Les banques ont été autorisées à accorder aux privés des crédits à moyen terme visant à financer l'achat d'un bloc de contrôle ou d'éléments d'actifs d'une entreprise publique conformément à la circulaire de la Banque centrale de Tunisie Bien menée, une opération de privatisation pourrait donner des résultats positifs en termes de préservation des postes d'emploi, voire de recrutement de nouveaux cadres et agents. L'entreprise privatisée serait en mesure aussi d'améliorer ses prestations dans le cadre d'un plan qualité et de renforcer sa compétivité et son positionnement sur les marchés intérieur et extérieur. Encore faut-il imposer ces conditions visant l'intérêt des employés et de l'économie nationale lors de la mise en vente sur la base de la transparence et du respect des normes en vigueur. Or, le processus de privatisation des entreprises publiques ou à participation publique a été émaillé au cours des dernières années par certaines irrégularités traduites, notamment, par un manque de transparence. Une partie de l'étude sur l'aménagement du territoire tunisien et le tissu industriel, initié par le ministère de l'Equipement, a montré clairement que la privatisation des entreprises publiques tunisiennes, commencée depuis 1987, «se situait d'emblée dans le sillage d'un volet fondamental du Plan d'ajustement structurel, à savoir le désengagement de l'Etat de la régulation de l'économie». En effet, l'économie était monopolisée par l'Etat qui intervenait à travers les entreprises publiques dans plusieurs secteurs concurrentiels et productifs. Faible participation des investisseurs locaux L'Etat était donc invité à agir en tant que régulateur de l'économie et non pas en tant que producteur et fournisseur de services dans des secteurs concurrentiels où les privés devraient jouer le grand rôle. «Le processus de privatisation qu'a connu le pays depuis le milieu des années 80 et jusqu'à nos jours, est passé par deux étapes principales», estiment les experts. La première étape, qui s'est étalée de 1987 à 1997, a été caractérisée par un démarrage timide du processus de privatisation, dans la mesure où seules les entreprises publiques à structure financière déséquilibrée, appartement en majorité aux secteurs du commerce, du tourisme, de la pêche et de l'agroalimentaire ont été concernées. N'étant pas bien outillés financièrement, les investisseurs privés locaux semblent ne pas avoir la possibilité, en général, d'acquérir ces entreprises qui ont fait l'objet, pourtant, d'un assainissement dans le cadre d'une commission nationale d'assainissement et de restructuration des entreprises publiques. Mais l'Etat a cru bien faire de prendre trois importantes mesures, dans le but de faciliter le financement des opérations de privatisation. C'est ainsi que les banques ont été autorisées à accorder aux privés des crédits à moyen terme, visant à financer l'achat d'un bloc de contrôle ou d'éléments d'actifs d'une entreprise publique conformément à la circulaire de la Banque centrale de la Tunisie (BCT) en date du 23 novembre 1997. L'autre mesure consistait à la mise à la disposition des sociétés d'investissement à capital risque (Sicar) des fonds — contractés par la Tunisie sous forme de lignes de crédit auprès de la Banque Européenne d'Investissement — leur permettant de participer aux opérations de privatisation. Enfin, l'Etat a obtenu en 1998 du programme de coopération euro-méditerranéenne (Meda) d'un don de 10 millions d'euros, destiné à appuyer le processus de privatisation. Autant dire que notre partenaire européen — tout comme les Américains — encourage cette privatisation qui a été engagée depuis des années en Occident. En tout cas, lesdites mesures ont contribué à accélérer le processus de privatisation. Dans une deuxième étape, il était question de toucher les entreprises des secteurs stratégiques, comme les banques, les télécommunications, voire l'énergie et les cimenteries, dont la structure financière est souvent saine et équilibrée. Certaines catégories sociales sont aujourd'hui encore, contre la «la braderie» de ces acquis nationaux! Mais la privatisation va prendre d'autres formes sur la période s'étalant de 1987 à 2009, dans la mesure où celle-ci sera totale, partielle, ou encore une ouverture du capital par Offre publique de vente, concession ou même liquidation. Ainsi, pas moins de 219 entreprises publiques ont été concernées rapportant à l'Etat 5.976 millions de dinars. Ces recettes où ont-elles été utilisées durant toutes ces années ? Ont-elles été intégrées totalement dans le budget de l'Etat pour servir à la réalisation des projets programmés dans les régions, comme l'infrastructure, les sources de revenus, l'habitat ? Des questions qui demeurent posées devant l'ampleur de la corruption découverte après la révolution et le manque de transparence des dossiers instruits. Il est nécessaire, aujourd'hui, de tirer les leçons des erreurs commises par le passé. Les ressources financières obtenues par l'Etat, suite aux opérations de la privatisation, ont atteint, en tout cas, 4,868 MD pour les services (81,5%), 1,067 MD pour l'industrie (17,9%) et 41 MD pour l'agriculture (0,7%). Les recettes de privatisation provenaient, en premier lieu, des investisseurs étrangers à raison de 86,8% et de 5,187 MD. Les investisseurs tunisiens n'accaparaient que 13,2% correspondant à 789 MD. La privatisation a concerné, bien sûr, les industries manufacturières pour 83 entreprises mises en vente durant la période 1987-2009. Elles ont rapporté à l'Etat 1,067 million de dinars. Les recettes de privatisation des industries manufacturières provenaient des industries des matériaux de constructions (faïenceries, briqueteries, et surtout cimenteries) avec 21 entreprises privatisées rapportant 864 MD. Moins généreuses, les 62 autres entreprises industrielles privatisées n'ont rapporté que 203 MD. Pour les entreprises industrielles, ce sont les investisseurs privés étrangers qui sont classés premiers avec 818 MD, soit 76.6% du total, suivis des investisseurs privés locaux avec 249 MD seulement. Les experts ont tiré des conclusions à partir des indicateurs avancés, à savoir que, souvent, «la privatisation des entreprises publiques n'a pas eu d'impacts positifs significatifs sur l'investissement, la production et l'emploi. Dans les entreprises publiques privatisées, l'on procède souvent à des opérations d'assainissement, se traduisant par une réduction des effectifs des employés. En fait, souvent, la privatisation se concrétise beaucoup plus par un changement du statut juridique de l'entreprise que par des investissements, des produits et des emplois additionnels». Aussi, le capital privé local semble ne pas encore atteint le seuil de maturité en matière d'accumulation dans la mesure où malgré les grandes facilités proposées par l'Etat en matière de financement du processus de privatisation, les investisseurs privés locaux ne pouvaient pas acquérir de grandes entreprises privatisées d'envergure comme les banques, les cimenteries ou autres. L'inquiétude, quant à un effritement plus prononcé du tissu industriel du pays suite à la la privatisation, est réelle, ce qui impose «plus de fusion et de concentration». A cela, il faut ajouter une consécration de la transparence dans le cadre de mécanismes de suivi et de contrôle pour bien gérer les deniers publics et les utiliser dans des projets profitant à tous les citoyens.