Un grand tollé, presque de toutes parts, a éclaté contre la visite rendue par la président du Gouvernement Habib Essid à la direction d'Ennahdha dans ses locaux à Montplaisir, une visite que d'aucuns ont considérée comme un pèlerinage pour redonner acte d'allégeance à ce mouvement et à son chef, cheikh Rached Ghannouchi. Etait-ce une maladresse de sa part ? Y avait-il un message à faire passer, à un niveau ou à un autre ? Tant d'autres questions aussi restent en suspens et la communication de la présidence du gouvernement ne s'est pas encore prononcée à ce propos. Y avait-il dans cet acte une maladresse politique de la conduite gouvernementale plus qu'une maladresse personnelle du président du gouvernement ? Y a-t-il une insuffisance communicationnelle ? Y a-t-il plutôt un pragmatisme qui échappe au commun des gens et même à certains spécialistes ? Y a-t-il devoir de discrétion sur la question ? Voilà les différentes directions du tiraillement animant la tempête qui secoue l'intelligence citoyenne depuis cette fameuse randonnée d'Essid à Montplaisir. Ennahdha a informé sur cette visite, qui aurait permis d'examiner les différentes questions politiques et les questions du partage du pouvoir. Selon son président, R. Ghannouchi, l'audience a porté sur l'actualité politique du pays, sur la situation sécuritaire, sur le projet de la loi de réconciliation proposé par la Présidence de la République et sur les propositions d'Ennahdha concernant le mouvement des Gouverneurs. A son avis, c'est une entrevue des plus ordinaires. De fait, elle l'est vraiment et rien de plus normal que des partenaires dans le gouvernement se concertent sur des questions de gouvernance. Le tollé ci-dessus indiqué serait donc dû au fait que c'est le président du gouvernement qui s'est déplacé pour rencontrer les dirigeants d'un parti dans leur siège et non l'inverse. De là à ramener cela à un acte d'allégeance, c'est sans doute exagéré. Ce qui n'empêche pas la présidence du gouvernement de se prononcer sur la question et de lever les malentendus la concernant. N'oublions pas que cette audience est survenue à un moment où les uns parlent d'une épuration de l'administration des responsables nommés par la troïka. Force est d'admettre ici qu'un abus avait été constaté et vérifié, lors de ces nominations, et qu'un redressement de la situation s'impose, en procédant à un mouvement fondé sur la valorisation de la compétence, de la transparence et du sens de l'équité chez les candidats proposés, au-delà de toute politisation excessive et alambiquée. Que le mouvement Ennahda ait exprimé un malaise à ce propos, cela se comprendrait, de par son état d'esprit et sa façon de chercher à se repositionner dans l'ensemble des rapports de force, pourvu que le déplacement du président du Gouvernement ait eu pour objectif de convaincre les dirigeants d'Ennahdha du bien-fondé de la démarche et non de leur faire des concessions inadaptées à l'esprit adopté pour le mouvement des dirigeants de l'administration gouvernementale. Pour l'heure, il serait bon, pour tout le monde, de communiquer sur la question, mais de ne pas l'amplifier au point d'en faire le présage d'un fiasco gouvernemental. Les jours à venir apporteront sans doute du nouveau qui puisse détendre l'atmosphère et positiver la logique de la conversation. Attendons voir, avec le moins de tension possible, pourvu que nous n'ayons pas à attendre longtemps.