Comme il a été annoncé il y a 2 semaines par le Ministère des technologies de la communication et de l'économie numérique, la nomination de Mr Mohamed Fadhel KRAEIM au poste de PDG de Tunisie Télécom sera probablement entérinée lors du prochain Conseil d'administration prévu le 16 octobre. Le retour de l'ancien DGA de Tunisie Télécom est en soi un évènement dans le microcosme tunisien des télécommunications et surtout au sein de l'opérateur historique toujours engagé dans des chantiers à caractère structurel et stratégique. Dans un environnement économique national morose et un marché très concurrentiel à tendance baissière, Tunisie Télécom connaît depuis quelques années une dégradation de sa performance commerciale et financière, accélérée en 2016 et 2017: * Selon le rapport de l'INT, baisse du nombre d'abonnés en 2016 (plus de 670000 clients mobile en moins et 2583 clients fixe en moins), avec un taux de churn (désabonnement) en forte augmentation (57% en 2014 à 81% en 2016, le double de celui de OOREDOO) * Baisse du revenu de 13,5% entre 2012 et 2016 (de 1267MD à 1095MD), alors que le chiffre d'affaires total du marché a connu une croissance de 14,5% * La part de marché en valeur a en conséquence régressé de presque 8 points passant de 47,3% à 39,4% sur la même période * Selon Ilboursa, les indicateurs financiers clés sont passés au rouge : le résultat net est devenu négatif depuis 2015, les créances brutes ont atteint un record de 1340 MD en 2016, et la dette a augmenté de près de 500MD en 4 ans, soit 1217 MD à fin 2016 * En 2017 la situation ne s'est pas améliorée et à la fin du premier semestre, Tunisie Télécom continue de voir diminuer son parc d'abonnés, son chiffre d'affaires et son EBITDA (résultat avant impôt, intérêts, amortissements et dépréciation). Source : INT, rapport trimestriel Il est vrai que certaines opérations comme le rachat de GO Malta ont pesé sur les résultats de l'entreprise, mais toujours est-il que c'est un tableau général à dominante rouge qui attend le nouveau PDG de Tunisie Télécom, une situation qui demande un changement de cap pour relever les nombreux défis en termes de gouvernance, d'organisation, de stratégie commerciale et d'assainissement financier. Voici en résumé, quelque uns des chantiers majeurs : Le changement statutaire. Comme il a été constaté dans le passé récent, c'est l'un des sujets les plus épineux chez Tunisie Télécom et qui a impact direct sur le climat social de l'entreprise. Le nouveau PDG devra œuvrer pour faire aboutir rapidement ce changement, ce qui doit lui permettre de gérer plus facilement la cohabitation entre les statuts public/privé, et d'avoir une meilleure flexibilité dans la gouvernance de l'entreprise. Le changement d'actionnariat. L'arrivée du nouveau partenaire stratégique chez Tunisie Télécom, à savoir le fonds d'investissements qatari Abraaj Group qui a racheté les 35% du capital de Tunisie Télécom détenus par EIT, Emirates International Telecommunications (la transaction serait de 700M$ un montant cité par TeleGeography, non confirmé par EIT) est un autre changement majeur pour l'entreprise. La mise en œuvre de ce partenariat est en cours et le processus de sélection et d'intégration du nouveau management de la Direction de Tunisie Télécom serait une tâche des plus délicates pour le nouveau PDG. L'organisation de Tunisie Télécom. Tunisie Télécom abonde en compétences techniques et commerciales, elle dispose également d'atouts indéniables au niveau de l'infrastructure réseau et de l'image d'un opérateur national puissant qui a contribué au développement des télécommunications en Tunisie. Cependant, dans un marché dynamique où les technologies changent extrêmement rapidement, se complexifient et se multiplient, Tunisie Télécom est confrontée à la nécessité d'une plus grande capacité d'adaptation pour augmenter son efficacité managériale, libérer les initiatives et améliorer l'esprit collaboratif des équipes. Le volet commercial. Avec l'arrivée du nouveau PDG, l'opérateur historique a une nouvelle chance à saisir pour se réinventer et retrouver une meilleure dynamique commerciale dans un monde en voie de digitalisation. Au cœur des préoccupations, l'anticipation des besoins clients pour leur apporter une meilleure expérience numérique au niveau de tous les points de contact et de communication. Etablir une relation personnalisé avec le client pour le retenir, reconnaitre son statut et sa valeur est essentiel pour l'entreprise. Dans un marché mobile proche de la saturation, et où le sans-engagement est la règle (une majorité d'offres prépayées, un taux de churn élevé, une portabilité faible...), fidéliser le parc existant et notamment les segments de haute valeur est plus que jamais une priorité pour éviter toute hémorragie et redresser les indicateurs clés de l'entreprise. L'aspect financier. Rétablir la santé financière de l'entreprise exige de s'attaquer à la source de la détérioration des résultats : * D'une part, renverser la tendance à la baisse des revenus (-15% entre 2012 et 2016) et à l'augmentation des charges d'exploitation (+17% sur la même période) * D'autre part, la tendance à la hausse de la dette (+25% entre 2012 et 2016) et des créances (+66%), avec près de 700MD de créances nettes dont 300MD sur l'Etat.