Le gouvernement provisoire a eu le grand mérite de promulguer, le 26 mai 2011, un décret-loi garantissant le droit d'accès aux documents administratifs à l'exception de ceux de certaines institutions (armée, police, justice ). Cette législation, élaborée selon les normes internationales, n'a pas été assez médiatisée et expliquée au public. Dans la perspective de pallier cette lacune, le Centre africain de perfectionnement des journalistes et communicateurs (CAPJC) a organisé un atelier de trois jours (15, 16 et 17 septembre 2011) sur le droit d'accès à l'information avec le concours de la fondation allemande Friedrich Naumann et l'Association tunisienne des directeurs de journaux. Objectif: faire connaître les nouvelles dispositions juridiques garantissant le droit d'accès à l'information en Tunisie, vulgariser les normes internationales en matière d'accès à l'information, notamment les lignes directrices de l'Unesco de 2004 et enclencher un débat entre les demandeurs d'informations (journalistes et autres) et ses fournisseurs (gouvernement, institutions publiques, attachés de presse ). Pour comprendre l'enjeu du droit de l'accès à l'information, un élément d'histoire: l'humanité a constaté que les dictatures, guerres et autres exactions subies par l'homme n'ont pu se produire qu'en raison de la méconnaissance des tenants et aboutissants des crimes et abus commis au moment où ils ont lieu. L'article 19 de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme consacre ce droit et donne à la liberté d'expression et de presse une valeur universelle. En d'autres termes, ce droit adopté actuellement par 80 pays dans le monde n'est plus revendiqué seulement par la société civile mais également par les Etats. La propension sans cesse croissante des peuples à la démocratie participative et les nouvelles technologies de l'information et de la communication (internet, chaînes satellitaires ) ont favorisé la reconnaissance de ce droit. Ce droit ainsi reconnu consacre la liberté d'opinion et d'expression, autrement dit le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de diffuser, sans considération des frontières, les informations et idées par quelque moyen d'expression que ce soit. Maintenant reste à savoir dans quelle mesure la législation tunisienne, la deuxième dans le monde arabe après celle adoptée par la Jordanie, est applicable, c'est-à-dire en mesure de mettre fin à la culture du «top secret» artificiel et de la confidentialité entretenue, depuis plus de cinquante ans d'indépendance. Au regard du débat instauré au cours de cet atelier, il ne faut pavoiser et crier vite victoire avec la promulgation d'un texte garantissant l'accès à l'information. C'est hélas un combat de longue haleine. La garantie de l'accès aux sources d'information ne se décrète pas. C'est une bien longue bataille qu'il faudrait remporter sur le terrain. Les résistances sont énormes. D'ailleurs, l'institution «Article 19» qui évalue l'opérabilité des législations nationales en matière d'accès à l'information a relevé, dès la parution du décret-loi du 26 mai 2011, plusieurs insuffisances. Article 19 s'inquiète de ce que «les exceptions au droit d'accès soient trop larges et de ce que, en leur état actuel, elles nuisent à l'impact direct en tant que garant du décret de transparence et de responsabilité des autorités». L'institution estime que «les exceptions au principe de divulgation d'informations sont rédigées de manière trop large et le décret ne contient pas de disposition établissant la primauté de l'intérêt public». Pour leur part, les journalistes font remarquer qu'en dépit de la promulgation, après la révolution, de ce décret-loi tant attendu, sur le terrain, la politique de verrouillage et de maquillage est toujours de rigueur. A titre indicatif, l'attaché de presse d'un ministère ou d'une entreprise est toujours là pour travailler l'image de son patron et est toujours loin de servir l'intérêt général. Même les ministres ne peuvent communiquer qu'après avoir consulté les hauts cadres du Premier ministère. Sur ce point cependant, Toby Mendel (Canada), expert de l'UNESCO, pense que le décret-loi du 26 mai 2011 ne peut être un texte parfait mais constitue tout de même un jalon sur la voie de la consécration du droit à l'accès à l'information, notant qu'au Canda où ce droit est reconnu depuis 1980, des résistances à l'application de ce droit sont toujours de vigueur. Conséquence: rien n'est encore gagné. La bonne volonté n'est pas toujours sanctionnée par de bonnes lois. Les intervenants à cet atelier ont été unanimes pour avancer que le décret-loi du 26 mai 2011, qui n'a pas encore de référence constitutionnelle et pourrait ainsi être changé à tout moment, constitue, néanmoins, une étape positive et dissuasive pour tous ceux qui chercheraient à en restreindre le contenu et la portée.