La guerre des tranchées s'organise par milices interposées, profitant de la myopie gouvernementale. Les poignards sont tirés, prêts à servir, mais gare à celui qui canarde en premier. Face à la LNPR, voilà la LPNC (Ligue de protection de la nation et du citoyen), débarquant fraichement à l'arène, jurant son grand Dieu de tailler la pieuvre LNPR en rondelles. Se la jouant légaliste, cette dernière a bien voulu saisir la justice pour porter plainte contre le fondateur de la LPNC. Donc, avant d'avoir lieu en pleine rue, à la place publique, ou faute de s'accorder sur le terrain de bataille, les protagonistes des échauffourées annoncées, et redoutées de toute évidence, ont entamé le premier round sur le ring légal, dans les couloirs du tribunal. On peut dire que la toute première bravade commence dans les règles de l'art, sous les arcanes de la justice. Un bon début, somme toute. Fille incestueuse du gouvernement et du parti au pouvoir, nourrie à l'impunité, instrumentalisée jusqu'aux orteils, la LNPR, forte de ses branches régionales, trouve aujourd'hui un adversaire à sa taille, un rival né d'un croisement contre nature, dans le ventre mou du pouvoir, entre son coupable parti-pris et sa sourde léthargie. Deux créatures, plutôt hideuses, dont le pouvoir tricéphale assume, en entier, la naissance et le développement. Il est malheureux de constater que la Tunisie est coincée dans un pitoyable piège où les repris de justice et les apprentis voyous ne rechigneront vraisemblablement pas à rivaliser de coups de poing et de tacles par derrière, qui, pour protéger la révolution, et qui, pour protéger la nation. Alors que ni à l'un ni à l'autre n'a été confié le moindre mandat dans ce sens. Chaque partie, prisonnière de ses certitudes et de ses lubies, s'en était autoproclamée, a établi son propre agenda, sa force de frappe et sa population cible. De part et d'autre, le tunisien moyen en sera immanquablement l'otage, la chair à canon et le fer de lance. Le peuple et l'Etat ne seraient-il pas capables de protéger et la révolution et la nation ? Nous sommes descendus trop bas, plus bas qu'il est supportable. Notre gouvernement de bras cassés et de seconds coteaux a fermé les yeux sur le premier monstre tant il en use comme épouvantail pour marquer le territoire, signaler les lignes rouges et tordre le cou de ses détracteurs. Maintenant, exploitant la garde si baissée du gouvernement, un autre est apparu à la rue, tout aussi violent que grossier, venu damer les pions à son ennemi juré. A chacun sa milice et son arsenal, à chacun son mobile et sa visée. La guerre est déclarée par médias interposés. Les milices rongent leurs freins, attendant le signal d'assaut. Un premier bain de sang est annoncé sur le plateau et en direct, radio et télé, à la muette angoisse des auditeurs. Dans un tel retournement de situation où le duel remplace le cavalier seul, on aimerait bien connaitre la position du gouvernement. Jusqu'ici, il n'a pas pipé mot. Il semble piéger, pris à son propre jeu, figé dans sa trappe. Peut-il bombarder la LPNC de bois vert sans remettre forcément en question la LNPR ? Est-il aujourd'hui en droit de lever son bouclier contre la violence sans se couvrir de ridicule et susciter l'hilarité générale ?