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Lettres aux Tunisiens
Publié dans WMC actualités le 04 - 08 - 2014


Avant-propos
Ces textes sont une contribution aux travaux d'un comité de réflexion réuni six fois à la Fondation Temimi, du 29 avril au 20 juin 2014, et couronnés par un Livre Blanc (Le Maghreb du 21 juin 2014). La publication de ces lettres a été décidée dès que certains amis ont jugé utile de les porter à la connaissance d'un public plus large. Ainsi pris-je le risque de l'édition, étant toujours acquis au principe qu'il n'y a aucune honte à confronter ses convictions ou ses idées à l'opinion des autres. Les lecteurs jugeront désormais du bien-fondé de leur recommandation, de l'opportunité de la démarche et, donc, de l'utilité de la publication.
Ces lettres sont une énumération d'observations où s'imbriquent le politique, le socioéconomique, le culturel et l'existentiel. Les critiques constateront l'absence d'étanchéité thématique qui est préméditée tant l'idée de départ se limitait à présenter des pistes pour élargir la réflexion et globaliser l'analyse.
Par ailleurs, ils rencontreront au fil des pages certaines réflexions ou extraits de mes précédentes publications et qui se justifient par quelques développements. Qu'ils soient indulgents et compréhensifs…
Paris, le 20 mai 2014
Aux membres du cercle de réflexion à la Fondation Temimi
Le calendrier personnel m'ayant empêché de vous accompagner dans cette deuxième session, j'entreprends d'y participer par cette modeste contribution à distance.
Le premier bilan de nos travaux est à mon sens positif et prometteur. La démarche est claire et se peaufinera à mesure que notre inspiration viendra à notre secours pour améliorer la méthode grâce à un évident effort collectif vers la convergence. Ce qu'il faut améliorer encore c'est la science de la communication, étant établi que « la véritable éloquence consiste à dire tout ce qu'il faut et à ne dire que ce qu'il faut», selon La Rochefoucauld. Une joute de cette dimension ne peut tolérer ni les récits, ni les descriptions, ni les comptes rendus. D'autant que « tous ceux qui écrivent ou communiquent sont capables de faire croire n'importe quoi à n'importe qui. » (Le Clézio). Aussi la direction des débats doit-elle se soucier de la concision pour favoriser l'itération qui est la plus féconde et enrichissante des interactions intellectuelles. Nous nous réunissons donc pour apprendre et intervenir à bon escient ; quand un intervenant cherche à accaparer la parole, il ne peut garantir l'adhésion de l'auditoire, voire sa concentration, ce qui peut déprécier la rencontre.
Il me plait de vous livrer maintenant quelques réflexions dans la perspective d'aboutir à une offre globale et réalisable.
1) Toute notre entreprise ne peut avoir des chances de se concrétiser que lorsque nous décréterons l'urgence de la construction effective de la citoyenneté. C'est le socle qui supportera le projet de société auquel nous aspirons. C'est à mon sens une nécessité absolue et un passage obligé. Sans la citoyenneté et tout ce qu'elle induit comme charges, obligations et responsabilités, toutes les autres actions sont irrémédiablement vouées à l'échec.
2) Le pays ne peut trouver son salut qu'à la faveur d'un solide cordon politique (en arabe rabta siassia). Cela suppose un rapport défini entre les gouvernants et les gouvernés de sorte que les premiers aient la confiance des seconds pour susciter alors leur espoir et ensuite leur adhésion et leur engagement. L'espoir est sans doute le principal moteur de la vie. Lao Tse disait: «Pour survivre, chacun doit s'ingénier à trouver des fissures dans l'infortune pour parvenir à s'évader quelque peu».
3) Le développement durable exige une culture conséquente qui se construit sur trois piliers ; l'éducation, la culture et le sport. Or, aujourd'hui, la famille, l'école, la culture et le sport sont en crise. Une réforme générale urge pour imprégner toutes ces composantes de leurs missions respectives.
4) La réhabilitation d'un Etat fort s'impose à travers une reprise en mains ferme des institutions. Ceci exige également un équilibre entre les acteurs: Etat, société civile, médias et réseaux sociaux. Il est même évident qu'avec l'invasion grandissante des réseaux sociaux, nul ne pourra plus gouverner confortablement.
5) La nécessité de créer un organe qui regrouperait les politiques, les scientifiques et les intellectuels afin de s'organiser de concert pour:
- Faire un état des lieux objectif et réel à partir de lectures et d'interprétations diverses mais dans un souci loyal de convergence;
- Concevoir des programmes à court, moyen et long termes pour armer le pays en vue de ses futurs combats, ainsi que les mécanismes budgétaires, financiers et réglementaires y afférents;
- Créer des structures extra-gouvernementales à l'effet d'assister les pouvoirs publics dans leur gouvernance selon un protocole à arrêter.
6) Ce travail collectif constitue la planche de salut car ces trois collèges sont complémentaires: les intellectuels sont rompus aux questions de la vie et de la civilisation, les scientifiques maitrisent le rapport de l'homme à la nature et les mécanismes de la survie ainsi que les moyens de la production de la richesse, les politiques sont dépositaires d'une délégation du peuple pour transformer les travaux des deux premiers collèges en lois, institutions, programmes et projections. Nietzche disait: «La civilisation n'est pas une question d'accumulation, mais d'architecture et de construction».
Par ailleurs, il est temps pour tous les acteurs de la vie publique de repenser l'action politique à la lumière des développements enregistrés en Tunisie et dans le monde depuis la première crise du pétrole en octobre 1973, pour se limiter à un repère proche et significatif. La géopolitique, la mondialisation, la Révolution en Tunisie et les stratifications sociétales enregistrées dans notre pays ont généré un paysage qui impose aux gouvernants une approche conséquente. Aujourd'hui, nous enregistrons en Tunisie des tendances alarmantes avec :
- Un rapport inquiétant à la liberté laquelle est généralement perçue comme une finalité et non une condition de dignité. Or, les pré-requis de la liberté ne sont pas toujours réunis, surtout quand elle n'est pas adossée à la responsabilité, étant établi que «le bon usage de la liberté produit la vertu; le mauvais usage de la liberté génère le vice». Est-il raisonnable qu'à cause de cet excès de liberté nous consacrons aujourd'hui un effort considérable pour la sécurité au détriment des exigences du bien-être et du développement? En même temps la valeur Travail décline. A ce rythme nous épuiserons notre épargne et irriterons notre solvabilité. Or, «il n'est plus possible de consommer du bonheur sans en créer ou de consommer de la richesse sans travailler». L'essentiel de l'énergie des individus et de la nation est donc consacré à se protéger et non à créer et à construire. A terme, le pays s'expose à davantage de menaces extérieures. Quand un édifice se fissure, il devient une proie facile aux infiltrations. Les nations aussi. Notre concorde et notre union sacrée sont donc les premiers remparts contre l'interventionnisme des Etats ou des institutions internationales.
- La démission progressive de la famille accentuée au mois de juillet de chaque année par le départ du domicile parental d'environ 100 mille jeunes ayant entre 17 et 21 ans pour cause d'orientation universitaire ou d'échec scolaire, ce qui les éloigne de toute autorité et les expose aux tentations diverses de la société et aux récupérations criminelles ou idéologiques d'autant que la course vers l'argent, licite ou illicite, fragilise les âmes et dilue les consciences. A titre indicatif, au service de la maternité de l'hôpital de Kairouan, toute une aile est réservée aux étudiantes enceintes et qui ne peuvent rentrer chez elles dans les gouvernorats du centre et sud-ouest jusqu'au terme de leur grossesse.
- La progression inquiétante du secteur informel au détriment du secteur structurel, que ce soit commercial ou industriel, ce qui pénalise en outre l'Etat dans ses ressources fiscales. Cette situation est réellement suicidaire, marque la désolidarité entre les Tunisiens et compromet toute perspective d'un vivre ensemble harmonieux et paisible. Il n'est plus possible de tolérer que plus de la moitié des Tunisiens prônent l'évasion fiscale tout en bénéficiant des prestations financées par l'autre partie qui s'acquitte de ses devoirs envers l'Etat.
De même, il est inadmissible que la population continue à fragiliser l'Etat par les sit-in, les grèves infondées ou des actes d'insubordination et de désobéissance tout en exigeant de ce même Etat de résoudre tous ses problèmes: éducation, santé, emploi, infrastructure, etc. Pourtant, «la politique est tragique: elle demeure ce prélèvement obligatoire sur nos jouissances individuelles sans lequel la liberté dépérit et l'humanité désespère», disait le chroniqueur du Nouvel Obs. Jacques Julliard
- La propension de la population pour la consommation excessive qui frôle le gaspillage notamment pour les produits compensés (alimentation, carburants, eaux et électricité) ou importés (électroménager, automobile, téléphonie et informatique), ce qui déséquilibre lourdement la balance de paiements et prive l'investissement de ressources substantielles. A titre indicatif, la téléphonie coûte aux ménages, en dehors du financement des appareils, entre 6 et 7 milliards de dinars de consommation par an, portant ainsi préjudice à des secteurs vitaux comme l'agriculture, l'industrie, l'habillement, le commerce et certains services. Il est déplorable de constater que des centaines de milliers de Tunisiens sont passés de l'indigence à la technologie sans connaître la civilité. Sauter du dénuement au numérique ne peut que provoquer un choc parfois désastreux pour l'individu et pour son entourage. Dans cet esprit, la nouvelle tendance vise à 1) posséder 2) dominer 3) éliminer, soit trois manifestations latentes de la violence car ne pas y parvenir génère des comportements dangereux, voire nocifs pour la société.
- L'absence de notion de dette envers le pays chez les jeunes ce qui les prive de l'amour du travail, de la solidarité et de l'altruisme sans préjuger des conséquences nocives des frustrations et des injustices nées de l'inégalité des chances ou de l'enrichissement rapide et du déséquilibre entre les générations ou entre les régions. Et là c'est la circulation généralisée de l'image qui a aggravé le décalage, ce qui a consacré une nouvelle norme: le gain est le critère exclusif de la réussite sociale alors que «l'homme doit se soucier de ce qu'il est et non de ce qu'il a», selon Socrate. Peut-on dès lors contester que la vie de l'homme doive s'articuler autour de trois moteurs: la santé, l'équilibre et l'émotion?
Dans un contexte aussi chargé et incertain, le rôle des politiques se complique, et sans le concours loyal de tous, ils sont condamnés à l'échec. En janvier 2011, j'écrivais dans la Révolution des Braves: «Le projet Démocratie est une œuvre collective. C'est un nouveau-né prématuré ayant subi l'accélération de l'Histoire. Il est encore sous couveuse. Aidons-le à en sortir indemne pour que, demain, le nourrisson puisse progressivement distinguer les voix, les visages et les couleurs. Bébé, il suscitera le plaisir et la curiosité de voir sa première dent et son premier pas ou d'entendre ses premiers balbutiements. Accordons donc toute notre attention à la couveuse pour offrir au nouveau-né les chances de sortir à l'air libre vivant et sans aucun handicap. En même temps, prenons soin de sa mère, c'est-à-dire la patrie, qui est souffrante et qui aspire légitimement à un prompt rétablissement».
Plus de trois ans après, le nouveau-né est toujours sous couveuse et la Tunisie retient toujours son souffle pour que la couveuse ne soit pas trouée afin d'entretenir une chance de survie.
En conclusion, j'avoue que comme toute personne qui se respecte ne pas tout savoir et que je cherche toujours à apprendre. Là où je me suis trompé ou égaré, votre éclairage et votre bienveillance seront pour moi d'un grand secours, d'autant que j'ai constamment confronté mes convictions à l'opinion des autres. «Pour être vrai, il importe de ne pas avoir une image de soi et ne pas craindre de laisser voir le peu qu'on est», disait Charles Juliet. Ayons donc tous de l'humilité et la conscience de nos limites. En même temps, œuvrons à nous enrichir de ce que notre environnement le plus large nous enseigne pour en faire profiter à notre tour le plus grand nombre par une synthèse subtile et féconde, aujourd'hui, demain et après-demain. «Entre le passé où il y a notre mémoire et l'avenir où il y a notre espoir, il y a le présent où il y a nos devoirs». Et le strict exercice de nos responsabilités.
Plus de trois ans après la Révolution, nous continuons «à nous chamailler pour des évidences» (Selma Negra) alors que le Temps est une valeur précieuse qui nous dévore. La compétition, faut-il le rappeler, n'est plus entre le fort et le faible mais entre le rapide et le lent. Espérons que le tamis nous offrira à brève échéance une Tunisie plus sereine, plus convergente et, surtout, plus travailleuse. Il est temps de mettre à profit les avantages d'une révolution: restaurer, mettre à niveau et fonder sur des bases solides. A condition d'agir vite et concomitamment pour sauver ce que nous fonderons de la contamination des toxines matérielles et mentales héritées.
Et en définitive, quelle voie peut-on explorer pour que cette révolution soit une aubaine et non une malédiction afin d'aider les Tunisiens à vivre avec leur temps sans perdre leur âme?
NB/ Je vous fais l'économie des déchirements ininterrompus vécus par les membres de ma famille, chacun dans son domaine (l'enseignement, pour mon épouse, le développement informatique, pour mon fils aîné, et la Santé publique, pour mon fils cadet), outre le souvenir de mon ancien calvaire au sein d'une banque publique où j'ai constaté et, parfois, combattu, les dérives du système, sans évoquer les hypocrisies rencontrées dans le journalisme où j'ai aimé contribuer sans en faire un métier pour sauvegarder mon indépendance, ma liberté et mon âme.
A suivre…
Rappel à toute fin utile : «Tous ceux qui écrivent ou communiquent sont capables de faire croire n'importe quoi à n'importe qui».


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