Enfin, Béji Caïed Essebsi semble être sorti de son étrange et inhabituelle torpeur, dont il a fait preuve par rapport à la crise qui secoue depuis quelques semaines le parti qu'il avait créé de toutes pièces, Nidaa Tounes. Et alors que plus personne n'ose croire à un quelconque miracle qui pourrait survenir pour sauver ce qui reste à sauver dans cette situation dramatique qui a ébranlé, et le parti et le pays en entier, notamment avec la dernière trouvaille d'une trentaine de députés de Nidaa Tounes, parmi les inconditionnels de Mohsen Marzouk, de quitter le bloc parlementaire du parti, avec option de démissionner complètement de Nidaa Tounes, Béji Caïed Essebsi surprend, serait-on tenté de dire, tout le monde en sortant une initiative « de dernière chance » qui, somme toute, ne manque pas de logique et de pertinence. Ainsi donc, et pour mettre fin à toute cette histoire et toute cette lutte au sommet de Nidaa Tounes, BCE propose d'écarter les deux têtes de file de cette guerre des clans, en l'occurrence, Mohsen Marzouk et son propre fils, Hafedh Caïed Essebsi, de la course vers les premiers postes du parti. Ainsi, les deux frères ennemis, seront, selon la proposition de BCE, privés de se présenter à des postes hauts placés dans le parti, lors des prochaines élections. Sacré Béji ! Et dire que d'aucuns le disaient impuissant et trop vieux pour l'emploi. Eh bien, il a pu montrer, là qu'il était peut-être vieux. Mais plutôt, un vieux loup de la politique, et qu'il avait suffisamment de lucidité pour savoir ce qu'il veut, et pour persévérer à le préparer de longue date. En effet, la dernière initiative de BCE a, à priori, le premier mérite, de démentir tous ceux qui prétendaient qu'il voulait faire de son fils une sorte de prince héritier du trône, et qu'il faisait passer les intérêts de la famille avant ceux de la Patrie. Eh bien il aura ainsi pu démontrer qu'il était capable de sacrifier son fils sur l'autel de la stabilité et de la paix sociale et politique en Tunisie. Et il l'aura, à ce qu'il parait sacrifié, comme on avance sur l'échiquier, un simple pion, voué à une « mort » précoce, pourvu que çà « rapporte » en face, la chute d'une grosse pièce. Et d'un autre côté, Béji aura pu mettre un frein aux aspirations démesurées du jeune loup, aux longues dents, qui lui avait, par excès d'opportunisme, collé au flanc depuis le début. En effet, il ne pouvait que voir d'un mauvais œil les gesticulations de Mohsen Marzouk qui n'a pas peur d'afficher des ambitions surdéveloppées, pour son statut et pour son inexpérience. Il voyait çà d'un mauvais œil d'autant plus que le jeune Mohsen avait des relations et des soutiens hautement intrigants à l'international, et qui ne veulent, pas nécessairement que du bien pour la Tunisie. Ainsi certains n'hésitent pas à raconter qu'il serait le protégé de la reine mère Mouzah du Qatar, et puis, on commence trop à entendre parler de sa proximité de Hillary Clinton, l'une des principaux instigateurs, ou plutôt, acteurs, du printemps arabe, et qui plus est, serait en bonne voie de remporter les prochaines élections présidentielles américaines, ce qui lui donnerait tout le loisir de disposer du monde à sa guise. Donc, et au vu de cette dernière proposition de BCE pour « régler » la crise à Nidaa Tounes, il semblerait qu'il ait eu peur pour le pays, mais aussi, pour l'avenir de la région, sachant les projets à peine cachés de l'axe américano-qatari pour l'Algérie voisine, et aurait décidé de faire de sorte que Mohsen Marzouk soit écarté, mais en finesse et intelligemment de sa succession. Il aura, donc laissé chauffer le fer jusqu'au point de pré rupture, comme le penseraient certains. Mais pour lui, un fer bien chaud est, certainement, plus souple et docile à manier. Par ailleurs, si jamais BCE parvient à faire passer son initiative, il va réussir, du même coup, à couper l'herbe sous les pieds des pécheurs en eaux troubles, qui attisent le feu de la scission au sein du parti, sous prétexte de chercher son salut et celui du pays. Car du moment que leurs chefs de files vont être écartés de la course, ceux qui continueront à gigoter, ne pourront plus nier qu'ils sont à la solde de certaines personnes, et qu'ils cherchent derrière çà un quelconque intérêt personnel. Alors, là, oui ! Et pour un coup de maitre çà serait un sacré coup de maitre. Et tout le monde s'y sera laissé prendre, sauf quelques honnêtes gens qui auront eu la lucidité, jusqu'au bout de ne prendre parti avec aucune faction et qui auront continué jusqu'au bout à proclamer leur fidélité seulement, à la Patrie, au parti et à son fondateur.