Au-delà de la constitution piétinée, et la citoyenneté bafouée, la campagne policière musclée et brutale contre les « Fattara » et leurs serviteurs dans les cafés montre que la gangrène de l'extrémisme islamiste sévit non seulement dans l'esprit d'obscurs fous de Dieu mais aussi et surtout dans les strates de l'appareil national de sécurité et de justice. En posture de juge et partie, avocats du diable, agressant ceux qu'ils sont tenus, de par la loi, de protéger, juste parce que les victimes ont cru exercer leur droit constitutionnel et leur liberté de conscience, les policiers incriminés ont agi selon leurs propres convictions et non selon les règles de république, au mépris de la constitution et de la citoyenneté. Les flics sur la conscience s'en donnent à cœur joie.Une version bien tunisienne de la chasse aux sorcières. Les descentes et les actes d'intimidation, voire les exactions, opération « coup de poing » aussi gratuites qu'illégales, des forces de l'ordre ont touché diverses localités. Une forme de terrorisme que, jusqu'ici, seuls les extrémistes religieux font montre. Si maintenant la police ajoute sa couche de violence et s'empresse de brandir le sabre de l'hérésie contre quiconque pris en « flagrant délit » d'appliquer quelques dispositions constitutionnelles, dans ce cas, la Tunisie sera vouée à la descente aux enfers. Ce n'est plus de l'abus de pouvoir mais bel et bien de vendetta et de justice solitaire et parallèle qu'il s'agit. C'est une insulte contre le peuple et un défi contre le pouvoir et la république. Le limogeage de quelques têtes brulées, convaincues de voies de faits, est-il en mesure d'amortir l'onde de choc. Le mal est fait. En ripostant par des sanctions, le Ministère de l'Intérieur n'a traité que les symptômes et nullement le mal. Une cure d'assainissement dans ses rangs est beaucoup plus impérative et salutaires. Sinon il y aura toujours un policier aux croyances radicales qui s'en prendra à des citoyens, accusés d'enfreindre à on ne sait quel ordre. Le ver est dans le fruit et il appartient au Ministère de l'Intérieur d'engager sa propre « chasse aux sorcières » et de s'exorciser de ses vieux démons pour remonter la pente et couper définitivement la route à ce genre d'agissements, aussi isolés et séparés qu'ils soient. Il n'est guère dans le mandat de la police de moraliser la société ou de s'ériger en objecteur de conscience, notamment quand il n'y a aucune infraction à la loi. A ce rythme, il n'est pas exclu qu'un jour ou l'autre, des policiers, investis de quelque insondable mission divine, tabassent ceux qui, à l'appel de la prière, n'entrent pas dans la première mosquée venue ou celles qui, épinglées en pleine rue, sans le voile islamique. Exagéré ? Et alors ! Mais il y a, tout au moins, un fond de vérité dans ce sinistre scénario.