Des végétaux indigènes pour subvenir aux besoins alimentaires des Africains Par Tallel BAHOURY
La conclusion d'un rapport publié le 31 octobre 2006 par le Conseil national de la recherche, qui relève de l'Académie nationale des sciences des Etats-Unis, est sans appel : 'Une étude scientifique des végétaux indigènes de l'Afrique pourrait permettre de découvrir les moyens de subvenir aux besoins alimentaires d'une population en expansion et de susciter un développement durable. Jusqu'ici ces végétaux, qui sont pour la plupart des légumes, ont été en général négligés et jugés moins utiles que les légumes mieux connus provenant d'autres parties du monde qui sont répandus dans le continent africain''. Pour certains, cela pourrait être un appel d'air bien venu des forêts africaines. D'autant plus que l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), estime que l'Afrique subsaharienne compte actuellement 206 millions d'habitants qui souffrent de sous-alimentation, soit 40 millions de plus que pendant la période 1990-1992, et c'est la partie du monde qui a le plus de difficulté à remplir l'objectif du Millénaire en matière de réduction de la faim chronique, soulignait récemment le directeur général de la FAO, M. Jacques Diouf, dans un communiqué de presse diffusé le 30 octobre. La publication du rapport des scientifiques américains n'est pas le fait de hasard, car des délégués de 120 pays se sont réunis la semaine dernière (du 29 octobre au 4 novembre) au siège de la FAO à Rome pour examiner les progrès obtenus en ce qui concerne la réalisation de l'objectif fixé en 1996 et visant à réduire de moitié d'ici à 2015 le nombre de personnes sous-alimentées dans le monde. Dans son deuxième rapport sur l'évaluation des ressources végétales africaines susceptibles d'améliorer la production vivrière en Afrique, le Conseil national de la recherche indique que l'accroissement de la culture des légumes indigènes serait avantageux en particulier pour les Africaines, car celles-ci constituent une forte proportion des agriculteurs. Intitulé «Lost Crops of Africa : Volume II : Vegetables», c'est-à-dire 'Les cultures oubliées de l'Afrique - Volume II : les légumes'', ce rapport porte sur 18 légumes qui sont «assez résistants pour pousser dans un sol pauvre» et qui sont «bien adaptés aux petites parcelles et aux ressources limitées des villageois». Ces légumes, que de nombreux Africains consomment encore, mais pour lesquels on dispose de peu d'informations scientifiques, sont : - l'amarante, une plante verte consommée dans les basses terres humides de l'Afrique, - le pois bambara ou voandzou, légumineuse qui produit des graines riches en fécule, en protéines et en huile et qui pousse dans les régions arides et très chaudes, - le baobab, dont les feuilles contiennent des protéines, des vitamines et des minéraux et peuvent être séchées pour une consommation ultérieure, - le niébé ou dolique, légumineuse qui pousse également dans des régions arides et que consomment quelque 200 millions de personnes, - les pommes de terre indigènes, plus petites que de nombreuses pommes de terre vendues dans le commerce, mais qui contiennent deux fois plus de protéines, - l'okra ou gombo, plante à rendement élevé qui résiste à de nombreux parasites et maladies et qui s'adapte à diverses conditions climatiques, - le karité, arbre dont le fruit donne une graisse végétale solide servant à renforcer le goût et la digestibilité de plats régionaux et à produire des produits de beauté vendus dans le commerce. Les autres variétés sont pour la plupart des légumineuses et des tubercules. On apprend également que, dans les prochains mois, l'Académie nationale des sciences compte rendre public un troisième rapport qui portera sur les fruits indigènes de l'Afrique ; Le premier qu'elle a publié en 1996 avait trait aux céréales indigènes africaines. Toutefois, il y a fort à parier que les Africains ne tiendront compte des conclusions de ce rapport, car ils vont considérer cela comme synonyme de sous-développement. Pour s'en rendre compte, il suffit de faire une visite dans les marchés populaires en Afrique, et on constatera que la population est beaucoup attirée par les produits industriels venus d'ailleurs que les produits locaux Alors que des statistiques montrent que le niveau de vie des Africains qui se nourrissent beaucoup plus des végétaux que d'autres aliments industriels est plus élevé que les autres. Quoiqu'il en soit, il faut féliciter les scientifiques américains qui ont réalisé cette étude dont les conclusions devraient être expliquées long en large aux dirigeants africains dont certains prendraient conscience de cette nécessité, et qui, par voie de conséquence, mettraient des mesures d'encouragement en ce sens.