La Banque africaine de développement (BAD) prévoit une croissance du PIB tunisien de 1,9 % en 2025, puis de 2,3 % en 2026. Cette progression serait portée principalement par les performances attendues dans les secteurs de l'agriculture et de l'industrie manufacturière, selon son dernier rapport sur la Tunisie publié jeudi. L'inflation devrait continuer à reculer, atteignant 6,4 % en 2025 et 6,1 % en 2026. Cette tendance serait le résultat d'une politique monétaire restrictive combinée à un affaiblissement des pressions inflationnistes à l'échelle mondiale. Le déficit budgétaire poursuivrait également sa réduction progressive, passant à 5,3 % du PIB en 2025, puis à 4,9 % en 2026. Cette évolution serait favorisée par des efforts de consolidation budgétaire et une amélioration de la mobilisation des ressources domestiques. En revanche, le déficit du compte courant devrait s'aggraver. Il atteindrait 2,2 % du PIB en 2025 et 3,3 % en 2026, principalement en raison d'une hausse anticipée des importations. 3 facteurs de fragilité dans les perspectives tunisiennes Malgré ces prévisions positives, la BAD souligne que les perspectives économiques de la Tunisie demeurent fragiles. L'environnement international reste marqué par une incertitude persistante. Les tensions commerciales mondiales et les conflits géopolitiques dans la région pourraient ralentir la demande extérieure, faire grimper les coûts d'importation et perturber les chaînes de valeur mondiales. Ces éléments menaceraient directement la compétitivité de l'économie nationale. La volatilité des prix des matières premières constitue également un risque majeur. Elle pourrait raviver les pressions inflationnistes, tandis que les tensions budgétaires internes et les difficultés d'accès aux financements extérieurs renforcent la vulnérabilité macroéconomique du pays. À cela s'ajoute le poids de la dette publique. Son profil actuel accroît les risques de refinancement, surtout dans un contexte de taux d'intérêt mondiaux élevés. Une telle situation alourdirait le coût du service de la dette, exercerait une pression sur le dinar et fragiliserait davantage la position extérieure de la Tunisie. 5 priorités à court terme pour stabiliser l'économie Afin de renforcer la résilience économique du pays, la BAD recommande à la Tunisie de poursuivre une gouvernance budgétaire rigoureuse et une politique monétaire prudente, tout en diversifiant ses partenariats commerciaux. À court terme, plusieurs priorités sont identifiées. D'abord, il est essentiel d'accélérer l'exécution des projets budgétisés, notamment dans les secteurs des infrastructures, de l'énergie, de la santé et du numérique. La simplification des procédures de passation des marchés publics, le renforcement des capacités administratives et la création d'un système centralisé de suivi et d'évaluation des projets sont jugés cruciaux. La Banque insiste également sur la digitalisation de la gestion budgétaire et fiscale. Elle recommande l'intégration des systèmes de télédéclaration, la généralisation du paiement électronique et l'interconnexion des bases de données fiscales et douanières, dans le but d'améliorer la mobilisation des recettes publiques. Pour renforcer l'attractivité économique, il est aussi nécessaire de moderniser le climat des affaires. Cela passe par la simplification du code des changes, la mise en place d'un cadre opérationnel pour les partenariats public-privé et la réduction des délais de traitement des litiges économiques. 3 axes de réformes à moyen terme pour une croissance durable À moyen terme, la BAD préconise une réforme fiscale ambitieuse, visant l'élargissement de l'assiette fiscale, notamment par la fiscalité foncière et une meilleure imposition du secteur informel. Elle propose également la rationalisation des exonérations fiscales, l'automatisation des contrôles et le renforcement des mécanismes de recouvrement forcé. La restructuration des entreprises publiques est également jugée nécessaire pour améliorer leur performance et leur viabilité. En parallèle, la création d'une cellule de facilitation dédiée aux investisseurs dans les secteurs stratégiques permettrait d'attirer des investissements directs étrangers à forte valeur ajoutée, à travers un système d'incitations claires et stables. Sur le long terme, la BAD recommande l'intégration des PME dans les chaînes de valeur exportatrices ainsi que le renforcement des mécanismes de garantie. La création de pôles de compétitivité régionaux, ou clusters, constitue un autre levier important pour stimuler l'innovation et la productivité. La promotion de la certification qualité, indispensable pour accéder à des marchés à forte exigence, figure aussi parmi les recommandations. Quant au secteur informel, sa formalisation nécessitera des régimes fiscaux simplifiés, la poursuite de la digitalisation des services publics et l'élargissement de l'accès au microcrédit, accompagné de programmes d'assistance technique. Une résilience conditionnée à la réforme et à la stabilité globale La Banque centrale devra continuer à maintenir l'équilibre entre maîtrise de l'inflation et soutien au crédit productif. Toutefois, la prolongation de taux d'intérêt élevés à l'échelle mondiale pourrait peser lourdement sur le service de la dette et sur la stabilité monétaire du pays. En conclusion, la BAD souligne qu'une croissance durable et inclusive en Tunisie reste possible, à condition d'engager rapidement des réformes profondes, de renforcer la gouvernance et d'adapter la politique économique à un environnement régional et mondial de plus en plus instable.