Bien qu'absorbés par la gestion du conflit social, les nouveaux actionnaires ont lancé, durant leurs premiers cent jours aux commandes du «Magasin Général», une série de chantiers tendant à la mise à niveau de la chaîne de supermarchés. M. Tahar Bayahi est depuis un certain temps très difficile à joindre. Plus que d'habitude ? Probablement. Non pas parce que le «junior» des frères Bayahi veuille se faire désirer, mais tout simplement parce qu'il a beaucoup de chats à fouetter. Aux commandes de la chaîne de supermarchés «Magasin Général» (dans laquelle sa famille a racheté, en juin 2007, une participation majoritaire, en partenariat avec le groupe Poulina), depuis un peu plus de trois mois, le nouveau président-directeur général n'a pas eu droit à un «round d'observation» et a dû aller tout de suite au charbon. Motif : un très dur conflit social opposant depuis septembre dernier le syndicat des employés du «Magasin Général» aux nouveaux propriétaires de la plus grande chaîne de supermarchés de Tunisie (voir interview de M. Tahar Bayahi).
Un dossier auquel M. Bayahi a dû accorder la priorité parce que, explique-t-il, «vous ne pouvez pas travailler avec des gens qui sont perturbés. Donc, la priorité des priorités était de régler le problème social et de trouver le fil conducteur pour avoir la possibilité de mettre en place un dialogue, de former une équipe et de faire adhérer au fur et à mesure les gens autour de ce projet».
Pour ce faire, la nouvelle direction a «fait confiance à un certain nombre de collaborateurs qui, très rapidement, se sont illustrés parce qu'ils ont eu probablement la clairvoyance de demander après nous, pour savoir qui nous sommes et de commencer très rapidement à discuter avec nous» et c'est avec et grâce à eux que la nouvelle direction a pu établir un dialogue avec le reste des employés.
Mais bien que le «pompier», qu'il a été durant cette première phase, ait été absorbé quasi totalement par l'extinction de l' «incendie» social qui avait éclaté, Tahar Bayahi a dû et pu en parallèle lancer le chantier de la mise à niveau de la chaîne de supermarchés dont il assure la direction, à travers la mise en uvre de plusieurs projets techniques. Ainsi, il a commencé à mettre en place «une formation tous azimuts» qui a été «l'occasion d'exposer le projet, de faire le point sur l'existant, et d'engager à ce moment là un véritable dialogue». Les nouveaux actionnaires ont également entrepris de renouveler le système d'information et de remodeler les magasins.
La bonne conduite de tous ces chantiers nécessitant de disposer des hommes qu'il faut à la place qu'il faut, la direction s'est employée à repérer parmi les employés actuels les profils à potentiel pouvant être promus à de nouveaux postes de responsabilités, et lancé en même temps plusieurs appels à candidatures en vue de recruter des jeunes apportant un savoir-faire faisant défaut au «Magasin Général».
Outre des informaticiens, des responsables achat et vente, les nouveaux actionnaires ont repéré un besoin d'auditeurs «qui nous permettent de mesurer le degré d'avancement du projet au fur et à mesure».
Convaincus qu'«une entreprise ne peut pas avoir d'avenir si elle n'a pas les ressources humaines adéquates», les nouveaux actionnaires pensent que «l'arrivée d'un certain nombre de jeunes apporterait de l'air frais, un peu de sang nouveau, et aussi de l'espoir dans l'entreprise». De plus, «une entreprise qui recrute est une entreprise qui croit en son avenir», note M. Bayahi.
Toutefois, la direction affirme accorder «une priorité absolue à la promotion interne dans Magasin Général. «Preuve en est, nous venons de nommer quatre parmi les directeurs de magasins, à des postes de directeurs régionaux. Nous pensons qu'il y a «beaucoup de compétences en interne qui peuvent être promues, au besoin après avoir suivi une formation. On va découvrir petit à petit les points forts et les points faibles des uns et des autres et on va essayer de les mettre aux bons endroits», assure le p-dg.
La difficulté est de faire adhérer les 2.400 personnes au projet et de leur faire adopter ce projet comme étant leur projet et le projet de leur avenir.
Récemment, le nouveau conseil d'administration a tenu sa première réunion consacrée à une évaluation de la situation, à la lumière du conflit social. Outre une perte sèche de près de 7 millions de dinars, ce conflit a fait prendre conscience aux nouveaux actionnaires du fait que la mise en uvre du plan de développement «va prendre plus de temps que prévu».
«Il n'y a pas eu de véritables gros changements sauf probablement un timing un peu moins rapide parce que nous pensons qu'il y a une première phase qui consiste à fédérer, nous avons cru qu'il était possible de fédérer plus rapidement les gens autour du projet, nous pensons que ça prendra plus de temps», note M. Bayahi.
Donc, en plus de la poursuite du dialogue en vue de faire adhérer les 2.400 employés à son projet, la nouvelle direction va s'atteler durant la nouvelle année à «améliorer l'offre et le service à la clientèle et avoir une satisfaction plus grande de nos clients». Et c'est pour ce faire que la direction a commandé deux études, l'une d'image, et l'autre de satisfaction des clients, et a entreprise d'analyser les coûts internes, en prélude à un certain nombre de décisions. M.M.