La présence du président du Mouvement Ennahdha Rached Ghannouchi au Forum économique mondial de Davos en Suisse, a suscité une grande polémique tant dans la classe politique qu'au sein de l'opinion publique. Excédés de cette omniprésence du Cheikh Rached Ghannouchi dans le paysage étatique du pays, savamment entretenue par les nouveaux maîtres du pays, ces différents cercles en Tunisie y voient un mélange du genre et une confusion entre l'Etat et le parti Ennahdha. S'il a été dûment invité à cette rencontre qui réunit le gotha de la finance mondiale, la présence «de son fils Mouâdh Ghannouchi et de l'homme d'affaires Mondher Ben Ayed considéré comme un des sponsors et bailleurs de fonds du parti Ennahdha» comme l'écrit le journal Le Temps dans son édition de samedi, en dit assez sur l'esprit de favoritisme et la collusion entre les intérêts du parti avec ceux de l'Etat. Des risques de conflits d'intérêts réels Les Tunisiens ont encore présentes à l'esprit les méthodes utilisées par le parti-Etat qui ont provoqué les dérives de l'ancien régime ayant débouché sur l'institution d'un Etat dans l'Etat et de l'émergence de clans usant de subterfuges mafiosi. En effet, Ghannouchi qui n'occupe aucun poste officiel dans l'appareil étatique ni au sein de l'Assemblée constituante, à quelque titre que se soit, a , à travers son ingérence dans la gestion directe des affaires de l'Etat franchi les limites de l'acceptable. C'est pourquoi les différents cercles politiques y voient un dangereux précédent qui risque de conduire, sans nul doute, à privilégier l'intérêt personnel au détriment de l'intérêt collectif. Une dualité qui ne sert pas le pays Par ailleurs au Forum de Davos, la Tunisie à dépêché une délégation officielle qui comprend le Premier ministre Hamadi Jebali, le ministre des Affaires étrangères Rafik Abdessalam ainsi que le Gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie, Mustapha Kamel Nabli. Même si des reproches ont été adressées à l'égard de la composition de cette délégation qui exclut le ministre des Finances Houcine Dimassi, la présence d'une autre délégation officieuse risque de jeter le trouble sur l'image et le message que la Tunisie veut faire passer au cours de ce forum. En ces temps durs où le pays est à la recherche de financements nécessaires pour relancer la machine économique à travers les prêts de financement au profit des grands projets de développement, parler d'une voix discordante peut coûter énormément à la Tunisie, estiment de nombreux experts. En outre, en plus de la quête lancinante de financements, la rencontre de Davos représente une opportunité pour inciter les donateurs à honorer leurs promesses. Il s'agit aussi pour la Tunisie, au cours de ce Forum, de chercher à récupérer les biens spoliés par Ben Ali et sa famille. Une demande qui sera difficile à faire passer si les interlocuteurs qui sont en majorité des pays occidentaux ressentent une certaine confusion pouvant semer le doute ce qui ne manquera pas d'entraîner tout bonnement leur méfiance. Une invitation pour déterminer l'orientation d'Ennahdha La présence du président du mouvement Ennahdha à Davos comme invité d'honneur, a pour dessein de permettre au monde économique présent à cette rencontre de se familiariser avec le leader du parti d'obédience islamique qui dirige le gouvernement en Tunisie et de s'assurer de ses intentions sur la démocratie, la place de la femme et autres questions de droits de l'homme. Pour les analystes qui ont suivi la prestation de Cheikh Ghanouchi lors des débats à Davos, son anglais approximatif teinté d'un accent qui laisse à désirer ne lui ont pas permis de rassurer les partenaires de la Tunisie ni de démontrer les capacités de sa majorité à gérer le pays. La langue a constitué un handicap sérieux pour Ghannouchi pour exprimer ses idées et faire passer le message dont a besoin la Tunisie, aujourd'hui, pour redorer son blason auprès de ses partenaires notamment après les vagues de mouvements sociaux et le départ de plusieurs entreprises étrangères. En somme, le parti Ennahdha doit cesser de mélanger les genres et d'entretenir la confusion autour de cette image de Parti-Etat qu'il veut véhiculer. Il a tout à gagner à servir le pays et les citoyens qui lui ont donné leurs suffrages et qu'ils peuvent retirer la prochaine fois en votant pour d'autres partis politique.