Le challenge de la création d'une marque et d'un label ! Par Tallel BAHOURY
Fondée en 2004, Agora International est une société de commerce international spécialisée dans la promotion et la vente des produits tunisiens et méditerranéens sur des nouveaux marchés à l'échelle internationale sous son propre nom de marque «Sultan's Finest Food». Selon Mme Rym Bedoui, la fondatrice d'Agora International, les produits visés actuellement sont essentiellement la chamia, les dattes et bientôt l'huile d'olive, mais la tâche est loin d'être aisée. Ainsi, 'il nous est indispensable de développer une marque, un label '', dit-elle. D'un autre côté, la stratégie choisie par l'entreprise, pour le moment, est de ne pas être dans l'industrie mais de sous-traiter auprès d'industriels locaux ; étant précisé que, contrairement aux autres sociétés de commerce international, Agora International n'a pas de produits en stock à vendre : 'nous essayons de définir ou de susciter des besoins, et en fonction du feedback que nous recevons, soit nous commandons le produit sur le marché tunisien, soit nous le faisons fabriquer, et nous l'adaptons aux normes internationales, puis nous le vendons''. En fait, 'nous procédons comme dans le cas de Coca Cola qui, aujourd'hui, ne possède aucune usine dans le monde en son nom propre ''. Ce qui semble bien lui réussir, car, grâce à une politique de marketing d'un genre nouveau chez nous en tout cas- l'entreprise a pu pénétrer certains marchés qu'on estime difficiles voire lointains, notamment celui de l'Amérique du Nord. Mais pas seulement, d'autant plus que Agora International a vendu, au Maroc, en France, au Liban, en Jordanie, au Koweït, L'autre singularité d'Agora International, c'est de se placer sur des marchés haut de gamme, c'est-à-dire ceux des pays où le pouvoir d'achat est très élevé. 'De ce fait, ma politique est de développer des produits tunisiens avec une très haute image de marque du point de vue qualité''. Et si le volume d'activité de l'entreprise n'est pas encore important, c'est parce que le management d'Agora est à l'étape du référencement, puisqu'il s'agit d'un concept nouveau, comme par exemple la chamia Halva en barrettes. Le référencement est quelque chose de très important, souligne Rym BEDOUI, puisqu'il est à la fois gage de sérieux et de pérennité. Alors certains se demanderont pourquoi cette femme a choisi des marchés difficiles d'accès avec des produits qu'on trouve un peu partout dans le monde. Voici sa réponse : 'J'ai eu l'occasion dans le passé de visiter plusieurs pays, une trentaine au total, ce qui m'a permis de développer le marketing et surtout de comprendre les habitudes de consommation de ces pays ''. Sans oublier qu'elle a également effectué plusieurs études de marché, ce qui lui a permis de connaître des données ou informations essentielles, à savoir par exemple qu'au Koweït, le consommateur dispose d'un budget de 80 dollars (soit environ 25 dinars koweïtiens) par mois et par habitant à dépenser dans la confiserie. 'Sachant cela, on se dit qu'il y a quelque part un pouvoir d'achat assez élevé, mais des gens qui demandent un bon packaging, un produit haut de gamme, un choix, une variété. Voilà le genre de cible que je vise'', explique-t-elle. Ce qui fait que, en tant que société de commerce international, Agora International surveille de très près la qualité des produits de ses fournisseurs, 'car dès que la qualité du produit est moyenne ou carrément mauvaise, cela retombe automatiquement sur vous, c'est-à-dire que toute réclamation produit arrive chez vous et non chez le fabricant''. Autrement dit, il est indispensable d'établir avec son fournisseur un contrat précis afin de garantir la qualité du produit livré. A partir de là, Mme BEDOUI avance quelques conseils à l'attention des jeunes qui veulent se lancer dans le commerce international, en leur disant que le plus difficile n'est pas de trouver un marché mais de livrer un produit de qualité et qui réponde à un besoin du marché. Par exemple aux Etats-Unis, la façon de procéder est simple : vous ne voyez pas vos clients, vous passez essentiellement à travers un réseau d'agents représentants ; et quand vous n'honorez pas vos engagements, vous n'aurez pas une seconde chance Par ailleurs, on détruit immédiatement vos produits à vos frais car les risques de poursuites légales des consommateurs sont trop importants, souligne-t-elle en substance. Par ailleurs, Agora International a bénéficié du FAMEX. Cela a été très facile, reconnaît Mme BEDOUI, 'car nous savions exactement ce que nous voulions, ce qui fait que, dès que le FAMEX a vu notre plan marketing, le déblocage du fonds a été rapide'', précise-t-elle. En clair, 'le fonds du FAMEX a servi à tout ce qui est confection des emballages (le pocket sise 20 g), à la campagne relation presse aux Etats-Unis, confection d'une brochure adaptée au format américain ; on a aussi fait participer à une foire à l'aide du soutien du FAMEX et nous avons également organisé un test de dégustation aux Etats-Unis ''. Au final, ce que certaines entreprises dépensent en trois ans, Agora International l'a investi en trois mois. Avec ces actions, l'entreprise a déjà commencé à se faire un nom, puisque, en mai/juin dernier à Paris, le World Food News a mis Agora International en première page (à la une) ; le magazine professionnel de la confiserie aux Etats-Unis a publié à la rubrique 'Nouveautés'' des informations sur les produits Agora. Sur le marché américain, l'entreprise a été référencée par certaines centrales d'achat C'est dire ! Comment évaluez-vous ce qui se passe en Tunisie au niveau des entreprises ? Avec le Programme de mise à niveau, souligne-t-elle, on peut dire que les entreprises tunisiennes ont fait énormément de progrès au cours des dix dernières années Par exemple, il y a quelques années, les épices ne se vendaient que sur des sachets basiques, mais maintenant on les voit dans des contenants très variés avec une excellente présentation dans les supermarchés. Il y a aussi les plats surgelés, où un grand effort a été fait De leur côté, les industriels de biscuits ont fait un énorme effort en matière d'emballage ; sans oublier les produits détergents comme l'eau de javel ou les cosmétique tant au niveau de la gamme que de l'emballage. Ceci dit, il y a beaucoup de choses qui restent à faire, mais on y arrivera. Mais concernant les nouveautés en matière de produits, Mme BEDOUI estime qu'on pourrait innover plus et prendre des risques en Tunisie, d'autant plus qu'aux Etats-Unis par exemple, il y a chaque année près de 18.000 nouveaux produits qui arrivent sur le marché ; en France et en Europe en général, c'est aux alentours de 35.000 produits (en comptant les nouveaux packagings). Autre conseil, avec la dynamique de l'innovation, il ne faut pas oublier d'enregistrer sa marque et de déposer son modèle en Tunisie et à l'international. C'est un coût supplémentaire essentiel pour la pérennité de l'entreprise et de la marque.