Rym Bedoui est une jeune femme de 35 ans. Chaleureuse, ouverte et fraîchement mariée; son nom revient en boucle dans les milieux professionnels et associatifs. Et pour cause ? Elle est l'une des rares à avoir réussi aux USA. Elle crée une société de commerce international spécialisée dans la promotion et la vente des produits tunisiens et méditerranéens sur de nouveaux marchés, sous son propre nom de marque «Sultan's Finest Food» et décide rapidement de produire ce qu'elle exporte, histoire d'être plus sûre de la qualité qu'elle met en avant. Elle développe, dans l'agroalimentaire, une marque qui prend de plus en plus de visibilité et vient de gagner le concours tunisien du packaging en 2008. Rares sont ceux qui s'étonnent du chemin qu'elle a parcouru en si peu de temps. Encore plus rares sont ceux qui ne s'attendent pas à ce qu'elle fasse de grandes réalisations. "C'est une vraie travailleuse", lui reconnaît-on aisément. «Elle ne peut qu'aller loin» ou «c'est un sacré caractère !» sont d'ailleurs les commentaires qui fusent à son propos. Rym est une bûcheuse, à qui le travail n'a jamais fait peur. Son esprit d'entreprise la mènera aux portes de bien des aventures et des opportunités qu'elle saura saisir. Grâce à un père diplomate, elle visitera plus de 26 pays, et développera un système de débrouillardise composé d'exigences, d'organisation et d'esprit d'initiative. Elle reconnaît aisément que voyager ouvre l'esprit et cela deviendra sa boussole personnelle. Exigeante et assurément douée, Rym financera ses études et se découvrira une dimension insoupçonnée d'acharnée qu'elle ne sondait absolument pas. A un moment dans sa vie, elle travaillera et étudiera à temps plein pour décrocher son MBA. Ce qui la fait courir aujourd'hui ? «C'est de faire au mieux, être en harmonie avec moi-même, fière de mon parcours et de moi à chaque fin de journée. Voilà ce qui me fait courir ». Elle reconnaîtra non sans difficultés, que son objectif est de «réussir et d'atteindre ses objectifs avec une usine en croissance. J'aspire à devenir une multinationale. Ce n'est pas compliqué, il suffit de travailler ». D'ailleurs, Rym Bedoui affirme ne pas avoir réussi, du moins pas encore ! «Nous avons tout à prouver. Dans d'autres pays c'est tellement plus difficile d'entreprendre. Nous n'avons aucune excuse. Le tout est de fonctionner "out of the box" comme disent les Américains». Vous l'aurez vite compris, la jeune femme n'a pas réussi, en ce sens où il faut saisir toute la dimension, qu'elle donne au terme réussite. Mika Ben Miled, fondatrice des «Editions Cartaginoiseries», elle, est une intuitive. Se définissant comme une technicienne et non comme une artiste ou une intellectuelle, sa vie sera guidée par sa curiosité, ses rencontres et ses coups de cur. Arrivée de son Marseille natal en Tunisie en 1963, elle se prendra de passion pour ce pays et travaillera dans l'univers du cinéma et de la télévision durant de nombreuses années. Vivant dans la médina de Tunis durant des années, elle se souvient que «Dès le début, cela m'épouvantait que des objets précieux et rares commencent à disparaître à grande vitesse. Je voyais le patrimoine tunisien se disloquer devant mes yeux et l'idée de créer une boutique dans la médina en y regroupant des objets d'exception a commencé à germer dans ma tête. "El Hanout" est née de cette démarche. J'ai entre temps vendu mes parts dans la boutique qui a fêté il y a peu de temps ses 20 ans». La marque continue de présenter un artisanat tunisien de grande qualité. Pour Mika, réaliser des choses est essentiel à sa vie et à son épanouissement : «J'ai besoin d'être dans la réalisation pour être vivante». Il faut dire qu'en ces temps là, les choses étaient plus faciles. Elle précise que «La Tunisie te pousse à réaliser. Il y avait à l'époque un foisonnement tel qu'on pouvait tout y faire, ou que l'on s'imaginait pouvoir tout créer, faire et réaliser». Mika définit sa force dans une forme de "flair inconscient" et «reconnaît avoir une idée toutes les 3 secondes, tout en ne réfléchissant pas ou peu». Elle développera, au gré des rencontres qu'elle effectue, des concepts innovants autour du patrimoine avec notamment une série de publications de référence avec les «Editions Alif». Auteur d'un livre autour de la chéchia, Mika est une «femme à dadas» au charme fou qui laisse difficilement insensible. Passer du temps en sa compagnie est un réel plaisir. Entre une cigarette et une autre, on sent battre le cur d'un pays dynamique où tout est à construire et à reconquérir. Mika Ben Miled possède depuis quatre ans sa propre maison d'éditions et évolue dans un univers difficile. Un univers, "où les gens achètent très peu de livres et les bibliothèques encore moins". A ce jour ses «éditions Cartaginoiseries» ont édité 14 livres. Le dernier étant «Les intellectuels carthaginois» de Paul Monceaux avec une présentation de Leila Sebaï. Leila Boufaied, la soixantaine passée, a créé «Pako» (passementerie de luxe) un peu sur un coup de tête et beaucoup par besoin de liberté. «C'est durant un dîner avec des amis que j'ai provoqué l'opportunité. Je suis gestionnaire et travaillais dans l'administration mais et n'y connaissais rien à l'entrepreneuriat ni à la passementerie, mais j'étais sûre d'une chose : ne pas rester sans travailler ». Son besoin d'indépendance sera primordial dans son choix et elle découvre rapidement que cet univers est certes porteur mais exigeant. Il requiert une expertise et un savoir-faire très pointus. C'est en fait un univers similaire à la broderie et se trouve du coup plongée dans le 100% fait main, au cur de l'artisanat. «Imaginez-vous que pour faire une passementière de grande qualité il faut près de 3 ans ? Aucune machine au monde ne peut faire ce travail d'assemblage et de précision. J'aime la production, et la création au quotidien me passionne». Au cours de son parcours, Leila Boufaied travaille avec des décorateurs pour les endroits les plus prestigieux du monde, à commencer par le palais de Carthage. Elle rajoute qu'évoluer "dans un univers du sur mesure, de la commande et de la pièce unique la place au cur du luxe". Atteignant à l'export près de un million huit de dinars en 2007, son chiffre d'affaires dépend de la politique. «Au lendemain d'une guerre ou d'une crise, notre chiffre d'affaires s'en ressent», précise Mme Boufaied. Autour d'elle et dans les nombreuses associations au sein desquelles elle milite, on l'a baptise «la dame de fer». Sacrée meilleure femme chef d'entreprise par la revue «L'Expert» en 2006, elle a présidé au destin du concours national "El Khomsa d'OR". Mme Boufaied reconnaît qu'entreprendre au féminin vers la fin des années 70 était plus complexe qu'aujourd'hui. "Aujourd'hui, les structures et les mentalités sont prêtes. Les femmes pénètrent dans tous les univers et la femme tunisienne a su s'imposer". Fréquentant les instances internationales à travers l'Association Mondiale des Chefs d'Entreprise, elle constate "qu'aujourd'hui nous avons les mêmes difficultés que les femmes entrepreneurs aux USA, en Europe ou ailleurs". 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