Curieux conseil, non ? Souvent, le commun des mortels se perd dans les raisonnements des économistes. En effet, alors que les droits de douanes constituent une source d'entrée d'argent précieuse pour certains pays, la Banque mondiale vient de rendre publique une monographie aux antipodes de cette idée. Selon cette étude, intitulée 'Agricultural Trade Reform and the Doha Development Agenda'', l'abolition des tarifs douaniers, des subventions et des programmes de soutien interne permettrait de dégager des gains de près de 300 milliards de dollars par an d'ici 2015 soit 30.000 milliards de dollars au cours des dix prochaines années- pour améliorer le bien-être du monde. Ce qui voudrait dire en d'autres termes : coupez vos digues de protection, le ciel vous bénira''. D'ailleurs, mêmes les agriculteurs des pays riches France et Etats-Unis en tête- n'admettent pas cette hypothèse. Il suffit de les voir mettre la pression sur leur gouvernement à chaque fois qu'on touche aux subventions qu'ils reçoivent. La PAC n'est-elle pas l'un des blocages aujourd'hui du budget de l'Union européenne Il faut bien noter la coïncidence de la publication de cette étude et l'ouverture du round de Hongkong, du 13 au 18 décembre. Peu importe. En tout cas, les experts de la BM estiment, ni plus ni moins, que 'les deux tiers de ces gains résulteraient de la réforme du commerce agricole, le secteur agricole étant caractérisé par beaucoup plus de distorsions que les autres secteurs. Et Will Martin, économiste principal du groupe de recherche sur le commerce de la Banque, et co-directeur de l'étude d'expliquer que «dans le secteur agricole, le grand enjeu est celui des obstacles à l'entrée aux marchés Des réductions draconiennes des tarifs agricoles généreraient 12 fois plus de gains que l'abolition des subventions à l'exportation et le soutien interne à l'agriculture qui fausse les échanges». Il va plus loin pour souligner que «l'élargissement de l'accès aux marchés agricoles constitue la réforme la plus profonde sur laquelle doivent déboucher les négociations du Cycle de Doha placées sous l'égide de l'OMC». Il n'est pas dans notre intention de contredire des experts confirmés, mais il se pose quand même des questions on ne peut plus fondamentales : Cette ouverture des frontières préconisée par l'institution de Breton Wood ne va-t-elle pas tuer l'agriculture des pays en voie de développement qui, pour la plupart d'entre eux, n'ont rien à exporter ? Comment des Etats nus entendez pauvres- pourront-ils recaser des millions de travailleurs agricoles ? Quels seront les effets sur les autres secteurs productifs ? Par quelle gymnastique économique les pays vont-ils récupérer les recettes qu'ils tiraient des douanes ? Malheureusement, la monographie de la Banque n'apporte aucune explication ni aucune réponse à ces questions.