La machine a été bien huilée. Quelques jours à l'avance, la promotion de l'émission présentée comme le fruit d'un long travail d'investigation, des images exclusives saupoudrées ici et là et destinées à drainer un large public. Dimanche soir, les téléspectateurs tunisiens étaient rivés devant la télévision. Mais non seulement cette enquête de M6 ne portait d'exclusive que le nom et il y flottait de surcroit un air de déjà vu. On a eu droit à des images réchauffées de la « caverne d'Ali Baba », des biens du clan Ben Ali, on a assisté à un rappel leur gloutonnerie et avidité, on s'est noyés dans la longue litanie du dictateur et de la dictature, on s'est amèrement souvenu de nos bien spoliés dont une partie n'a toujours pas été restitué. Si cet exercice s'orientait, in fine, à enliser l'image d'un régime dont on connaissait déjà les travers et les tares, il a fait, à contrario, une promotion gratuite et inespérée aux successeurs du clan Ben Ali et plus particulièrement au président de la République, Moncef Marzouki. Comme s'il réhabilitait et dédouanait la Troïka de ces errements passés. Présenté comme l'homme de la rupture, un président « ne portant pas de cravate et ne motivant ses décisions que par le souci de respecter les droits de l'homme » Moncef Marzouki est encensé à quelques semaines de la campagne électorale pour la présidentielle. Ironie du sort, le nom du même journaliste, Bernard Dellavilardières, est cité dans le livre noir du président de la République comme étant parmi ceux ayant contribué à la propagande du régime Ben Ali. Au-delà de cet exercice, plusieurs interrogations se posent quant au timing et au but que cette émission espérait atteindre.