L'Association des Tunisiens des Grandes Ecoles 'ATUGE'', dans le cadre de ses 'Mardis de l'ATUGE'', a convié à ses membres et autres spécialistes -géologues, universitaires, dirigeants d'entreprises et anciens dirigeants de grandes entreprises publiques opérant dans l'énergie, consultants, journalistes de la place- à une conférence/débat sur le thème : ''Géostratégie et Stratégie énergétique, positionnement de la Tunisie''. Un thème on ne peut plus actuel et qui, bien entendu, suscite beaucoup de débats. Le conférencier était M. Kais Dali, ingénieur de formation, diplômé de l'Ecole Polytechnique de Paris et des Ponts et Chaussées à seulement 22 ans. Sa conférence d'une heure fut suivie d'un débat riche intense autour de la thématique du lien entre géostratégie internationale, régionale et impact sur la politique énergétique en Tunisie à moyen terme. Il faut dire que le thème de cette conférence-débat proposé par l'ATUGE n'est pas le fait du hasard, puisque l'actualité brûlante caractérisée par la hausse vertigineuse des prix du baril de pétrole depuis 2005 ayant engendré les mutations profondes du secteur énergétique à l'échelle internationale avec leurs corollaires de mesures à l'échelle nationale pour y faire face. Dans sa présentation, M. Dali a fait le contour de la problématique énergétique mondiale, que ce soit au niveau des Etats ou des firmes multinationales. Il soulignera, entre autres, en substance que le pétrole étant une ressource importante pour les économies des différents pays du monde, sa raréfaction entraînera une crise économique pour les pays n'en disposant pas en quantité suffisante ou ne pouvant pas remplacer le pétrole par une autre source d'énergie. C'est pour cette raison qu'on voit sur la scène internationale, depuis quelques années, les Etats-Unis, le premier consommateur mondial d'hydrocarbures, mener des opérations militaires ou de lobbying dans certaines parties du monde de manière à y occuper une position favorable. De son côté, la Chine, deuxième consommateur mondial, est très active dans les régions productrices. C'est ainsi que Pékin a construit un oléoduc traversant son territoire jusqu'aux portes de l'Asie centrale, et investi des sommes colossales dans les nouveaux gisements d'Asie centrale, d'Iran et d'Afrique ; sans oublier l'Amérique latine ''De ces politiques de pré positionnements durs (Etats-Unis) ou doux (Chine), le continent africain est en train de voir sa cote réévaluée, au point d'attirer toutes les puissances à son chevet avec une réorientation de la stratégie russe en Afrique''. Pour ce qui est de la Tunisie, sa croissance économique forte est historiquement liée au pétrole. Le pic des découvertes de pétrole en Tunisie a été atteint en 1961, alors que le pic de la production de pétrole a été en 1970, tandis que la date prévue du mi-point de l'épuisement du pétrole a été l'année 1998. En 2005, les produits énergétiques ont représenté 13% de nos échanges commerciaux. Leurs importations ont été de 2.267,7 millions de dinars contre des exportations de 1.757,3 millions de dinars, soit un taux de couverture de l'ordre de 77.5%, contre un taux global de couverture (Export/Import) de 79.6%. En 2006, à cause de la hausse continue des prix du pétrole et la baisse relative de nos ressources en pétrole, cette dépendance énergétique vis-à-vis de l'étranger s'est accentuée. Concernant la production nationale actuelle de pétrole, elle se situe aux alentours de 70.000 bbl/d. Un taux de 70% de tout le pétrole est produit à partir de six concessions principales : EL Borma, Ashtart, Oued Zar, Adam, Didon et Miskar ; le restant est produit à partir de 25 autres petites concessions. Quant à la production nationale de gaz destiné à la vente, elle est actuellement de 6.6 MNm 3 / d, provenant principalement du gisement de gaz de Miskar (mer méridionale : 5.1 MNm 3 / d), et d'autres petits champs (gisements de gaz de EL Franig/Baguel/Tarfa, d'Oued Zar/Hammouda et gisement de pétrole de EL Borma (gaz associé). Pour ce qui est réserves nationales restantes d'hydrocarbures, elles sont actuellement estimées à 697 millions de boe réparties entre Pétrole : 367 millions de boe (53%) et gaz : 330 millions de boe (47%). Rappelons que 36 compagnies pétrolières (tunisiennes et internationales) sont impliquées dans 33 permis d'exploration (23 terrestres et 10 en mer) en Tunisie. Débats Comme l'on pouvait s'y attendre, les débats ont principalement porté sur les volets géostratégique et politique énergétique en Tunisie. Sur le premier point, les débats se sont focalisés sur la cristallisation des quatre stratégies au niveau international relative à quatre blocs homogènes à savoir : l'Occident, la Chine, l'Inde et le monde arabo-musulman. Bien entendu, s'il n'y a aucune équivoque quant à la dénomination des deux premiers blocs, en l'occurrence 'Occident'' et 'Chine'', par contre, on peut se demander si l'Inde et le monde arabo-musulman peuvent être qualifiés de blocs en termes de stratégie ou géostratégie. Certes, l'Inde a mis en place une stratégie nationale basée, essentiellement, sur le développement des technologies de la communication, mais sur le plan international, le pays est quasi absent, pourrait-on dire. Quant aux pays arabo-musulmans, le seul point commun et encore- qui existe entre eux, c'est la religion. Sur le plan international, ces pays agissent individuellement ou presque- ; c'est le chacun pour soi. A titre d'exemple, les pays musulmans producteurs de pétrole ont-ils proposé aux autres pays démunis un 'pétrole solidaire'', comme l'a fait Hugo Chavez au Venezuela ? La réponse est non. Ont-ils une position commune sur des questions internationales qui touchent à la communauté arabo-musulmane ? Voilà donc entre autres raisons qui nous poussent à considérer que le monde arabo-musulman n'est pas un ensemble au sens stratégique du terme. Enfin, concernant le volet stratégie énergétique tunisienne, la production, la transformation et les perspectives d'avenir de l'énergie en Tunisie ont été les éléments essentiels du débat proposé lors de cette rencontre. Ainsi la stratégie énergétique tunisienne été débattue à travers deux points. Le premier a porté sur les gisements et le rythme des découvertes actuelles de champs pétrolifères et de gaz, tandis que le second a concerné les énergies renouvelables (les énergies fossiles ont accaparé une très grande place dans les débats) : l'éolien, le solaire, le nucléaire et les autres formes de cogénération. Il a été surtout question des échanges sur la rentabilité économique et financière des différents procédés. ----------------------------- A propos des 'Mardis de l'ATUGE'' : Depuis 2 ans déjà, l'ATUGE Tunisie propose, dans le cadre des 'Mardis de l'Atuge'', des thèmes de conférences et débats ayant couvert plusieurs aspects des activités humaines, culturelles, sociales et économiques du monde et de la Tunisie. De la recherche scientifique (avec Pr Zohra Belakhdhar), de l'impact du processus Euromed (avec Radhi Meddeb), du financement du développement (avec l'AFD), de la gestion des risques (avec Pr Elyès Jouini), du rôle de l'ingénieur dans l'industrie tunisienne (avec Fakher CheikhRouhou), de l'exemplarité du parcours des élites maghrébines en France et la diversité culturelle (avec Hakim El Karoui), du dialogue des cultures (avec Pr Mongi Bousnina), de la crédibilité de la politique financière (avec Pr Michel Aguelietta), du réchauffement climatique et gaz à effet de serre (avec Pr Khalil Hélioui), de la télécommunication de 3ème génération avec (Pr Mongi Marzoug), ce sont tout autant de sujets traités lors des 'Mardis de l'Atuge'', inspirés par le parcours exceptionnel de personnes de haute qualification qui les ont animés, par une actualité parfois brûlante et par une volonté de projection la plus maîtrisée possible dans un avenir de plus en plus incertain. Les Mardis de l'Atuge se veulent un must de la vie de l'Association où la richesse des débats et la qualité de la contribution des conférenciers se trouvent au service des objectifs premiers de l'Atuge : Un cadre d'excellence, amical et où les échanges visent la contribution au développement de la Tunisie et son intégration régionale et internationale.