Le gouvernement de Tripoli, le supposé « Gouvernement de salut national », a réagi d'une manière virulente et tout aussi officielle au projet de construction d'un mur de séparation sur la bande frontalière,en riposte contre l'infiltration des terroristes, des armes et des contrebandiers, poussant l'indécence jusqu'à disculper la Libye, du moins les factions obscurantistes et les milices armées dont son territoire pourtant regorge, de la vague de violence qu'a connue la Tunisie ces derniers temps. A la lecture de son communiqué, on dirait que la Libye est un havre de paix. Encore un peu et le schéma serait inversé. Pourquoi ce mur inquiète tant le gouvernement de Tripoli ? Pourquoi préfère-t-il une zone frontalière gruyère, incontrôlable et ouverte à tous les trafics et à tous les mouvements. S'en sentirait-il isolé, pris dans son propre piège, entre le marteau et l'enclume, entre le mur de sable tunisien et le mur militaire du Général, quoique controversé, Khalifa Haftar, nommé par le gouvernement reconnu de Tobrouk, à la tête de l'armée libyenne. D'où sentiment d'encerclement, de manque de profondeur, de lignes d'approvisionnement et de moyens de repli. Voilà où le bât semble blesser ! En décidant d'ériger le mur en question, la Tunisie n'a pas failli au droit international ni violé une quelconque convention. Le mur n'est aucunement dressé contre le passage des libyens ou autres, mais uniquement contre les extrémistes de tout bord, les trafiquants d'armes et les têtes brûlées pointant la sécurité et la stabilité du pays. Il s'agit aussi de couper la route à leurs intermédiaires tunisiens. Les personnes vraiment en règle, qui ne nourrissent aucune malveillante intention à l'égard de la Tunisie ne sont pas interdites de fouler le sol tunisien ou d'y séjourner, sous réserve de passer par les voies légales et autorisées. Par rapport à ce genre de personnes, où est le problème ?! C'est le gouvernement de Tripoli qui en voit plein, pour des raisons aussi obscures qu'inavouées. Malgré tout, notamment le droit de la Tunisie de se protéger comme bon lui semble, pour peu qu'il ne manque pas à ses devoirs et ses engagements d'ordre international ou régional, le gouvernement de Tripolia fait part impétueusement de son rejet de ce qu'il a considéré comme « décision unilatérale », prise, par surprise, sans coordination ni concertation, tout en braillant dixit « que toute mesure unilatérale ne produira pas la stabilité et la sécurité recherchées« . Une mise en garde en règle, une menace à peine voilée, que ledit gouvernement en soit conscient ou non. Décision unilatérale ? Bien sûr qu'il s'agit d'une décision unilatérale comme toute décision souveraine. La Tunisie est libre d'ériger aux zones frontalières, sur son territoire, un mur de sable ou de béton ou bien même une forteresse en acier. Il est quand même insondable que le gouvernement de Tripoli réagisse de la sorte alors qu'il y a toujours des points de passage réguliers et sécurisés. Serait-il contrarié sinon fragilisé quand la Tunisie décide de protéger mordicus ses frontières ? Quel intérêt a-t-il de vouloir maintenir une frontière passoire dont la porosité est source de trafic, de terrorisme et de violence ? En tout cas, la Tunisie en est le grand perdant et la principale victime. Comment comprendre cette mise en garde surtout quand elle émane d'un gouvernement autoproclamé, par la violence et dans le sang, que la Communauté Internationale ne reconnait guère. Velléité d'ingérence ? Déclaration de guerre comme l'a assené le Front Populaire ? Quête de reconnaissance et de légitimité ? Message belliqueux ou pure et simple provocation ? A moins qu'il soit question d'une invitation au dialogue comme s'efforce de le supputer le gouvernement de Tripoli, auquel cas ce dernier s'est lourdement trompé de manière et de timing, voire même d'interlocuteur. Il appelle à » la création de commissions mixtes entre les deux pays pour enquêter sur certains incidents« . Cette hypothèse est intenable pour la simple raison qu'on ne met pas en place une quelconque structure de coopération et de coordination avec une partie illégitime, vomie par la Communauté Internationale. En tout état de cause, un grosse crainte déploie ses ailes noirs sur les tunisiens résidents encore en Libye : Il n'est pas exclu que demain ou après-demain, quelques-uns soient enlevés et séquestrés, au mieux, décapités et tués au pire. Ce sinistre scénario n'est pas une vue de l'esprit, c'est bel et bien un risque à ne point écarter ! Il n'est nullement ici question de défense l'idée de mur en soi, la question partage encore l'opinion publique, mais de défendre la souveraineté nationale. Peut-être que la Tunisie aurait dû prévenir le voisin avant d'en faire officiellement l'annonce. Soit ! Mais pour cela faut-il qu'‘il y ait au préalable un vis-à-vis en Libye légitime, responsable et crédible avec qui discuter. Ce n'est malheureusement pas le cas. Justement il n'y a pas un tel vis-à-vis. Juste deux gouvernements, deux parlements, des milices à ne pouvoir en faire le compte. Juste un peuple déchiré, traumatisé, livré à lui-même, voué à toutes les exactions, dont aucune partie libyenne, et même internationale, ne semble tenir en ligne de compte. Nul doute que s'il s'agissait de l'Algérie, la Tunisie aurait certainement fait savoir sa volonté de construire un mur de séparation et aurait compté sur son aval avant le premier coup de pioche. Mais le contexte est tout autre. Le vis-à-vis fait défaut. En outre, aux confins des frontières tunisiennes, le gouvernement reconnu, celui de Tobrouk, n'a aucune présence et aucun pouvoir. Les rapports de force et les réalités géographiques ont biaisé la situation et mis aux frontières nationales un gouvernement illégitime couvant la violence et couvrant l'enlèvement et l'assassinat. La responsabilité de sécuriser le pays et d'en choisir le dispositif incombe au gouvernement tunisien, seulement au gouvernement tunisien et nullement au gouvernement de Tripoli, qui dispose de son propre agenda et de sa propre ligne de conduite, absolument incompatibles avec l'intérêt national ou même avec le bon voisinage. Celui-ci peut toujours gesticuler, fulminer, proférer des menaces, rien n'y fait. Chaque pays est souverain sur son territoire dont ses frontières. La Tunisie se défend comme elle l'entend. Point à la ligne !