Comment ne pas se rappeler de Bourguiba qui nous avait tenus en haleine pendant des décennies en nous tenant par les sentiments (entre autres)? Car les Tunisiens, qui ont le cur au bout des yeux et des lèvres, s'émouvaient quand le 1er président de la Tunisie finissait dans un sanglot le souvenir de ses années de lutte contre l'occupant. Ce n'est certes pas la même chose pour Moncef Marzouki, le 4ème président de la Tunisie, qui ne peut prétendre qu'à la lutte contre l'arbitraire de l'ancien régime, mais les Tunisiens ont, sans le moindre doute, noté que le sanglot en question lui a échappé quand, dans son discours d'investiture, il a évoqué les jeunes déchiquetés par les balles au cours des journées les plus meurtrières de la Révolution (qu'il lie au 17 décembre, jour de l'immolation de Bouazizi, et non au 14 janvier, jour de l'effondrement de l'ancien régime). Le constat est là: les sanglots de Bourguiba étaient causés par sa propre souffrance, mais le sanglot de Marzouki venait de la souffrance de jeunes tunisiens. Bien sûr, Bourguiba est déjà devant l'Histoire en tant que grand homme d'Etat malgré tout ce qu'on peut dire, mais Marzouki en est à sa première journée et ce n'est qu'après avoir éprouvé le métal de l'homme que nous pourrions aller au bout du raisonnement. Seulement, là n'est pas le souci des Tunisiens... Ce qui nous importe à tous, ce n'est pas tant qu'il soit cité par l'Histoire en qualité de grand homme d'Etat, mais qu'il soit en phase avec nos aspirations et nos ambitions: l'emploi, le développement, l'équité régionale... mais aussi les libertés, la justice, la démocratie... Les Tunisiens n'accepteront plus autre chose que d'être considérés comme des adultes, refusant définitivement les élans paternalistes des ''leaders''... Quelles que soient ses qualités, Moncef Marzouki est uniquement là pour un mandat déterminé (un CDD pour Contrat à Durée Déterminée, diraient nos partenaires français). D'autres élections amèneront, peut-être, quelqu'un d'autre au Palais de Carthage car telle est la loi de l'alternance, premier facteur de la démocratie.