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Tunisie : Aujourd'hui, nous sommes tous Raëf Badaoui !
Publié dans Tunisie Numérique le 22 - 01 - 2015

Quand la voix d'un seul homme, aussi discordante qu'elle soit, aussi isolé qu'il puisse être, ébranle les fondements de tout un régime et menace ses piliers, il n'y a qu'une seule explication : Soit le régime est au bord de l'implosion, s'accrochant à sa dernière feuille de vigne. Soit la voix que tout un Etat se démène à étouffer ne constitue pas une exception mais reprend à son compte un idéal rampant dans les replis de la société et représente le porte-drapeau d'autres voix jusqu'ici tues et d'autres revendications jusqu'ici occultées ou éludées. Dans la dictature protégée qu'est l'Arabie saoudite, une seule voix est une voix de trop et pour la réduire au silence, il n'y a pas mieux que de souffler sur le feu de l'amalgame et de couvrir « le crime », politique par essence, du sceau de la sacralité, invoquant une « atteinte à l'Islam » et condamnant à ce titre et en son nom.
Pour avoir osé créer un blog «Réseau libéral saoudien», dont le ton critique à l'égard de la mainmise de l'establishment religieux wahhabite sur le royaume féodal et l'appel à l'ouverture de la société ont été vite incriminés et assimilés à des actes d'apostasie et « insulte à l'islam », le fondateur Raëf Badaoui, militant de la société civile, a été condamné, en première instance, en juillet 2013, à sept ans de prison et 600 coups de fouet. Croyant bien faire, il a interjeté appel. La cour, qui n'est en fait qu'un instrument vassalisé par le palais, à l'instar de tout l'appareil de justice et de l'ensemble des institutions laquais de l'obscur roitelet, a ajouté une nouvelle couche de cynisme sur un verdict déjà infâme, odieusement disproportionné.
En effet, en Mai 2014, la sentence est tombée tel un couperet rouillé: La peine a été alourdie. Raëf Badaoui a écopé de dix ans de prison, de 1000 coups de fouet, le tout assorti d'une amende d'environ 200.000 Euros et d'une interdiction de quitter le pays pendant une période de dix ans. Dans leur bonté toute musulmane, les juges ont étalé les coups de fouet sur 50 séances de torture, à raison de 50 flagellations chacune. Et pour montrer le caractère hérétique des « forfaits » imputés à Raëf Badaoui et la compatibilité de leur jugement avec les préceptes de l'Islam, ils ont choisi une date et un lieu chargés de symbole et de sacralité pour exécuter la peine, à savoir le Vendredi, devant la mosquée. Ainsi les apparences sont sauves et l'Islam est défendu contre les impies.
La première séance a eu lieu le Vendredi 9 Janvier 2015, comme par hasard le jour où les terroristes auteurs de l'attentat sanglant de « Charlie Hebdo » ont été chassés et décimés, devant une mosquée à Jeddah. La seconde, prévue le 16 Janvier 2015, a été renvoyée à un autre Vendredi Saint pour raison médicale, dans la mesure où les plaies et autres lésions que les premiers coups de fouet ont générés, n'ont pas suffisamment cicatrisé. Comme quoi, dans l'horreur, les juges ont trouvé un fil de charité. Personne ne dirait que leur fibre humaine soit en défaut. Le crime d'Etat, implacable et féroce, n'a été que reporté. Raëf Badaoui doit être massacré pour l'exemple et pour renforcer le climat de terreur sévissant en Arabie Saoudite où la police religieuse fait la pluie et le beau temps, se comporte en flic sur la conscience, sur la pensée, sur la conduite et sur la parole.
Au nom de l'Islam (lequel ?), la pègre monarchique recourt au bâton pour clouer le bec aux présumés apostats car coupables de penser autrement. Le wahhabisme n'est pas un courant de pensées mais virus dans le corps de l'Islam. L'esprit obscurantiste n'admet ni pensées critiques ni penseurs libres, il ne se nourrit que de ses propres dogmes et de son inculture. Cet esprit imperméable à la dialectique, réfractaire à la différence, est la pire menace pesant sur le futur de la région et de la religion. Un esprit formaté dans l'effroi de l'ignorance, « vacciné » contre le savoir, la culture et le dialogue. Comme disait Goebbels « dès que j'entends le mot culture, je sors mon revolver« . Pourquoi cette animosité envers la connaissance et la culture ? Malheureusement, ce genre d'esprits illuminés marque mieux le territoire et la mémoire que les esprits lumineux.
Dans ce cadre, il serait utile de rappeler deux funestes épisodes, puisés dans l'histoire ancienne et récente où la pensée n'a pas alimenté un débat d'idées mais a soulevé les boucliers de l'ignorance et de la cruauté. Ces deux illustrations attestent qu'historiquement, les religions ont été instrumentalisées pour censurer, pour bannir et pour tuer la pensée. Penser différemment relève de l'hérésie, donc passible de représailles physiques et morales, même si l'on se réclame de la même mouvance idéologique et religieuse.
Quand l'idée devient le pire ennemi de l'Etat, les hommes de lettre, d'art, de culture ou de science en seront les premiers otages et les premières victimes. Et c'est là toute l'expression de ce syndrome de terrorisme intellectuel qui a traversé les époques et les générations.
1- Il sied de se souvenir de la tragique fin d'Antoine Laurent de Lavoisier, père de la chimie moderne, qui, accusé de contre-révolution, traduit au tribunal révolutionnaire en 1794 et condamné à la guillotine, avait demandé à la cour un sursis de quinze jours pour pouvoir mener à terme des expériences importantes pour la science, la France et l'humanité. En réponse, le président du tribunal révolutionnaire, un certain Jean-Baptiste Coffinhal, s'était fendu de la tristement célèbre réplique « La République n'a pas besoin de savants« . Pour paraphraser, serait-on également tenter de dire que « La République n'a pas besoin de penseurs« , quand on voit toute l'hostilité dont font preuve certains régimes contre les icones et les arcanes de la culture, de la connaissance et de la pensée libre.
2- Cette sinistre affaire de Raëf Badaoui, dont l'Islam vrai est innocent, n'est pas sans rappeler le cas non moins hideux du poète qatari Mohamed al-Ajmi, alias Iben al-Dhib, accusé « d'atteinte aux symboles de l'Etat et incitation à renverser le pouvoir » rien que pour avoir commis quelques vers » poème du jasmin « , saluant la révolution tunisienne et le printemps arabe. Il a seulement lancé une bombe sémantique « Nous sommes tous la Tunisie face à une élite répressive« , que le palais a jugée capable de déstabiliser son trône, son règne et sa main basse sur les richesses du territoire princier. Le roturier de la rime doit être puni pour son insolence, son impertinence et sa parjure. Condamné, le 29 Novembre 2012, à perpétuité, en première instance, le malheureux et non moins brave poète a vu sa sanction réduite, en appel, à 15 ans de prison. La Cour de cassation de Doha, se voulant chantre de la justice, a confirmé la peine prononcée en appel.
En conclusion, au Golfe, amas de principautés sanguinaires et de régimes monarchiques despotiques, protégés par l'impérialisme occidental pour des raisons géopolitiques liées à l'or noir, à la course au leadership et à l'hégémonie dans la région et à la suprématie stratégique de l'entité sioniste, il est interdit de penser, de réfléchir en dehors de la moule royale. Le souverain impérial pense pour tout le monde. Chaque idée insurgée est vite assiégée et dissoute dans l'acide tumultueux de l'orthodoxie. La moindre pensée rebelle est assimilée à une tentative de coup d'Etat. Tout balbutiement contre le prince est un crime contre l'Islam.
Dans ces contrées préhistoriques, le citoyen modèle est un homme muet, sourd et aveugle, qui n'a pas d'opinion. Il suffit qu'un seul neurone fonctionne autrement pour que « le coupable » soit pendu haut et court. Dans cette région où le pouvoir est un héritage familial et où le peuple n'est pas traité en ensemble de citoyens mais en ramassis de sujets, voire d'objets, seule la posture d'allégeance et de soumission est considérée sur le droit chemin. Seul le silence a voix au chapitre, toute parole est en soi un acte d'insurrection, son auteur doit croupir en prison en isolement, de sorte qu'il se taise à jamais. Là-bas, l'obscurantisme est une raison d'Etat et l'arbitraire est un mode de gouvernance.
Là-bas, les princes et leurs courtisans, illettrés d'un point de vue historique et social, en total rupture avec leur société, figés dans leur bagne politique et épicurien, ne savent guère que jamais la prison ne triomphe d'une idée et que jamais le sabre de la décapitation ne vient à bout de la pensée. Qu'ils séquestrent les hommes révoltés, qu'ils traquent les pensées libres, qu'ils confisquent le droit et la liberté, rien ne peut arrêter l'idée quand elle est en marche. Un jour ou l'autre, les nouveaux tuteurs de la conscience, détenteurs de la vérité et de la sagesse et autres redresseurs de tort, comprendront ce cinglant enseignement de l'histoire à leurs dépens.


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