L'hécatombe du bateau de migrants clandestins, la deuxième du genre en Tunisie, a dévoilé l'ampleur du phénomène de la migration clandestine dans le pays et la nécessité de le contrer en trouvant des remèdes appropriés afin de mettre fin à ce "suicide collectif " des jeunes. Le naufrage du bateau de migrants clandestins au large de l'île de Kerkennah a crée une onde de choc dans le pays qui vit depuis dimanche au rythme du repêchage des corps, ayant atteint jusqu'à ce mercredi matin 66 cadavres. C'est un spectacle de désolation que laissaient apparaître des familles des victimes rassemblées aux alentours de l'hôpital Hedi Chaker à Sfax d'où sortaient les dépouilles mortelles. Une ambiance de tristesse et de deuil planait sur les lieux où les pleurs des mères se mêlaient aux protestations des pères et autres parents. Le ministre de l'Intérieur, Lotfi Brahem, est monté au créneau, annonçant mardi soir, le limogeage d'une dizaine de cadres sécuritaires dans les villes de Sfax et Kerkennah, coupable de négligence et d'avoir laissé une situation s'aggraver sans avoir pris les devant pour la prévenir. Auparavant c'est le président de la République, Béji Caïed Essebsi et le chef du gouvernement, Youssef Chahed, qui se sont entretenus sur ce naufrage du bateau de migrants clandestins, constatant aussi les lacunes dans la mise en oeuvre des mesures prises par le gouvernement par le passé. A ce sujet, Youssef Chahed a décidé à l'issue de sa visite à l'île de Kerkennah, d'ordonner une augmentation des patrouilles et de doter les unités sur place en équipements adéquats pour une meilleure efficacité. Véritable tragédie Le drame ou la tragédie comme cela a été appelé par certains, a suscité la colère dans plusieurs villes du pays, notamment dans le sud d'où sont originaires la plupart des victimes. Des manifestations nocturnes ont sillonné les viles de Tataouine et certaines localités du gouvernorat de Gabès et Gafsa pour exprimer leur révolte contre le destin funeste réservé aux jeunes contraints de prendre le risque de braver la mort en Méditerranée en quête d'une vie meilleure. Il ne s'agit plus ici de s'attarder sur les causes de ce phénomène de l'immigration clandestine motivée par la misère et le chômage mais de trouver des solutions pour y mettre fin. Nidaa Tounes a mis en cause toute la classe politique du pays dans la responsabilité de cet accident soulignant son échec à insuffler un espoir aux jeunes qui n'ont d'autres perspectives que de se lancer à l'assaut de bateau de fortune pour tenter l'aventure en regagnant l'autre rive de la Méditerranée. Le parti a annoncé tendre la main à tous les acteurs politiques et aux civils afin de s'atteler à la mise en place d'un projet national destiné à sortir le pays de la crise économique et sociale. Ennahdha a abondé dans le même sens, invitant les institutions de l'Etat et les parties politiques et sociales à un dialogue national sur les questions de la jeunesse et de l'emploi, débouchant sur des mesures concrètes de nature à redonner l'espoir aux jeunes et à les inciter à rester dans leur pays. Eldorado imaginaire Pourtant, il est devenu de notoriété publique que l'Eldorado auquel songe ces jeunes n'existe que dans leur imaginaire. Ceux qui le sont précédés ont vu leurs rêves brisés sur la dure réalité de la marginalisation et de la précarité dans laquelle ils se retrouvent une fois dans un pays européen. Privés de leur liberté, ils se retrouvent parqués dans des centres de rétention en surnombre dans une promiscuité révoltante. Ceux qui échappent aux centres de détention vivent dans le rue et risquent de se noyer dans le monde de la délinquance et du banditisme. Mais cette insistance à vouloir coûte que coûte quitter le pays avec, dans certains cas la bénédiction parentale, n'a d'égal que la misère, le désespoir et l'absence de perspectives d'avenir dans laquelle les jeunes vivent dans le pays. Cultiver le goût de l'initiative des jeunes C'est pourquoi, il est important que les autorités, les partis politiques et les organisations de la société civile conjuguent leurs efforts pour enrayer cette spirale de la mort qui guette les candidats à l'immigration clandestine. Il est crucial que des programmes intensifs de formation soient organisés à l'intention des jeunes dont les études ont été interrompus à un certain stade de leur cursus scolaire pour leur appendre un métier duquel, ils pourront tirer une source de revenus. Un travail gigantesque doit être consenti par l'Etat pour inciter les jeunes au goût de l'initiative personnelle et à créer des opportunités d'emploi propre tout en abandonnant la mentalité d'éternel assisté et de recherche effrénée d'un recrutement dans une administration étatique. Par ailleurs, il est nécessaire de que des efforts soient déployés sur le plan sécuritaire pour démanteler les réseaux de trafic et de passeurs des migrants qui génèrent des milliards de dinars annuellement. En outre, avec la montée de la xénophobie en Europe et en occident d'une manière générale, les immigrés ne sont plus les bienvenus dans ces pays et représentent le plus souvent un enjeu électoral pour certains partis qui s'en servent comme fond de commerce. Avec l'arrivée en Italie de partis connus pour leur hostilité aux immigrés dont ils prônent le refoulement, les beaux jours de l'immigration sont révolus. Les déclarations indiciaires du controversé nouveau vice-premier ministre et ministre italien de l'Intérieur, Matteo Salvini à l'égard de la Tunisie, donnent un avant goût du discours populaire des nouvelles autorités italiennes.