Après diverses tergiversations et nombreuses spéculations, Nidaa Tounès s'est entendu sur un président du gouvernement, Habib Essid, qui a été nommé à ce poste, dans les délais fixés par la constitution, pour former son gouvernement conformément aux procédures fixées par celle-ci. Il conviendrait de signaler que le flottement qui aurait marqué la période de sélection du candidat à la présidence du gouvernement, est le signe d'une richesse certaine de notre pays en compétences attestées, imbues de patriotisme et prédisposées à assumer toutes les responsabilités qui en relèvent. De ce fait, le choix d'une de ces compétences ne saurait se lire comme un discrédit des autres, mais comme un honneur à l'ensemble des candidats et comme un message à lire concernant la démarche, les objectifs et les priorités du prochain gouvernement, le premier de la Deuxième République tunisienne. Rappelons d'abord que Habib Essid a un cv riche en formations supérieures et en expériences administratives et politiques l'habilitant à une connaissance pratique du territoire et des citoyens tunisiens tant du point de vue économique et social, notamment à travers le secteur agricole et du développement régional, que de celui des dossiers relevant du ministère de l'intérieur avec à leur tête celui de la sécurité. Faut-il rappeler que si certains secteurs attendent juste un climat de stabilité et de sécurité pour reprendre leur élan, moyennant aussi des conventions sociales appropriées et adaptées au contexte, les deux secteurs de priorité pour le gouvernement, au début de son action, sont à la fois la sécurité et l'agriculture. Et c'est ce message qu'il faudrait capter à l'analyse médiatique, nous semble-t-il, afin de le faire parvenir à l'ensemble des citoyens, notamment ces populations aux conditions précaires dans le secteur agricole, ces hommes et ces femmes des zones rurales qu'il est urgent d'intégrer dans une zone de stratégie de développement régional intégré et équilibré. Cette mission d'information n'est pas de moindre importance dans la participation des partis, des médias et de la société civile, que la mission de veille, de contrôle, de critique et même de dénigrement en cas de défaillance à cette démarche dès que clairement définie et présentée comme un volet important du plan d'action du gouvernement. En effet, on entend partout dire qu'il est important de dire merci à celui qui réussit, même partiellement, et de dire non à celui qui est en infraction ; il revient à tout le monde maintenant de joindre l'action à la parole, en toute honnêteté et sans calcul, car l'avenir de la Tunisie en dépend. Il va sans dire que le secteur agricole est beaucoup plus complexe que sa dimension ci-dessus développée et qu'il importe de réviser sa politique à tous les niveaux, notamment celui de l'avenir proche, celui du quinquennat et celui de la prospection à longue échéance, à l'orée même de 2050 pourquoi pas. En effet, le secteur agricole est transversal de tout le plan de développement de par le croisement qu'il a avec l'éducation, l'enseignement et la recherche, avec l'économie et tous les sous-secteurs rattachés (commerce, emploi, développement régional) et avec la culture qui devrait pouvoir enraciner chez les jeunes le sens de l'appartenance régionale (toute différente du régionalisme) dans le cadre solidaire d'une unité nationale inaliénable. Quant à la sécurité, elle est le nerf moteur de tout développement et c'est sans doute un grand atout que le Chef du gouvernement en ait une maîtrise des enjeux, des moyens et du potentiel humain qui l'a en charge. Avec un ministre de l'Intérieur convenablement choisi, il y a tout lieu d'espérer rétablir assez tôt la sécurité et la sûreté dans tout le pays en éradiquant définitivement le terrorisme, mais en sachant combiner cette action technique avec les solutions politiques et sociales idoines et cultiver la citoyenneté participative en matière de sécurité et de sûreté. En sachant où se cachent les groupuscules terroristes, on peut saisir également l'articulation d'une bonne politique agricole à l'action contre ce phénomène vénéneux, générateur de violence et de déstructuration sociale. Du point de vue de la sérénité à faire retrouver par notre Tunisie séculaire, celle de la tolérance et de l'esprit médian, celle du progrès et de la modernité, la nomination de M. Habib Essid à la tête du gouvernement revêt aussi une autre dimension non moins importante, celle de la réconciliation et de l'unité nationale. Le président de la République l'avait plusieurs fois souligné quand il était président du parti Nidaa Tounès, le parti de la majorité relative : la Tunisie appartient à tous les Tunisiens, sans exception, et nul ne peut y être privé de son droit à servir son pays à quelque niveau que celui puisse se concevoir, tant qu'il n'en est pas privé par une décision en justice, régulièrement prononcée. M. Habib Essid a servi son pays à plusieurs niveaux depuis près d'un quart de siècle, avec abnégation et discipline. On a eu un moment le sentiment que la campagne de dénigrement, qui s'est enclenchée à son égard sur les réseaux sociaux, puisse infléchir le choix contre sa candidature à la présidence du gouvernement. Que le parti Nidaa Tounès et que le président de la République évoluent dans le sens de leur conviction, conforme à la vraie Tunisie et insensible au dénigrement et au scepticisme gratuits et non fondés en tant que préalables, est rassurant à plusieurs égards, surtout dans le sens de mise en valeur d'une image lumineuse de notre pays, contre certaines voix, heureusement minoritaires, qui sont parties trop tôt en besogne de dissension, de séparatisme, voire même de rancœur difficile à contenir. Il n'en reste pas moins un point à tirer en clair, celui de la marge de manœuvre et du potentiel d'initiative d'un président de gouvernement indépendant, au moins officiellement ! Puisse le nouveau gouvernement et le nouveau président, dont la tâche est fondatrice, tirer au clair cette question et mettre en échec les présomptions humorales de certains afin de les ramener à une intelligence et une implication plutôt constructives de l'avenir, de la position même qui est la leur, celle de l'opposition la plus vivace, mais sur fond de respect et d'objectivité. Comment sortir de la logique étriquée des campagnes électorales pour s'intégrer dans la dynamique quotidienne de la gouvernance et du développement ? C'est notre grande question aujourd'hui et sa réponse est auprès des uns et des autres de l'action politique, mais aussi auprès des acteurs de la société civile et même au niveau de la citoyenneté personnelle.