Les péripéties que vit le parti du président Marzouki, le CPR, comme celles que le parti de Mustapha Ben Jaafar subit aussi font la une de tous les médias depuis les élections du 23 octobre 2011 et dénotent d'une dégradation de l'atmosphère dans les deux partis entre des démissions en série, des accusations déferlantes et de remises en cause qui atteignent même les noms les plus en vue. Pour le CPR en particulier, cette semaine a enregistré une démission de gros calibre puisqu'il s'agit de celle d'Um Zied, Naziha Rejiba, avec une lettre d'une pleine page sur le quotidien Le Maghreb. Um Zied ne mâche pas ses mots et annonce de go que le CPR est en passe d'être mis sous tutelle «nahdhaoui» par certains de ses membres proches du parti de Hammadi Jebali. Au même moment, nous lisons une interview de Mohamed Abbou dans Le Maghreb aussi qui annonce qu'il s'attend à ce que le CPR se divise peut-être en deux partis. Il est vrai que ces ténors du CPR ne cachent pas non plus que les ambitions personnelles et les petits calculs de certains membres sont pour beaucoup dans ce que vit le parti. D'ailleurs, on se rappelle des épisodes qui ont suivi la démission de Moncef Marzouki du CPR et les remous entre Tahar H'mila et Abderraouf Ayadi concernant la présidence du parti, comme on se rappelle aussi des querelles sur la distribution des postes ministériels concédés au CPR dans le cadre de la Troïka au pouvoir. Le CPR, de l'aveu de ses fondateurs, ne comptait pas beaucoup des militants en janvier 2011 comme d'autres partis que Ben Ali a poursuivis de sa haine. L'afflux de nouveaux militants et la bataille des élections de la Constituante, associés à l'aura et à l'image de Moncef Marzouki et à un discours qui, tout en étant laïcisant, a su bien ménager la fibre nationaliste arabe, et l'appartenance islamique de la Tunisie a fait le reste. A la fin de l'été 2011, le CPR a pu, sans grosses difficultés, préparer et présenter des listes dans toutes les circonscriptions et même à l'étranger. Cependant, l'urgence de ce déploiement et la situation politique, poussant tous les acteurs à se compter, n'ont pas permis au CPR de bien choisir ses militants et de faire la part des choses entre les opportunistes -et il en existe dans tous les mouvements politiques-, les reconvertis de l'ancien régime et même les «sous-marins» qui se déguisent pour les besoins de la cause. Ainsi, le parti de Marzouki se retrouve aujourd'hui dans une situation explosive. Cette situation du CPR est en train de s'aggraver par l'expérience gouvernementale avec un allié qui ne le ménage pas. Car tout en affirmant sa personnalité quand l'occasion se présente, le CPR est bien obligé d'avaliser par ailleurs des décisions controversées et des positions des fois contraires même aux plus élémentaires de ses idéaux Ceci quand certains de ses membres ne devancent pas carrément les désirs des islamistes d'Ennahdha comme ce fut le cas pour la proposition du «Maadhoun Chârii» ou celle du changement de l'hymne national, ou encore la proposition incongrue de la ministre CPR de la Femme de revenir sur les règles du mariage civil tunisien Cet état de choses ne concerne pas seulement le CPR mais également Ettakatol, même si des différences existent entre les deux partis. En effet, le parti de Mustapha Ben Jaafar paraît moins touché dans son idéologie et ses positions modernistes que ses leaders défendent avec force en allant même jusqu'à menacer la Troïka d'éclatement comme ce fut le cas pour la présidence de la Commission d'écriture de la Constitution que Ben Jaafar a tenu absolument à présider. Cependant, le Forum démocratique pour les libertés et le travail est aussi traversé par d'autres fractures plus graves parce qu'elles expriment un mécontentement d'une grande partie de ses bases et qui vont jusqu'à la démission collective de plusieurs fédérations régionales de l'Ariana et ailleurs. Ces démissions viennent exprimer le désaccord de la base d'Ettakatol avec l'alignement d'un parti qui s'est toujours défini comme moderniste sur les positions islamistes d'Ennahdha. Un parti qui s'est présenté comme l'héritier du MDS de Mestiri et qui était longuement membre de l'Internationale Socialiste et qui se trouve dans un gouvernement qui n'ose pas, pour des raisons électoralistes, lever le petit doigt contre les exactions journalières des salafistes contre les libertés des gens en Tunisie. Cet état de dislocation latente des deux partis alliés d'Ennahdha pose la question de savoir dans quel état les deux partis se retrouveront-ils au bout d'un an ou de 18 mois de gouvernement dans les prochaines législatives et présidentielles. Bien sûr les querelles qui pointent de leur nez à propos de la Constitution dénotent d'un certain frémissement des positions surtout du côté d'Ettakatol qui a clamé haut et fort qu'il n'acceptera pas de mentionner le Chariaâ comme principale source de législation dans la Constitution de la IIème République. Pendant ce temps-là, les couteaux sont tirés au sein du CPR et le fameux Tahar H'mila trouve le moyen de proposer que nous changions d'hymne national puisque l'actuel c'est du «Kofr» pur!