Hier lundi 21 février, c'était des sénateurs américains, aujourd'hui 22, ce sont Christine Lagarde, ministre française de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, et Laurent Wauquiez, ministre auprès de la ministre des Affaires étrangères et européennes chargé des Affaires européennes. D'après les déclarations des deux ministres lors de la conférence de presse organisée au Palais de Carthage, la France mettrait le paquet pour consolider encore plus son partenariat avec la Tunisie et réoccuper le terrain qu'elle a perdu suite à sa position passive lors de la révolution tunisienne et même son soutien exprimé jusqu'à la dernière minute envers Ben Ali. La France voudrait-elle se racheter? Il est sûr en tout cas qu'elle ne tient pas à perdre un partenaire stratégique avec lequel elle a toujours entretenu des relations historiques économiques et politiques privilégiées au profit d'un acteur politique «Des échanges extrêmement fructueux, précis, détaillés, à l'occasion de cette visite», c'est ainsi que Christine Lagarde, ministre de l'Economie et des Finances, a peint la série d'entretiens avec les hauts responsables tunisiens. Une visite qui réaffirmerait admiration, amitié et soutien de la France à l'égard du peuple tunisien pour cette «révolution pionnière et profondément morale qui l'a engagée dans cette transition». «Je tiens à souligner qu'à l'initiative de la France, à la clôture du G20 Finance, nous avons tenu à engager la communauté internationale dans un message de soutien et d'amitié et en même temps de mobilisation économique et financière aux moments appropriés aux côtés des instances multilatérales et des banques régionales de développement pour accompagner et soutenir le peuple tunisien dans sa transition démocratique», a précisé madame Lagarde. Le renforcement économique entre les deux pays n'est pas à démontrer, la France est le premier partenaire de la Tunisie dans le domaine de l'importation, de l'exportation, des investissements hors énergie et dans le domaine de l'aide au développement. La France, qui reconnait aujourd'hui la rupture profonde avec le passe, maintiendra, augmentera et accélérera la mobilisation des instruments financiers d'accompagnement de la Tunisie: «Nous sommes ici pour examiner les besoins exprimés et les meilleurs moyens de mobiliser les instruments financiers au service de la lutte conte le chômage, la formation professionnelle et renforcer l'emploi sans ingérence aucune et dans le respect des désirs qui seront exprimés par les autorités tunisiennes». La visite du secrétaire d'Etat au Tourisme est confirmée et on travaillera à ce que le 1 million et demi de touristes français reviennent en Tunisie en totale confiance. «Nous ne venons pas donner des leçons» «Le peuple tunisien a donné une leçon au monde entier, a déclaré, pour sa part, Laurent Wauquiez, le peuple tunisien a réalisé l'impensable, il force le respect. L'Etat d'esprit dans lequel nous venons est un état d'esprit d'écoute, il est hors de question qu'après la bataille, on vienne donner des leçons et expliquer ce qui serait bon ou mauvais pour la Tunisie. Notre attitude a été d'écouter nos collègues tunisiens et passer du commentaire à l'action et investir dans cette transition démocratique en fonction des besoins de la Tunisie». La France, a-t-il indiqué, veut résolument s'engager aux côtés de la Tunisie pour que l'Europe soit votre soutien. La Tunisie doit être la priorité de l'Europe, c'est cette cause qui a été plaidée par les Français récemment auprès des Européens. Dans ce cadre, la France s'emploiera à être le meilleur avocat de la Tunisie au niveau de Bruxelles, d'après Laurent Wauquiez. Des actions qui s'incarneront par l'accès de la Tunisie au Statut avancé: «Pour la France, les négociations s'enclenchent immédiatement, elle militera pour avoir une réponse et une approbation aussi rapides que possible par rapport au Statut. Un Statut avancé pour nous, ce n'est pas le statut avancé standard, ce n'est pas la déclinaison de la boîte à outils classique de l'Union européenne, c'est un statut qui doit être sur mesure, un statut privilégié, ce que votre Premier ministre appelle un statut plus qu'avancé. L'objectif est que sa conclusion puisse se faire avant la fin de l'année, avec une étape intermédiaire permettant de marquer la volonté de l'Europe de s'engager à vos côtés». Le France aura donc une présence tous azimuts en Tunisie : -politique, en soutenant le programme de financements d'ONG évoluant dans le cadre de la liberté de la presse; -économique, grâce au Statut avancé, la Tunisie pourra améliorer considérablement ses opportunités de développement et d'investissement dans la sphère de la communauté européenne. Ceci toucherait le secteur des services, celui des normes pour pouvoir accéder plus facilement au marché européen ; -la coopération sectorielle dans des domaines d'excellence que la Tunisie pourrait développer ou dans des domaines très attendus dans cette période telles les biotechnologies et la formation professionnelle; -le tourisme, vital pour la Tunisie, pourrait être encore plus consolidé grâce à une meilleure connaissance de la Tunisie en Europe. La France préconise de financer un programme européen de promotion de la destination Tunisie pour qu'elle puisse drainer de nouveau les touristes européens et surtout en provenance de l'Europe du Nord; -les programmes régionaux tels le projet des fermes solaires, un réseau d'aide aux PME, pour enclencher un centre de recherche euro-méditerranéen à Tunis et mettre en place un programme de dépollution de la Méditerranée. Pour ce qui est des moyens financiers, on ne se suffira pas des moyens mis en place par le programme de Voisinage mais on fera appel à d'autres moyens forts que la France souhaite mobiliser. La BIRD qui n'intervenait pas parce qu'uniquement centrée sur les pays d'Europe Orientale sera sollicitée ainsi que la Banque européenne d'Investissement qui a des capacités d'investissements considérables grâce aux 80 milliards d'euros qui lui sont consacrés. Des efforts seront fournis pour attirer les financements en Tunisie. Un plan Marshall, c'est ce que souhaiterait la France pour la Tunisie, assure Laurent Wauquiez. Les choses seront faites par étapes, a précisé Christine Lagarde. «Notre visite est l'avant-garde d'une série de visites qui seront effectuées par des hauts responsables français». Le secrétaire d'Etat au Tourisme, la responsable en charge de toutes les questions relatives à l'environnement, au transport et à l'aménagement, la responsable du MEDEF également qui affirmera le soutien du secteur privé à ce qui se passe en Tunisie, et enfin le secrétaire d'Etat à l'Industrie qui viendra accompagné d'entrepreneurs. «La relation avec la Tunisie s'inscrit dans la durée, dans la profondeur de la relation et dans l'effectivité de notre action. Ce n'est pas une promesse et ce n'est pas un passage éphémère». Un groupe de travail spécifique sera à cet effet constitué de hauts responsables tunisiens ainsi que du directeur de l'Agence française de développement (AFD), du directeur adjoint du Trésor, de responsables du secrétariat général aux Affaires européennes. Ce groupe dessinera les futurs programmes d'aide au développement économique et financier à la Tunisie. Génial! Nous savons maintenant que l'aide française ne s'arrêtera pas aux 320 mille euros avancés il y a quelques jours et qui pouvaient passer pour une aide au Croissant rouge tunisien plutôt qu'une aide pour le développement d'un partenaire géostratégique aussi important que la Tunisie.