En seulement deux jours, la présidence de la république et l'Instance Vérité et Dignité (IVD), au prix d'un bras de fer médiatique farci d'animosité et de rivalité, ont fait dire à la Commission de Venise (CV), organe consultatif du Conseil de l'Europe, deux interprétations, radicalement opposées, sur le même sujet, à savoir la constitutionnalité de la loi sur réconciliation nationale en matière économique et financière dont le projet a été piloté par le chef d'Etat et parrainé par le gouvernement . En vertu de la Constitution, le chef de l'Etat est en droit d'initier un projet de loi, il est dans son rôle et dans sa fonction, il n'appartient qu'à l'ARP d'en juger en discutant et d'en décider en votant. Bien sûr, il est de bonne guerre d'user de tout moyen de pression, national ou international, pour torpiller le projet. Toujours est-il l'ARP reste la première, l'unique et la dernière instance habilitée à éplucher le projet de loi et à trancher dans le vif. L'avis de la CV est donc perçu de deux manières. Chaque camp utilisant son propre prisme. En effet, pour la présidence, la CV confirme que le projet de loi n'est pas en contradiction avec la Constitution, alors que l'IVD, deux jours avant, a voulu entrainer l'opinion publique sur une autre voie en faisant comprendre que les experts de la CV en désapprouvent le texte.A qui donner raison d'autant plus que sur le site de la CV il n'y a rien à se mettre sur la dent qui soit en rapport avec sa position sur ledit projet de loi. Alors, lecture contrastée ou antagonisme de deux acceptions ou tout simplement manipulation médiatique ?! A moins que l'avis en question de la CV soit prononcé dans un langage tellement ambigu et parabolique qu'il ouvre la porte à toutes sortes d'interprétations et d'argumentaires, même les plus antinomiques, voire même les plus grotesques. Nul doute que les avis de la CV, même si la Tunisie en est membre, ne sont que strictement d'ordre consultatif et, à ce titre, n'ont aucune force contraignante pour engager le gouvernement. Cependant, ses remarques et ses recommandations restent importantes dans ce sens qu'elles peuvent être source d'inspiration et de rectification. Par conséquent, dans une acception purement intellectuel, le gouvernement est en mesure d'en donner un écho favorable et d'en tenir compte dans une nouvelle mouture du texte. Objet de divers remous, de surenchères politiques et de guerres de tranchées, avant même que les élus n'en débattent, ce projet de loi, que la présidence n'a nullement l'intention de retirer de l'agenda de l'ARP mais que ses détracteurs se démènent mordicus à faire avorter, quitte à internationaliser le dossier, constitue une autre pierre d'achoppement dans une classe politique minée par les lignes de clivage, de conflit et même de rupture. Cette polémique question risque de pourrir encore davantage le climat politique national et de soulever un débat houleux au sein de l'ARP quand le point sera inscrit à l'ordre du jour et soumis pour examen aux différents membres. Les tontons flingueurs et autres fines gâchettes, de tout bord, auront là l'occasion de se lancer au dos et à la figure des pans entiers de boulets rouges et de bois vert. La présidente de l'IVD, la controversée sinon sulfureuse Sihem Ben Sedrine (SBS), a été, de toute évidence, déboutée par l'instance européenne qu'elle a elle-même saisie. Encore une énième balle dans le pied. Encore un coup de bluff dans un jeu de poker. Encore un autre revers dans sa collection. Elle s'est déplacée même en Italie pour plaider sa cause, persuadée que par sa présence sur place e elle pourrait descendre devant la CV le projet de loi. Comment compte réagir SBS et sur quel autre recours rebondira-t-elle maintenant qu'elle s'est cassé les dents là où elle croyait obtenir gain de cause et que la CV a établi la constitutionnalité du projet de de loi sur réconciliation nationale en matière économique et financière ?! Aura-t-elle d'autres tours à son sac et d'autres flèches à son arc ?! A trop ramasser des gamelles et trainer des casseroles n'importe qui aurait lâché prise. Que nenni avec SBS. Telle qu'elle est connue, elle ne va pas baisser la garde de sitôt, elle reviendra à la charge, se ruant dans tous les brancards, distribuant ci et là les invectives et les accusations. La justice transitionnelle a trop trainé le pas en Tunisie. Et l'agenda de SBS ne semble pas coïncider avec ce mécanisme normatif national, articulé autour de quatre principes majeurs (la vérité, les poursuites, les réparations et les réformes institutionnelles). La loi organique tunisienne sur la justice transitionnelle a été adoptée le 15 décembre 2013. Soit depuis bientôt deux ans. Cette loi,censée définir les fondements de la justice transitionnelle en Tunisie, est l'otage de l'IVD et le fonds de commerce de SBS depuis sa promulgation. Rien n'a été fait jusqu'ici. L'IVD et sa présidente n'ont pas brillé par leurs œuvres mais par leurs manœuvres. Quand on n'en parle, c'est toujours au sujet de leurs frasques et de leurs défaillances et non de leur investissement et de leur engagement à mener à bon port le processus, déjà pénible, délicat et problématique en soi, de la justice transitionnelle.