Les radios et télévisions arabes sont interpellées par le Printemps arabe. Largement critiquées et associées aux régimes politiques qu'elles ont servies, ces dernières se doivent de muter vers des médias publics au sens que l'on connaît dans les sociétés démocratiques. Il s'agit là du reste d'une des préoccupations majeures de l'ASBU (Union de Radiodiffusion des Etats Arabes) dont nous interrogeons ci-dessous le directeur général, M. Slaheddine Maaoui. L'interview recueillie auprès du DG de l'ASBU a tenté de savoir concernant des questions fondamentales pour le développement du paysage audiovisuel arabe. Comme le développement du système d'échanges satellitaires ASBU-MENOS et les droits sportifs qui sont de plus en plus accaparés par des opérateurs privés et constituent, pour plus d'un, une insulte au droit à l'information. WMC : Les rapports établis par l'ASBU sur la diffusion satellitaire dans la région arabe montrent une évolution significative dans deux directions: la primauté des chaînes privées par rapport aux chaînes publiques ou d'Etat et celle des chaînes thématiques par rapport aux chaînes généralistes. Comment l'ASBU s'est préparée à cette mutation? Slaheddine Maaoui: Agissant comme une organisation à caractère professionnel, l'Union de Radiodiffusion des Etats Arabes (ASBU) a très vite pris conscience de l'importance majeure que pourrait revêtir l'avènement en force, dès le début des années 90, de la diffusion satellitaire dans la région arabe. Et elle était prompte à y réagir de la façon la plus appropriée. En effet, et depuis 1996 déjà, l'appartenance à l'ASBU a été étendue aux chaînes de radio et de télévision du secteur privé. Plusieurs de ces chaînes ont choisi de devenir membres de l'ASBU et de bénéficier de nos services. Des organismes de radiodiffusion étrangers ont également rejoint l'Union en tant que membres associés. Il est cependant nécessaire de préciser que la mission principale de l'ASBU demeure la promotion du service public dans le domaine de la radio et de la télévision. Malgré son apport sans limite, la multitude des chaînes privées ne devrait pas nous cacher le rôle unique que le service public est appelé à jouer dans tous les domaines de la radio et de la télévision, à savoir l'information, la culture, le divertissement et le sport. Nous tendons la main au secteur privé pour plus de coopération, mais Nous uvrons pour que le service public audiovisuel assume au mieux le rôle qui lui revient dans le monde arabe. Le printemps arabe marque une évolution tout autant significative vers des radios et des télévisions publiques. La radio et la télévision d'Etat semblent avoir vécu. Comment l'ASBU se prépare à cette autre mutation? Comme je viens de le dire, notre mission principale est de promouvoir le service public. La mouvance politique et sociale que connaît la région arabe depuis deux ans n'a fait que nous confirmer dans cette mission. De plus en plus, nous sommes sollicités en vue de fournir notre assistance et notre savoir-faire à nos membres qui veulent mieux jouer leur rôle de diffuseur public. Nous les assistons volontiers en organisant des sessions de formation spécialisées pour leurs cadres, en fournissant l'assistance technique et matérielle dont ils ont besoin, et en animant le débat public sur la transformation de la radio et de la télévision de simples outils gouvernementaux à des médias de service public au sens professionnel du terme. L'année 2012 est l'année de la radio. Ce média semble être dépassé par d'autres comme la télévision ou encore l'Internet. Comment l'ASBU s'est préparée à fêter la radio? Quelles actions ont été prévues, dans ce cadre, en vue de rendre à ce média une place de choix dans le paysage médiatique arabe? C e n'est pas la première fois que nous avons l'impression que la radio est dépassée en tant que médium qui a connu une popularité sans précédent. C'était déjà le cas avec l'avènement de la télévision, un médiun qui s'accapare tous les avantages de la radio et y ajoute un avantage de taille qui est celui de l'image et du mouvement. Avec le temps, la radio a prouvé qu'elle était irremplaçable. Elle est utilitaire, moins chère et techniquement moins compliquée, omniprésente et surtout intime. Les facteurs de sa longévité lui sont inhérents. «Une nouvelle ère s'ouvre pour la radio arabe» Maintenant, les mêmes craintes ont été ravivées avec l'Internet et les nouveaux médias en général. Nous, à l'ASBU, nous comptons parmi ceux qui croient en la radio et en sa capacité d'adaptation. Aucun autre moyen ne pourrait la remplacer. Déjà, elle a su utiliser les nouvelles technologies, tel qu'Internet, en sa faveur, que ce soit au niveau de la production, de la diffusion, de l'interactivité ou de la couverture de nouvelles zones, jamais atteintes auparavant, et de nouvelles catégories d'auditeurs. C'est pour cette raison que nous avons jugé utile de mettre toute notre activité en 2012 sous le signe et le thème de la radio arabe. Une nouvelle ère s'ouvre pour la radio arabe et nous comptons en profiter avec l'aide des professionnels arabes du médium. Un programme varié d'activités au profit de la radio a été mis sur pied et a commencé à être mis en application. Il vise essentiellement à promouvoir la coopération et les échanges entre les différentes radios de la région, à améliorer les qualifications de nos professionnels de la radio par la formation, à préparer nos radios à leur mission de service public, et à mieux maîtriser les nouvelles technologies et en profiter au maximum. C'est d'ailleurs un ensemble d'objectifs que nous partageons avec l'UNESCO, qui vient de décréter le 13 février pour la première fois Journée mondiale de la radio. Pratiquement toutes les radios arabes ont dûment célébré cette journée en coordination avec l'ASBU et l'UNESCO. Le système MENOS semble être une des réussites de l'ASBU. Pouvez-vous nous entretenir de la spécificité de ce système et des évolutions qui peuvent se dessiner le concernant? A l'ASBU, nous sommes fiers de l'une de nos superbes réalisations qui est celle du système ASBU-MENOS (Multimedia Exchange Network over Satellite). Il s'agit d'un nouvel outil extrêmement performant pour la réalisation de nos objectifs et l'accomplissement de notre mission. Nous en sommes fiers, et ce pour plusieurs raisons. C'est d'abord un système totalement développé par des compétences arabes pour répondre aux besoins spécifiques des radios et télévisions arabes. Il s'agit d'un système d'échanges satellitaires basé sur le protocole d'Internet, qui est entré en compétition avec les développeurs mondiaux les plus performants dans le domaine et a battu la concurrence en remportant plusieurs distinctions. Ces distinctions sont d'autant plus significatives qu'elles compensent un effort dans un domaine technologique des plus pointus. Ce système permet ainsi à tous nos membres de réaliser le maximum d'échanges radio et télévision d'une manière facile, pratique et peu coûteuse. C'est aussi un système ouvert dont l'évolution n'a pas de limites. Depuis son lancement officiel en janvier 2010, une dizaine de versions et améliorations y ont été introduites. Il est également ouvert, car il peut permettre une multitude d'autres utilisations que les échanges, tels que l'établissement de réseaux virtuels, autonomes et sécurisés, l'enseignement à distance, l'utilisation d'Internet pour transmettre tout genre de données, l'archivage du contenu audio-visuel, la collecte, la distribution et l'échange des news, en plus d'une souplesse d'utilisation sans équivalent. Dernière question: les droits sportifs constituent un des dossiers sur lesquels vous travaillez depuis des années. Où en sont les choses pour les droits des compétitions sportives qui intéressent les membres de l'ASBU? Le marché a-t-il évolué dans le bon sens? C'est une question extrêmement importante pour l'ASBU et ses membres, ainsi que pour les téléspectateurs et les fans des différents sports dans la région arabe. En effet, cette région est la seule de par le monde entier à ne pas bénéficier d'une protection contre des pratiques commerciales qui ne sont pas toujours compatibles avec les normes propres aux missions du service public audiovisuel et les valeurs éducatives véhiculées par l'offre des spectacles sportifs. Pour ne citer qu'un exemple, la Convention Européenne sur la Télévision Transfrontière, adoptée depuis 1989, est un instrument juridique conçu, au nom du droit à l'information, pour veiller à ce que ne soit pas diffusé sur le territoire européen des événements exclusivement en signal codé. La situation est similaire dans les autres régions du monde. Chez nous, certaines chaînes de télévision privées ont trusté les droits sportifs toutes catégories, et nous imposent des couvertures cryptées, que nous ne pouvons suivre qu'au prix fort. Même les rencontres sportives internationales dans lesquelles une équipe nationale est en compétition ne sont pas à l'abri des pratiques monopolistiques. Cette situation doit, à notre avis, changer de toute urgence. Toutes les parties concernées, Fédérations internationales, continentales et nationales, organisations professionnelles et médias publics, devront trouver, dans les délais les plus rapprochés, les solutions appropriées, à l'image des dispositions pertinentes de la Convention Européenne sur la Télévision Transfrontière. L'objectif n'est autre que de garantir le fonctionnement normal du service public par l'assurance de la diffusion des programmes sportifs au plus grand nombre possible de téléspectateurs sans entraves ni discrimination, de quelque sorte que ce soit. Cela dit, je voudrais signaler que l'ASBU, malgré ce handicap majeur, a réussi à obtenir un grand nombre de droits sportifs au profit de ses membres. Je cite par exemple: - Les Jeux Olympiques de Londres 2012 et du Brésil 2016, ainsi que les Jeux Olympiques d'hiver Sochi 2014. - Les différents championnats arabes de football (2012-2016). - Les différents championnats arabes et asiatiques de football (2000-2012). - Les différents championnats mondiaux de volleyball (2009-2012). - Et en athlétisme, les «Diamond League» (2010-2014).