A peine entré en mission, le ministre de l'Enseignement supérieur, Chiheb Boudèn, devra se saisir de l'épineux dossier des grèves qui minent plusieurs universités tunisiennes. Celle qui constitue aujourd'hui une véritable bombe à retardement pour le gouvernement est peut être la grève des étudiants d'ingéniorat où l'urgence est telle que cette grève est en passe de devenir le plus vaste mouvement d'insurrection estudiantine. Et rien ne semble pouvoir entamer ou affaiblir la détermination des étudiants à faire entendre leur voix. Initiée le 6 janvier dernier, la grève des étudiants s'étend à toutes les écoles supérieures d'ingénieurs présentes sur l'ensemble du territoire tunisien. Une escalade. En attendant que les autorités de tutelle daignent ouvrir le dialogue, les étudiants exposent leurs doléances. Ils réclament, essentiellement, l'unification du cursus universitaire d'entrée à travers la mise en place d'un concours national et le rehaussement du niveau des établissements universitaires en Tunisie. La privatisation des parcours universitaires et l'irruption massive des établissements privés ont exercé une influence négative sur les étudiants du public qui se trouvent concurrencés sur le marché de l'emploi. Les universités privées sont dans le viseur des grévistes. Ils estiment que l'épreuve du concours national s'impose à tous car elle reste le principal critère de sélection. Avant l'intronisation des universités privées, l'entrée en école d'ingénieurs s'apparentait à un véritable parcours du combattant. Répartis entre les titulaires de licence et les élèves des écoles préparatoires, les étudiants en architecture étaient choisis sur la base d'un concours national. Mais le succès grandissant des écoles privées a modifié la donne. Pour les étudiants, cette privatisation relève avant tout d'une volonté politique qui se fait dicter ses choix par les bailleurs de fonds de la Tunisie. Les étudiants remettent en cause le nouveau modèle social qui vise à réduire le rôle de l'état et sa capacité d'intervention dans les services publics comme la santé et l'éducation. Pourtant, un compromis est indispensable entre les deux parties qui s'opposent un bras de fer. Le ministère de l'Enseignement supérieur campe sur ses positions. Il a déjà fait savoir que la suspension de la grève sera le préalable à toute discussion ou dialogue avec les étudiants. Cette mise en garde a laissé de marbre les protestataires qui maintiennent leur refus. La dernière tentative de médiation s'était soldée par un échec et le syndicat national des architectes s'engouffre dans la brèche en annonçant une grève pour le 23, 24 et 25 février contre la fin de non recevoir opposé par le ministère. La voie du dialogue semble presque rompue. Un premier test pour le nouveau ministre qui fait face au défi d'un juste milieu pouvant satisfaire les deux parties.