Par Moëz BEN KHEMIS Voilà déjà sept mois et quelques jours que notre belle et glorieuse révolution est venue ensoleiller le ciel de notre chère Tunisie et chasser les vieux démons de Ben Ali et ses sbires. Le peuple tunisien vient aussi de célébrer son premier Ramadan et fêter son premier "Aïd El Fitr" libre et loin de tous les malheurs qui l'ont accablé pendant ces 23 dernières années. Ce grand peuple, qui a payé fort le prix de sa liberté, qui a donné de sa vie et de son sang pour permettre aux générations futures de vivre dans la dignité et la prospérité, s'apprête, dans la foulée de vivre ses premières élections démocratiques. Le succès de ces élections est un véritable test, voire un défi pour honorer nos martyres tombés sous les balles des snipers du traître dictateur. Un air nouveau souffle sur notre contrée, un air pur et libre qui amène avec lui plein d'espoir et de renouveau. Cependant derrière cet engouement et cette liesse populaire, surgissent quelques importunités qui apportent avec elles leurs lots d'acrimonie. En effet, certains n'ont pas encore assimilé qu'il faut couper définitivement le cordon avec le règne de Ben Ali. Ils se voilent la face et continuent malgré tout à agir et user des même pratiques ignominieuses. Voilà qu'un sentiment de déjà vu, d'angoisse et d'inquiétude s'installe. Ce sentiment de désarroi et d'appréhension est encore plus ressenti chez les résidents, ces jeunes médecins spécialistes dont le nombre est estimé un peu plus de 2000. Ces jeunes médecins pleins d'énergie et assoiffés de savoir et de sciences, ces jeunes médecins qui ont participé fièrement et courageusement à la révolution tunisienne en assurant seuls, sans protection ni garanties aucunes, leur devoir et en accomplissant les gardes dangereuses du 14, 15 et 16 janvier dernier dans les différents CHU du pays; parfois même sous une pluie de balles comme c'était le cas dans certains établissements de la capitale. Ces jeunes médecins se sentent désormais esseulés. Ils voient toutes leurs revendications balayées d'un revers de main : rebelote tout reprend comme d'antan. Tout continue de fonctionner selon la feuille de route tracée par l'ancien régime. Une feuille de route stérile dont personne n'espère plus rien de bon ou d'utile. Le malheur est que ces jeunes médecins ne trouvent même plus le soutien inestimable et tant espéré de leurs maîtres souvent idolâtrés. Ces derniers restent les bras croisés devant les décisions inopinées et abusives de certains "commandeurs". En effet les résidents qui ont achevé leur formation en Tunisie et qui se sont vus refuser un stage de perfectionnement en France sous prétexte qu'ils vont quitter le pays sans retour, mais qui ont quand même réussi haut la main à l'examen de fin de spécialité d'avril dernier, se sont trouvés malgré eux jetés dans la gueule du loup et envoyés pour faire face aux demandes urgentes de médecins spécialistes dans les régions intérieures du pays . Alors en sont-ils vraiment capables ? Ce n'est pas faute de bonne volonté mais malheureusement 4 années de formation en Tunisie ne sont aucunement suffisantes ni satisfaisantes. Aussi, pour cette année 2011 toutes les demandes de stages à l'étranger paraissent bloquées ou négligées par les hautes autorités tunisiennes. Le refus inopiné par la France de toutes les candidatures des résidents tunisiens pour un stage de perfectionnement dans les grands centres hospitaliers français n'a eu ni objection ni contestation de la part des responsables tunisiens. Ainsi, un demi-millier de résidents qui sont en train de parachever leur formation dans les CHU du pays restent sans réponses. Le 31 décembre 2011 à minuit ils seront officiellement des "sans emploi" oui des "diplômés sans emploi"; alors que naguère, ils partaient en Europe et particulièrement en France pour entamer une année ou deux de stage de perfectionnement avant de rentrer et apporter avec eux non seulement de nouvelles techniques et approches médicales mais aussi une nouvelle mentalité et vision des choses dont profitera certes le patient tunisien. Malheureusement toutes les tentatives pour trouver une solution à ce problème tentaculaire restent vaines. Aussi bien les responsables des collèges des différentes spécialités, que les personnes fraîchement nommées à la tête du ministère de la Santé publique ne sont pas capables de donner une réponse claire à cette question épineuse. Alors pourquoi un tel acharnement contre ces jeunes et vaillants médecins ? Espérons que la rentrée de septembre 2011 nous apportera avec elle un lot de consolations, et que cette attitude obstinée "benaliesque" sera bannie à jamais pour que nos jeunes, ces jeunes qui ont mis le feu aux poudres et ont dégoupillé le régime assassin de Ben Ali, ces jeunes qui ont payé le prix fort en sang pour aspirer à un avenir meilleur, pourront avoir la chance et le privilège de décider pour eux-mêmes.