BAGDAD (Reuters) —L'instance d'appel de la commission électorale irakienne est revenue hier dimanche sur sa décision d'autoriser les candidatures aux législatives du mois prochain de dizaines de personnalités sunnites soupçonnées d'être liées à l'ancien régime baathiste de Saddam Hussein. Sa décision avait mis en fureur le gouvernement à dominante chiite du Premier ministre Nouri al Maliki et sa volte-face a provoqué l'ire de la minorité sunnite et entraîné l'annulation d'une séance parlementaire à un mois jour pour jour de la tenue du scrutin. L'instance d'appel de la commission électorale, dont la décision initiale avait été jugée illégale par le gouvernement, a déclaré avoir fait une «erreur» en remettant à après les élections l'examen d'une partie du demi-millier de candidatures litigieuses, a déclaré le parlementaire en vue Falah Chanchal. Cette controverse sur l'éligibilité de candidats sunnites est susceptible de rouvrir les plaies encore mal cicatrisées des affrontements intercommunautaires des dernières années, dont le spectre semblait s'être éloigné depuis deux ans. Agiter le chiffon rouge d'un retour du Baath, renversé lors de l'invasion anglo-américaine de 2006, fait le jeu des leaders confessionnels chiites comme Maliki en détournant les électeurs de leaders laïques comme l'ex-Premier ministre Ayad Allaoui, lui aussi chiite. Un scrutin crucial «Nous ne pouvons rester les bras croisés dans cette période sensible. Il faut venger nos martyrs, nos prisonniers, les réfugiés et les sans-abri de l'ancien régime», s'est exclamé dimanche à Bagdad le gouverneur provincial Salah Abderrazzaq. «Nous 'dé-baathifierons' l'administration de Bagdad», a promis ce dirigeant en vue du parti islamiste Daoua de Maliki lors d'une meeting de protestation contre le retour possible de personnalités liées à feu Saddam Hussein. Il a accusé le Baas «et son instrument Al Qaïda» d'être à l'origine des récents attentats anti-chiites qui ont fait des dizaine de morts à Bagdad et dans la ville sainte de Kerbala. Des personnalités de la Daoua et des deux autres grandes formations chiites, le Conseil suprême islamique irakiens (Csii) et le mouvement de l'imam radical Moktada Sadr, ont lancé des diatribes analogues hier lors d'un autre meeting à Basra, la grande ville du Sud. L'interdiction de candidats jugés proches de l'ancien régime, prise initialement début janvier par l'ex-commission de «dé-baathification» contrôlée par les dirigeants chiites, pèse sur le scrutin du 7 mars, considéré comme crucial pour le retrait des forces américaines et la remise sur pied de l'économie du pays. Selon leur déroulement, soit les législatives conforteront la normalisation esquissée ces deux dernières années, soit elles risquent de happer à nouveau le pays vers des affrontements interconfessionnels. D'ores et déjà la controverse a conduit à un report du 7 au 12 février du début de la campagne électorale. Les dirigeants politiques sunnites avaient largement boycotté le dernier scrutin, en 2005, suscitant parmi leur communauté un ressentiment qui avait alimenté l'insurrection, et les dirigeants américains craignent qu'il en soit de même cette fois, s'ils sont, même partiellement, privés de représentation au niveau national.