La démission du ministre des Finances, Houcine Dimassi, n'a pas manqué de susciter des commentaires variés, souvent contradictoires, selon le côté politique qui commente ; pourtant c'était une démission (ou une destitution) à l'ordre du jour depuis plusieurs semaines, sinon quelques mois (il vient de la confirmer lui-même) : depuis mars 2012 même (tunivisions l'avait déjà souligné). De son côté, Mohamed Abbou a trouvé là l'occasion de souligner qu'il n'y avait rien de commun entre sa propre démission et celle du ministre des Finances. Il a sans doute raison. Mohamed Abbou a l'art de transformer, pour ceux qui le croient, une démission personnelle en une démission politique, dans le droit fil qu'il s'est tracé pour s'imposer comme seul substitut crédible à Moncef Marzouki, sans rompre totalement le fil avec la force politique supposée avoir les moyens de décider du sort politique de chacun, au moins pour le prochain et l'avenir les plus proches, en l'occurrence le Mouvement Ennahdha. Quant à Houcine Dimassi, il n'a jamais fait de la vraie politique. En bon économiste universitaire, plus engagé du côté de l'économie sociale, il a toujours fait fonction d'expert en la matière, avec ou sans titre, choisissant surtout le côté de l'UGTT comme bastion incontournable de la lutte sociale sur un fond politique modulable avec le pouvoir en place et avec les grandes conjonctures. H. Dimassi est donc resté un technocrate flirtant avec la politique, même si le contexte succédant au 14 janvier 2011 et son retrait (par discipline syndicale) du premier gouvernement de Mohamed Ghannouchi lui avaient donné des idées nouvelles sur une possible entrée politique triomphale, au moins dans son Sahel d'origine, aidé en cela par une longue carrière d'universitaire et par des interventions régulières dans les radios de la région. Mais l'échec, pourtant prévisible, de sa liste indépendante le ramena à la conviction qu'il n'avait pas fait la meilleure entrée politique dans le nouveau contexte tunisien. C'est pour cela qu'il répondit favorablement à l'offre de la troïka pour un portefeuille devenu accidentellement vacant. Bien que proposé par Ettakattol, il décida d'entrer dans le gouvernement en tant qu'indépendant, forçant Mustapha Ben Jaafar, qui ne voulait pas rester en-deçà de son quota, à copter, à la dernière minute, au moins un candidat à un secrétariat d'Etat. Mais plus H. Dimassi avançait dans sa nouvelle fonction, plus il se rendait compte qu'il se réduisait à un vrai dindon de la farce, nullement à même de pousser dans le sens de ses convictions sociales, seulement bon pour conduire et s'entêter à justifier la politique de la troïka qui n'était souvent pas en harmonie avec ses idées, parfois directement en conflit avec la Centrale syndicale dont le ministre devait se reconnaître même dans le gouvernement (Il s'en justifie maintenant au nom de la franchise d'une pensée objective et indépendante). C'est là qu'il a pris la juste mesure de sa fragilité et qu'il a déclaré être entré dans le gouvernement pour Ettakattol, se jetant ainsi dans les bras de Ben Jaâfar qui n'était plus sûr de pouvoir sauver sa seule peau dans le cafouillis troïkiste. Le limogeage de Mustapha Kamel Nabli a donné à H. Dimassi une ultime occasion de se démarquer en démissionnant (en signe du limogeage irréfléchi d'une compétence internationale influente) ; il s'en est emparé certes, mais relativement avec beaucoup de retard. C'est pourquoi la seule explication qu'on continue de médiatiser comme plausible, c'est qu'il avait choisi de partir avant de se voir lui aussi remercier dans l'imminent remaniement, qui pourrait d'ailleurs ne pas avoir lieu en tant que tel si certains ministres indésirables ou inefficaces se mettaient à partir d'eux-mêmes. Pour tout le reste, ce qui est dit autour ou à propos de cette démission, n'est qu'une autre littérature des nombreux duels disséminés un peu partout sur la scène politique tunisienne, chacun croyant, d'un mot, d'une phrase ou d'un discours, mettre KO son adversaire… en attendant qu'un vrai soleil se lève sur ce semblant d'un nouveau matin tunisien.