Nos martyrs ont défié les balles réelles et sont tombés pour une Tunisie libre. Comme un certain 9 avril 1938 où nos glorieux ancêtres ont défié les balles réelles d'un occupant étranger, nos glorieux martyrs ont écrit une nouvelle page dans l'histoire de la Tunisie. Rien ne sera comme avant depuis ce fameux 14 janvier 2011. Le peuple l'a fait une fois, il est capable de le refaire. Personne ne pourra désormais lui voler sa liberté et sa «Tunisie». Cette révolution est venue rompre avec des décennies pendant lesquelles la vie politique tunisienne était sclérosée et où le peuple n'avait aucun mot à dire avant 1987 et avait un semblant de mot à dire depuis 1987 mais simplement de façade, pour les besoins de la photo. La réalité était autre chose, on a tous souffert et je ne suis pas là pour remuer le couteau dans la plaie. C'est bien évidemment cette souffrance ressentie depuis des décennies qui nous pousse aujourd'hui à exprimer un «ouf de soulagement», à vouloir respirer pleinement l'air de liberté qui souffle sur la Tunisie. Le peuple a enfin assumé sa responsabilité et la cocotte a fini par exploser et offrir un paysage nouveau. A nous maintenant d'occuper l'espace de liberté acquis par le sang et les sacrifices. Mais, car il y a un «mais», la révolution ne peut offrir des meilleurs résultats que si le peuple tunisien lui-même se remet en question. Une nécessaire autocritique qui ne peut qu'être bénéfique à un peuple cultivé, ouvert, tolérant et toujours en mouvement. Nous avons tous des choses à nous reprocher dans notre attitude quotidienne surtout dans le cadre professionnel qui m'intéresse le plus. L'intérêt commun est malheureusement le dernier de nos soucis alors qu'il devrait être le premier. Nous avons tous mené cette révolution afin de rendre la Tunisie meilleure, politiquement mais aussi socialement. En Europe, la productivité est un souci quotidien, pas seulement du chef d'entreprise mais surtout du salarié lui-même. Lors d'un déplacement professionnel en Tunisie début décembre, j'étais frappé par le nombre de cadres, dirigeants et fonctionnaires, tous en costumes cravates, en train de boire des cafés ou siroter un jus ou manger un sandwich en bas de leurs immeubles à 10h du matin. Je suis un farouche opposant du «flicage» au bureau car c'est contre-productif mais j'appelle chaque salarié tunisien, employé, cadre ou dirigeant à penser à l'intérêt de son entreprise, qui doit être sa seconde famille. Il faut aussi briser les barrières et les murs. Le travail en «open-space» ne peut que favoriser l'échange, créer des liens entre les salariés et la présence du responsable au sein même de l'open-space est vitale. Proche de ses salariés, il saura anticiper les problèmes, voir de près l'évolution de chacun. Certes l'ambiance dans nos entreprises et administrations y est pour quelque chose. La méfiance et l'ambiance, souvent électrique, a contribué à ce mode de fonctionnement. La dissolution des structures de l'ancien parti au pouvoir et la séparation entre la vie politique et toute structure économique sont les ingrédients nécessaires afin de faire régner une meilleure ambiance dans nos structures économiques. Seuls les syndicats doivent s'exprimer au sein d'une entreprise ou une administration, dans un cadre précis, organisé et un espace de communication qui doit privilégier les nouvelles technologies que la présence physique au sein des entreprises. Nous appelons d'ailleurs à une pluralité syndicale. Nos fonctionnaires, salariés, cadres et dirigeants doivent retrouver la liberté d'expression. Il faut proposer et soulever tout point qui peut entraver la bonne marche d'une entreprise ou de l'économie tunisienne en général. Nos juristes et avocats doivent jouer aussi leur rôle afin de commenter, critiquer et soulever les lacunes de toute législation fraîchement votée. Les espaces médiatiques sont ouverts maintenant, saisissons-les. La concertation avant de légiférer, voilà une règle précieuse pour éviter les erreurs du passé et offrir le meilleur cadre législatif à notre économique. Le passage par des groupes de travail et par une consultation publique doivent être le pilier de notre manière de légiférer. Il est aussi peut-être temps de donner le pouvoir aux jeunes au sein de nos entreprises, administrations et établissements financiers. Libérons l'initiative et finissons avec tous ceux qui veulent scléroser les choses. Une vague de départ à la retraite anticipée ne peut qu'être bénéfique à l'économie tunisienne qui, entre népotisme et corruption, a beaucoup souffert d'immobilisme. Lors d'une rencontre avec un responsable d'une institution de contrôle, on m'a expliqué que la crise a conforté la Tunisie dans sa vision prudente. Certes, mais prudence ne doit pas rimer avec immobilisme. Nous avons déjà proposé, à titre d'exemple dans le site webmanagercenter.com , des réformes urgentes pour les instruments de couverture contre le risque. L'enthousiasme et les retours venant d'opérateurs étrangers ou tunisiens en Europe étaient encourageants, mais malheureusement, aucun retour de la part de nos institutions de régulation. Seulement certains banquiers tunisiens qui adhéraient à nos conclusions sans pour autant hausser le ton, de peur de froisser certaines sensibilités et certaines personnes Reprendre sa voix, à travers les urnes mais aussi afin d'améliorer notre économie, voilà une révolution qui doit se faire une révolution des mentalités.