais celle-ci a pesé nettement plus en termes de stabilité sociale et de vie humaine. La société civile, pilier d'équilibre et voix du peuple, est plutôt noyautée et phagocytée par de véritables ONGs (Organisations nettement Gouvernementales), composées d'officines partisanes, de relais religieux et d'échoppes de recyclage et d'instrumentalisation des milices RCDéistes et des repris de justice. La porte est ainsi ouverte à tous les abus et a toutes les menaces. La société civile a peu ou prou joué son véritable rôle d'amortisseur des crises sociales, offrant à la violence des brèches et des pistes de manifestation.
En conclusion, chaque tunisien a le sang de Feu Lotfi Nakdh sur les mains et sur la conscience. Du pays de Jasmin, on en a fait un territoire de cactus.


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