Secteur de plus en plus stratégique de ce côté-ci de la Mare Nostrum, surtout en tant de crise, les centres d'appels commencent à se développer en Tunisie, à l'instar du Maroc du reste. Avec deux atouts indéniables : la facilité d'apprentissage du Tunisien des langues étrangères et la proximité géographique de l'Europe. Seulement voilà, pour les professionnels avertis, ce secteur est considéré, malgré son potentiel, comme un épiphénomène, même si dans les discours c'est un autre son de cloche qu'on entend. Selon le directeur de Vocalcom Tunisie Call center technology-, M. Ali Kassab, l'activité des centres d'appels est confrontée à trois problèmes majeurs. Le premier problème, c'est qu'il n'existe aucune structure spécialisée dans la formation (enseignement) à même de permettre, de suite, l'intégration des diplômés dans les centres d'appels, ce qui a engendré une forte demande mais qui demeure insatisfaite. Car, M. Kassab estime que sur les 60.000 diplômés tunisiens par an, à peine 3% seraient directement employables dans les centres d'appels. Le deuxième problème réside dans le fait qu'aucune action n'est menée ou entreprise par la Chambre syndicale des centres d'appels pour fédérer un fonds commun de formation qui, pense M. Kassab, serait à même d'apporter une solution Ici, on pense notamment à la formation par alternance. Le troisième, c'est l'absence de convention collective dans les centres d'appels. Résultat des courses : les centres d'appels surtout les petits et moyens- se livrent aujourd'hui à une surenchère sur les recrutements en brandissant des salaires qu'ils sont incapables d'honorer pendant longtemps, aux dires de certains spécialistes. Et là, notre consultant sonne l'alarme en disant que le secteur court un réel danger. Nous devons faire très attention car le secteur n'est pas encore suffisamment mature. Certes, il s'agit d'un marché ouvert, c'est-à-dire un marché où doit jouer à plein la loi de l'offre et de la demande. Toutefois, à partir du moment où le secteur n'est pas bien réglementé, les pouvoirs publics devraient veiller à ce qu'il n'y ait pas d'abus, ou du moins les limiter au maximum possible. L'explication est simple. Pour M. Kassab, afin de pouvoir attirer des ressources humaines, certains centres d'appels misent sur des salaires qui dépassent souvent leur capacité. D'ailleurs, on a vu ces derniers jours des annonces dans certains quotidiens de la place de Tunis affichant le montant des salaires proposés, chose suffisamment rare pour être signalée. Quant à savoir si '600 dinars tunisiens'' c'est un salaire élevé ou non pour un centre d'appels, Mme Catherine POMARES, Contact Center Manager de Transcom (Centre d'appels de 850 positions), précise que tout dépend du type d'activité du centre d'appels. En d'autres termes, on ne paie pas dans un centre d'appels de type technique (généralement ce sont des ingénieurs) comme dans un autre de type commercial. En outre, elle estime que ce sont les petits voire moyens centres d'appels qui se livrent à la surenchère sur les salaires. Cependant, à l'instar de M. Kassab, Mme POMARES indique que c'est, à la limite, dangereux pour le secteur tunisien des centres d'appels, et ce d'autant plus que 'le marché tunisien n'est pas encore mûr''. La preuve en est qu'en Tunisie le travail dans un centre d'appels est considéré par beaucoup comme "un job" et non comme "un métier"... A ce jeu, le directeur de Vocalcom met en garde contre le glissement vers ce qu'il appelle 'le problème marocain '' des centres d'appels. Avec une différence de taille, toutefois, puisque, si au Maroc le secteur résiste voire se développe encore, c'est tout simplement parce que ce sont de grosses structures qui y délocalisent, et qui proposent de réels plans de carrière aux postulants, ce qui n'est pas le cas de la Tunisie. Pour le moment en tout cas. Du coup, il y a crainte que les investisseurs étrangers désertent le site Tunisie à cause du manque de contrôle sur les centres d'appels -autrement dit d'une bonne organisation du secteur ayant entraîné ces surenchères qui cassent le turnover, les prix du marché, et donc des mécanismes du marché. M. Kassab propose donc de mettre en place une action commune pour réguler le marché, entre autres la création d'un cursus universitaire, à l'image, dit-il, de l'Egypte où entre 5.000 et 6.000 diplômés du supérieur ''Centre d'appels'' sortiront cette année. Et comme vous vous en doutez, nous avons voulu savoir ce que pense la Chambre syndicale des centres d'appels sur ces questions. En vain...