L'UMA dans le regard des autres Par Moncef MAHROUG
Autant sinon plus que les Maghrébins eux-mêmes, les observateurs étrangers s'étonnent du paradoxe maghrébin : des atouts favorisant l'intégration régionale et un bilan quasiment nul sur ce plan. «Les réalisations en termes d'intégration régionale maghrébine ne sont pas encore à la hauteur des possibilités de la région». Ce constat de Mme Valentine Rugwabiza, directeur général adjoint de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) est revenu comme un leitmotiv durant la 21ème édition des Journées de l'Entreprise (1-2 décembre 2006, Port El Kantaoui), principalement dans la bouche de personnalités étrangères. Celles-ci sont convaincues, à l'image de M. Senén Florensa, président de l'Institut Euro-Méditerranéen (IEMED), à Barcelone, que «si les pays maghrébins réalisaient leur intégration, ils pourraient devenir le nouveau tigre de l'économie mondiale». Pour souligner le fait que ce scénario n'est nullement hypothétique, le président de l'IEMED rappelle que dans les années soixante, les pays asiatiques n'étaient pas mieux lotis que les pays maghrébins. Toutefois, les premiers ont eu le mérite de «libéraliser leurs économies pour partir à la conquête des marchés mondiaux, au lieu de se réfugier dans le protectionnisme», quand le processus d'industrialisation par compensation des importations a montré ses limites, analyse M. Florensa. Le Maghreb a donc d'indéniables atouts qu'énumère le directeur général adjoint de l'OMC : une population de 82 millions d'habitants «jeune dans une large proportion», un PNB de 224 milliards dollars, d'importantes ressources énergétiques, quelques secteurs industrielles (textile, agriculture, etc.), un secteur des TIC «en pleine croissance», une proximité économique et géographique de l'Europe «l'un des grands membres de l'OMC», et «une intégration de plus en plus importante dans le système commercial multilatéral». Pourtant, et malgré ces atouts, le Maghreb est l'une des régions les moins intégrées et, surtout, celle dont le commerce entre ses membres est le plus faible au monde, puisque ne représentant que 2% de leurs échanges internationaux. Une situation qui n'étonne guère M. Mustapha Nabli, économiste en chef et directeur «Développement économique et social MENA» à la Banque mondiale. Qui se rappelle avoir fortement choqué l'auditoire de l'édition des «Journées de l'Entreprise » de 1987, lorsque l'universitaire qu'il était a suggéré un schéma prévoyant la réalisation de l'intégration maghrébine sur une période de 35 ans. Or, constate-t-il, du haut de la tribune, «vingt ans plus tard» rien n'a été fait dans ce domaine. Ce non-Maghreb a un coût que M. Florensa estime à 4,6 milliards d'euros par an «en termes d'exportations et d'IDE». Le Maghreb a besoin de doubler son taux de croissance, souligne le président de l'IEMED. Mais «cela ne peut pas se faire dans le cadre actuel». Pour atteindre l'objectif d'une croissante plus forte, les pays de la région doivent poursuivre la libéralisation de leurs économies «avec plus de force», «réaliser l'intégration économique maghrébine, et moderniser la gouvernance». Toutefois, le commerce inter-maghrébin n'est pas le meilleur moyen d'y parvenir, observe l'économiste en chef et directeur «Développement économique et social MENA», à la Banque mondiale. M.Nabli propose plutôt de tabler dans le cadre d'une intégration de l'UMA à l'Union européenne- sur une libéralisation des services. Mais, tempère le responsable de la Banque mondiale, celle-ci est très difficile à faire et «on en est encore en deçà de ce qui doit être fait dans ce domaine». D'ailleurs, d'une façon générale, un profond fossé sépare encore le discours pro-maghrébin des pays membres de l'UMA, de leur comportement dans la réalité de tous les jours. Un responsable de la société PMGI, basé en Tunisie, en sait quelque chose, qui a témoigné de son expérience dans ce domaine, durant les Journées de l'Entreprise. Pour une société opérant à partir de la Tunisie, il n'est pas évident de travailler au Maroc ou en Algérie, car le problème de la confiance se pose et on y préfère travailler avec un Européen», affirme-t-il. Avant d'asséner : «Dès que j'exhibe ma carte de visite de la maison-mère, les portes s'ouvrent plus facilement». En conséquence de quoi, PMGI Tunisie a décidé de recruter des Algériens et des Marocains pour les charger de la prospection commerciale dans leurs pays respectifs.