A la lecture du dernier communiqué du Conseil d'administration de la Banque centrale de Tunisie (BCT) aux relents politiques certains, un observateur averti serait tenté de penser que cette institution républicaine, sensée jouer le rôle de contrepouvoir à la politique économique et financière de la Troïka au pouvoir, a perdu la salutaire indépendance que ses locataires, soutenus par la société civile, réclamaient à cor et à cri, il y a à peine trois mois et qu'elle semble se mettre au goût de l'unique parti au pouvoir, Ennahdha, lequel a, aujourd'hui plus que jamais, un besoin pressant de discours rassurants. Zoom sur un communiqué économico-financier, mais «hautement politique». Que dit en fait le communiqué de la BCT? Il relève dans son préambule «l'apparition de prémices d'amélioration de l'économie nationale, au début de l'année en cours à travers la progression du rythme des échanges commerciaux avec l'extérieur, surtout l'accroissement des exportations des industries manufacturières et des importations de biens d'équipement et de matières premières et demi-produits ainsi que l'augmentation de certains indicateurs de l'activité touristique». Prémices ou fausses bonnes nouvelles? Les lecteurs peu aguerris aux techniques de démontage officiel, dont les journalistes de l'Agence publique Tunis Afrique Presse (TAP) encore formatés à la pensée unique positive et optimiste, ont retenu dans l'annonce de ces «prémices» vagues et imprécises, tout de suite, une évolution heureuse de l'économie du pays sans soumettre ce communiqué à une quelconque appréciation d'un économiste. Pourtant, à les regarder de près, il n'en est rien. D'abord, le communiqué parle de prémices d'amélioration, au mois de janvier 2012 en comparaison avec le mois de janvier 2011. Or, tout le monde sait que le mois de janvier 2011 était un mois de révolution, et partant, d'incertitudes, d'instabilité totale, voire en termes économiques de croissance zéro. Conséquence: tout parallèle établi avec cette période ne peut que dégager une évolution positive, chastement appelée dans le communiqué «prémices d'amélioration». Viennent ensuite les indices retenus par le Conseil d'administration de la BCT, pour justifier ces prémices. Le communiqué cite une évolution des échanges extérieurs, mais ne précise pas s'il s'agit du régime off shore ou du régime général. La nuance est importante. Car, il s'agit ici (dans ce communiqué), uniquement du régime off shore, et particulièrement des entreprises exerçant dans les industries manufacturières. Celles-ci, en dépit des sit-in et grèves en 2011, avaient continué à exporter et à s'approvisionner en important leurs «biens d'équipement, matières première et demis produits», à un rythme presque normal l'année écoulée. Moralité: l'accroissement des exportations et des importations que le communiqué cite comme une des prémices positives était une lapalissade, une évidence, voire une chose normale qui ne méritait nullement d'être signalée comme une nouvelle performance. Au nombre des autres prémices d'amélioration citées: «l'augmentation de certains indicateurs de l'activité touristique». Là aussi, l'information est trop générale. On ignore si ces indicateurs se fondent sur des résultats positifs réalisés au mois de janvier et début février 2012, ou sur les traditionnels engagements aériens que font, le plus souvent, les tours opérateurs en prévision de la haute saison. Mais, avec l'avènement des réservations sur l'Internet, du Just time et de l'open-sky rien n'est acquis d'avance. Mauvaises nouvelles ou ce qu'il faut réellement savoir Dans sa deuxième partie, le communiqué brosse un tableau noir de l'économie du pays et énumère des indicateurs fort négatifs. Parmi ceux-ci, figurent l'augmentation de l'inflation en raison des tensions sur les prix des produits alimentaires, la baisse des avoirs nets en devises ramenés à 10.341 MDT (l'équivalent de 109 jours), la hausse de plus d'un demi-point du taux d'intérêt interbancaire (3,71% contre une moyenne de 3,16% en janvier) laquelle hausse, pour ceux qui l'ignorent, est répercutée sur les taux d'intérêts des prêts accordés aux entreprises et l'éternelle contraction de la liquidité bancaire. Cette contraction s'est poursuivie en février 2012, et a nécessité «une intervention accrue de la Banque centrale», avec comme corollaire la contribution au maintien d'une situation économique artificielle et virtuelle ne reflétant aucune bonne santé économique des entreprises et de l'économie du pays. Pour y remédier, nous pensons que la meilleure recette proposée par le Conseil d'administration de la BCT n'a pas été faite au cours de la réunion du 15 de ce mois mais au cours de celle du 18 janvier 2012. Cette recette recommande le rétablissement de la stabilité sécuritaire et de la paix sociale sur tout le territoire du pays, la mise en place d'un environnement d'affaires rassurant et incitatif à l'investissement, l'élaboration d'un schéma de développement et l'adoption d'une politique économique et financière claire et la mobilisation par le secteur bancaire de ressources à long terme lui permettant de poursuivre son rôle de financement de l'économie. Au-delà de ces cogitations-professions de foi de responsables monétaires et de ce retour malheureux de la BCT à la langue de bois et aux communiqué muets sur l'essentiel, les observateurs sont unanimes pour dire que le meilleur effet d'annonce devant favoriser une reprise de la confiance des investisseurs et de la croissance réside dans l'engagement, tout de suite, de lourds investissements dans l'infrastructure dans les régions intérieures, dans l'amélioration de la visibilité du climat d'investissement et dans la conclusion d'un pacte social entre partenaires sociaux. Ok.