L'UPM pour concevoir un mécanisme de garantie des risques politiques La coopération politique en Méditerranée est avant tout un enjeu de développement. Il s'agit de créer dans la région euro-méditerranéenne une zone de coprospérité. C'est une union de projets qui doit rapprocher concrètement deux mondes qui s'opposaient au 20ème siècle. Celui de la Méditerranée du Nord, regroupant des pays développés et technologiquement avancés, et celui de la Méditerranée du Sud, rassemblant des pays en développement ou émergents. Parmi les projets qui font le plus parler d'eux ces derniers temps, le plan solaire méditerranéen. C'est ce qui explique la visite récente, en Tunisie, Sotiris Varouxakis, secrétaire général adjoint de l'Union pour la Méditerranée, en charge du secteur de l'énergie, et son adjoint Marc Strauss. WMC : Quelle est la teneur de vos entretiens avec respectivement le ministre de l'Industrie et le ministre conseiller auprès du chef du gouvernement chargé de des dossiers économiques et sociaux? Sotiris Varouxakis : Nous avons eu l'occasion de voir le ministre de l'Industrie et Monsieur Ridha Saïdi. Nous avons pu avoir une idée sur la position du gouvernement tunisien en ce qui concerne la thématique qui nous intéresse et qui se rapporte aux énergies renouvelables. Nous avons assuré le gouvernement tunisien de notre soutien aux efforts déployés par ses soins pour développer ce secteur et de notre appui en tant qu'Union pour la Méditerranée pour un développement conséquent des nouvelles sources d'énergies. Au travers de nos discussions, nous avons remarqué l'intérêt des autorités tunisiennes pour les énergies renouvelables, qu'elles considèrent comme une priorité stratégique. Qu'est-ce qui vous a permis d'arriver à ce constat? Sotiris Varouxakis : Il y a tout d'abord le plan solaire tunisien qu'ils sont en train de revoir et qu'ils prévoient d'achever d'ici quelques mois. Ils ont également promis leur soutien actif à l'élaboration du plan solaire méditerranéen qui est une feuille de route pour la création d'un cadre réglementaire pour la mise en place d'un marché Mena sur le plan énergétique. Nous avons également discuté de projets individuels, pilotes que la Tunisie pourrait présenter à l'UPM pour labellisation afin qu'ils soient approuvables aux financements. On dit l'Union pour la Méditerranée, en veilleuse depuis des années, on parle de nouveau des accords 5+5, c'est d'ailleurs François Hollande qui l'a remis sur le tapis. Est-ce que vous estimez votre rôle en tant qu'UPM toujours aussi percutant et efficace pour la région? Sotiris Varouxakis : Le 5+5 est une initiative, et ce n'est pas une organisation, elle n'a aucune dimension institutionnelle, c'est une collaboration intergouvernementale et il y a des rencontres entre les ministres dans différents secteurs. Ils prennent des fois des décisions et règlent certains dossiers. C'est un fait. Mais l'initiative 5+5 n'est pas liée à l'Union européenne, c'est une partie des pays de la rive Nord de la Méditerranée, engagée avec les 5 pays du Maghreb. François Hollande a d'ailleurs déclaré dans son discours devant les ambassadeurs qu'il accorde son total soutien à l'Union pour la Méditerranée. Vous dites que l'UPM a été mise en veilleuse, et là, je ne suis pas d'accord avec vous. Il y a deux faits importants, le premier, les difficultés financières des pays du Sud de l'Europe, le deuxième, les changements historiques advenus dans les pays riverains du Sud et dans tout le monde arabe. L'UPM a été créée pour assurer une collaboration d'une importance stratégique entre l'Union européenne et les pays méditerranéens. Le dialogue politique entre différents partenaires n'a jamais été interrompu, ou rarement. Il continue aujourd'hui. Mais ce qui distingue l'UPM des autres types de partenariat à l'international, c'est l'union de projets, projets concrets et ceci n'a commencé que depuis 2 ans. Nous sommes au tout début de nos programmes et plans de coopération. Nous observons déjà des projets en net progression comme celui de désalinisation de l'eau à Gaza (Palestine, ndlr), ou encore un autre qui vous intéresse et qui est celui de l'autoroute transmaghrébine. Un projet qui couvait depuis longtemps et que nous avons labellisé pour qu'il puisse avoir les financements adéquats. Le programme emblématique sur lequel nous planchons en tant que Secrétariat est celui des énergies renouvelables. Nous avons l'ambition de créer le cadre réglementaire et financier pour tous les pays de la région. Europe et Méditerranée doivent uvrer ensemble à mettre en place une stratégie d'échanges basée sur l'égalité. Dans les pays du Nord de l'Afrique, il y a beaucoup de soleil et de vent. Pour en faire bon usage sur le plan énergétique, il faut beaucoup d'investissements et de financements. Il faut également mettre en place les infrastructures nécessaires pour transporter l'énergie du Sud vers le Nord. Les infrastructures ne seront pas conçues pour satisfaire uniquement les marchés locaux mais pour exporter vers l'Europe. En exportant, on crée des revenus et on fait rentrer des devises. Notre devise est le gagnant/gagnant pour que tout le monde sorte satisfait du partenariat euro-méditerranéen. Cela ne sera pas pour demain mais il faut déjà commencer à mettre les bases adéquates. L'UPM veille à la labellisation des projets. Quelles sont les garanties pour leurs financements? Sotiris Varouxakis : Il y a deux aspects. Le premier est politique, ce n'est pas le Secrétariat général de l'UPM qui approuve, ce sont 43 pays qui agréent ce qui positionne le projet comme prioritaire et plaide pour son financement. Le deuxième aspect est d'ordre financier et relève de nos prérogatives en tant qu'UPM . Nous avons des relations avec nombre d'institutions financières qui ont confiance en nos jugements et nos verdicts. La labellisation d'un projet lui donne un ticket d'entrée pour le financement. Tout genre de financements, qu'ils soient sous forme de prêts ou de dons. Quelles sont les chances et les garanties que les projets que vous labellisez aboutissent sachant que dans la rive Sud, la stabilité politique et sociale n'est pas encore acquise? Marc Strauss: Les situations sont très différentes d'un pays à l'autre. Certains sont en phase de transition, d'autres sont stables, nous ne pouvons pas, par conséquent, standardiser et raisonner de manière globale. Pour ce qui est des projets énergétiques sur lesquels nous travaillons, nous estimons qu'il faut essayer de concevoir un mécanisme de garantie des risques politiques. Il me semble qu'un instrument de risques politiques peut jouer un rôle de levier en termes de réduction du risque beaucoup plus important que certains financements concessionnels. La raison est que cela sera de nature à faire baisser substantiellement le coût du crédit, le coût du capital, les conditions auxquelles les projets peuvent être financés. Nous travaillons sur cette question que nous estimons une piste sérieuse, et c'est une manière de répondre à l'incertitude politique. Prenez l'exemple d'un contrat de rachat d'électricité sur 20 ans où un investisseur privé va construire une centrale solaire. Il va signer un contrat de 20 ou 30 ans, donc un contrat à long terme avec les autorités du pays. Nous réfléchissons à des montages qui garantissent à cet investisseur le respect de ce contrat pour couvrir le risque politique. Quelle est la place des privés dans ces nouveaux partenariats? M. S : Il faut plusieurs conditions. Il faut un cadre, car il ne faut pas séparer le travail sur les projets de celui du cadre de référence. Si nous n'avons pas défini un cadre réglementaire sécurisant et clair dans un domaine aussi complexe que celui énergétique, les privés n'adhèreront pas. Travailler sur la modernisation des cadres législatifs et juridiques est nécessaire. En face, il y a les projets qui peuvent être portés par des institutions publiques ou par des entreprises privées. Entre les deux, il faut créer des instruments, des garanties de financement, qui permettent que les projets se fassent. Nous sommes donc obligés de travailler sur trois dimensions: sur le cadre d'ensemble, sur la génération du projet individuel -qu'il soit public ou privé- et sur les instruments qui permettent de traiter les questions de financement et de risques. D'ailleurs, jusqu'à présent, les institutions finançaient cela parce qu'il y avait un autre cadre politique et juridique. Aujourd'hui, et pour la première fois, l'Union pour la Méditerranée donne le feu vert pour la participation des privés. Nous allons donc voir comment ils vont réagir et exploiter les nouveaux moyens mis à leur disposition. Vous avez discuté avec deux ministres, avez-vous établi un plan de travail pour que cela ne s'arrête pas aux discours ou aux visites de courtoisie? Nous avons convenu que la Tunisie participe à la réunion d'un groupe de travail que nous organisons le 13 septembre avec le représentant tunisien que nous connaissons puisqu'il a participé aux réunions précédentes. Nous n'avons pas établi de dates mais nous avons convenu de multiplier les réunions et de collaborer pour voir comment les relations entre l'UPM et la Tunisie évolueront dans l'avenir.