Plus jamais rien ne sera comme avant au sein du parti Nidaa Tounes après la sortie médiatique, mardi soir, du chef du gouvernement Youssef Chahed qui s'est attaqué frontalement au directeur exécutif, Hafedh Caïed Essebsi. Contre-offensive Dans une première du genre, abandonnant son calme et de sa réserve habituels, Youssef Chahed est sorti de ses gonds et a accusé Hafedh Caïed Essebsi d'avoir laminé Nidaa Tounes et de l'avoir noyé en le menant d'échecs en échecs. Chahed a rappelé la défaite aux élections législatives partielles dans la circonscription de l'Allemagne et la dégringolade de Nidaa Tounes lors des élections municipales, chiffrant la perte des électeurs du parti à 1 million de voix. Il a également mentionné le départ de nombreux cadres du parti et le dysfonctionnement qui paralyse Nidda Tounes au niveau de la base, soulignant que ce n'est plus le parti auquel il avait adhéré au départ. Poursuivant ses critiques, le chef du gouvernement, a voulu justifier sa décision de parler solennellement et sur la place publique des problèmes de Nidaa Tounes, par le fait que la crise au sein de ce parti a débordé sur le fonctionnement du gouvernement. Pour de nombreux analystes cette sortie de Youssef Chahed est une contre-offensive à la position de Hafedh Caïed Essebsi qui a, tout au long des pourparlers sur le Document de Carthage II réclamé le départ de l'actuel chef de gouvernement. Le directeur exécutif de Nidaa Tounes a exprimé sa position à travers un pamphlet contre Youssef Chahed et son gouvernement, soulignant son échec sur toute la ligne en l'absence d'une vision et d'un esprit de réformes pour sortir le pays de la situation qu'il traverse. Pour sa part, Hafedh Caïed Essebsi a oeuvré par tous les moyens de faire pression sur Youssef Chahed dont le dernière en date, remonte à samedi dernier, lorsqu'il a étudié la possibilité de démission des ministres Nidaa, afin de créer le vide au tour du chef du gouvernement. Ce qui a mis Youssef Cahed dans tous ses états, estimant que les "tirs amis" sont devenus très rapprochés et risquentde lui porter grandement préjudice. Fort de la suspension sine die du Document de Carthage par le président de la République, l'actuel chef du gouvernement a jugé bon de mener la contre-offensive. La suspension du Document de Carthage II a ramené la situation à la case départ et maintient Youssef Chahed à son poste. Elle constitue un sévère camouflet pour Hafedh Caïed Essebsi qui avait fait du départ de Chahed son cheval de bataille. N'ayant pas peur d'aller devant le parlement en raison du soutien du parti Ennahdha ou plus exactement celui de son chef, Rached Ghannouchi, Youssef Chahed peut s'offrir le luxe de répliquer et de déclarer la guerre ouverte à Hafedh Caïed Essebsi. La bataille du contrôle du parti La bataille va se porter maintenant sur le contrôle de Nidaa Tounes déjà affaibli par les différentes défections au point qu'il a été scindé en plusieurs partis le faisant passer de 86 députés à 56 au Parlement. Dépourvu de cohésion entre ses membres, Nidda Tounes est considéré comme volatile et le noyau qui reste encore autour de Hafedh Caïed Essebsi peut encore éclater après cette nouvelle guerre entre les deux ténors. En effet, Youssef Chahed occupe officiellement le poste de président de l'instance politique bien que depuis qu'il a été nommé au poste de chef de gouvernement, il a pris ses distances avec le parti . Ainsi, il y a un grand risque que des membres de Nidaa Tounes rejoignent le camp de Youssef Chahed, affaiblissant davantage le camp de Hafedh qui, selon l'analyste politique Slaheddine Jrouchi est de plus en plus isolé. En outre, Youssef Chahed peut aussi reconquérir les transfuges qui ont rejoint Machrou Tounes crée par Mohsen Marzouk, ancien leader de Nidaa Tounes. Ce parti détient plus de 23 députés ce qui peut faire pencher le rapport de force en faveur du chef du gouvernement. Le discours de Youssef Chahed de mardi soir a forcé l'admiration d'une frange de Nidaa Tounes qui a fait part de son adhésion, notamment après son appel aux progressistes de le rejoindre pour sauver la Tunisie. Toutefois, certains estiment qu'il n'est pas certain que la balance se penche du côté de Youssef Chahed, étant donné qu'il est accusé d'avoir contribué à l'ascension de Hafedh Caïed Essebsi à la direction du parti. Le congrès de Sousse qui a été présidé par Youssef Chahed à travers le comité de pilotage "des 13" a permis à Hafedh Caïed Essebsi d'occuper le poste de directeur exécutif et d'avoir la main-mise sur Nidaa Tounes. En plus, le soutien qu'apporte le mouvement Ennahdha à Youssef Chahed va faire fuir une importante composante de Nidaa Tounes qui est radicalement opposée à toute alliance avec le parti islamiste. Le discours de mardi soir a suscité le courroux de nombreux tunisiens qui ne s'expliquent pas que le chef du gouvernement règle les problèmes internes de son parti sur la place publique en utilisant les médias étatiques. Les prochains jours nous édifieront sur les tendances exactes qui émergeront au sein du parti Nidaa Tounes après le retour de France du président de la République Béji Caïed Essebsi, son fondateur et dont la réaction sera scrutée minutieusement.