Webmanagercenter : Avez-vous fait à la SMT des études pour identifier les handicaps qui vont à l'encontre d'une utilisation plus répandue des cartes monétiques ? Khaled Fradi : Evidemment, nous avons réalisé une étude achevée, il y a à peine un mois, elle n'a pas encore été publiée. Quelles en ont été les principales conclusions ? Il existe une aversion à utiliser les cartes sauf pour le retrait de l'argent. Il faut reconnaître qu'il s'agit là d'un aspect culturel. La monétique est une nouvelle culture. Pour la développer, deux vis-à-vis doivent en être imprégnés, à savoir le porteur et l'utilisateur de la carte en l'occurrence le commerçant. Nous devons donc axer nos actions de sensibilisation et de communication sur les deux. Sinon à quoi servirait le développement de produits monétiques si on n'en use pas ? Ce que nous voulons c'est développer le réflexe de l'usage régulier de la carte et son utilisation en tant que moyen de paiement dans l'acquisition de biens de consommation courante. A ce jour, la carte est utilisée à 80% pour le retrait d'argent et 20% chez le commerçant alors que nous visions une utilisation à hauteur de 45% d'ici fin 2009. Les raisons se rapportent en grande partie à un déficit de communication sur les deux plans. Au niveau de l'utilisation de la carte chez le porteur et de son acceptation chez les commerçants qui sont nombreux à ne pas disposer de TPE. Les raisons en sont que dans notre pays, les commerces de proximité préfèrent du liquide à une carte par habitude mais aussi pour des raisons évidentes de manque de transparence. Le commerçant a toujours peur de se retrouver à découvert si jamais il est payé à la carte. Etre exposé au contrôle, puisqu'il ne déclare pas l'intégralité de son chiffre d'affaires est un risque qu'il ne veut pas courir, par conséquent il refuse le paiement par carte. Comment, dans ce cas, comptez-vous développer son usage ? Quels sont les instruments à mettre en uvre pour convaincre le commerçant de l'importance de son utilisation ? L'usage de la carte doit évoluer. Les banques déploient des efforts considérables pour amener le commerçant à accepter d'être payé par carte. Parmi les actions entreprises en 2008, la mise en place de ce que nous appelons le réseau privé du secteur bancaire qui se traduit par la connexion des TPE des divers commerçants à un PAD régional dans chacune des huit zones à l'échelle du pays. Auparavant, le commerçant évoquait deux raisons pour ne pas accepter la carte et pour ne pas avoir un TPE. Premièrement, le taux de la commission élevé, 3 à 5%. Aujourd'hui, cette époque est révolue, on a fait une distinction et une différenciation au niveau des commerçants en les classant par rapport à la commission bancaire par type d'activités et par secteur. Un taux qui varie entre 0,8 et 1% pour le commerce de proximité ce qui est négligeable, donc le spectre de la commission élevée est banni. L'argument de la commission n'est plus fondé. Le deuxième argument cité est que depuis l'installation de la TPE, la facture de téléphone est devenue élevée en particulier pour ceux qui vivent à l'intérieur du pays. Ceci s'explique par le fait que la communication est interrégionale ce qui se répercute sur le transfert de données TPE/Centrale. Pour résoudre ce problème, Monétique Tunisie a procédé à l'installation d'un réseau privé en mars 2008 pour le compte des banques. Nous avons implanté des PAD régionaux dans chaque zone pour que les TPE soient raccordés au PAD régional, le commerçant qui est à l'intérieur du pays paie tout à fait comme celui de Tunis. On n'a plus d'handicap de coût de téléphone. Il y a aussi le risque de panne, une TPE qui ne fonctionne pas lorsque vous introduisez la carte Là il ne s'agit pas d'une défaillance technique mais d'une défaillance du réseau éventuellement. Vous n'avez tout simplement pas la ligne. La responsabilité revient dans ce cas aux commerçants eux-mêmes qui ne prennent pas de lignes NTC, dédiées aux TPE. Quelles sont les zones les plus imprégnées de la culture monétique ? Il est évident qu'elle est surtout utilisée dans les villes. Au niveau des communautés bancarisés, et là où il y a les grandes surfaces, où l'usage de la carte est très commun. Dans les régions de l'intérieur du pays, lorsque les commerçants refusent d'être payés par carte, ce sont des grandes surfaces telles le Monoprix ou le Magasin général qui les acceptent. L'usage de la carte est étroitement dépendant du commerçant. Aujourd'hui, dans notre pays, on a atteint les deux millions 23 mille cartes. Mais au niveau des transactions, il n'y a pas d'évolution notable surtout dans une vision de développement du paiement par carte qui, à ce jour comme déjà dit, sont utilisés uniquement à hauteur de 20% pour le paiement. Ce que nous voulons, c'est doubler ce chiffre. En 2007, on a dénombré 25 millions de transactions, en 2008, 31 millions. L'évolution est de 26%, et en 2009 on est à 27 millions, au 30 septembre, soit une moyenne de 3 millions de transactions par mois, il reste encore à compter les réalisations du dernier trimestre. Nous terminerons l'année, probablement avec 36 millions de transactions. Les DAB étaient au nombre de 1100, en 2007, 1246 en 2008, en 2009, nous sommes à 1385. L'évolution est significative. Le développement de l'usage de la carte dépendrait-il de l'élévation du niveau de vie du Tunisien ? Tout le monde est concerné par la carte, et même celui qui a un salaire de 300D. Il peut utiliser une carte pour le retrait de l'argent. Pour le paiement, il doit avoir l'autorisation préalable de sa banque. L'évolution de l'usage de la carte est attachée directement au niveau de vie. Il y a différentes sortes de cartes, et l'objectif communautaire est que leurs utilisations soient généralisées. Nous voulons travailler sur le développement de la culture de la carte. Si vous allez dans une pharmacie acheter des médicaments, pour la moindre ordonnance, vous paierez au moins 40 D à 50 D, or il n'y a pas de TPE chez les pharmacies. C'est une défaillance dans la communication, il faut faire du porte à porte, confier cette tâche à des communicateurs, des technico-commerciaux, qui soient bien imprégnés par cette culture, et sachent parler aux commerçants et les convaincre de l'importance de l'acceptation de la carte. Est-ce que l'usage des TPE a évolué ? 8.577 en 2007, 9.583 en 2008, 9.755 en 2009 à fin septembre. L'évolution est minime. En 2008, sur les 9583 TPE, il y avait plusieurs TPE qui n'étaient pas fonctionnels. Plusieurs banques déposent des TPE chez un commerçant qui ne se sent pas inquiété outre mesure puisqu'il ne les paie pas. Ne devrait-il pas y avoir coordination entre les différentes banques ? C'est pour cela qu'il faut centraliser et créer un réseau d'affiliation communautaire pour les commerçants, ce qui est actuellement en cours. Concernant les DAB, quelles sont les nouvelles fonctionnalités qu'ils offrent aux usagers ? Les DAB peuvent offrir des services basiques tels le retrait ou la consultation de solde. Les nouvelles fonctionnalités portent sur le change manuel, le versement espèce, il y en a qui peuvent même accepter des chèques. Si vous êtes un commerçant et que vous fermez votre boutique à 20h, vous pouvez allez à un DAB bien spécifié et effectuez le versement de vos chèques. Le DAB assure le décompte des espèces, et fait état des chèques versés ainsi que le change manuel. Vous pouvez échanger des dollars ou des euros contre des dinars. Que faites-vous pour assurer la maintenance des DAB afin d'éviter toute défaillance technique ? Je voudrais tout d'abord préciser que la SMT couvre 48% seulement des DAB installés dans le pays. Sur les 1.405 DAB répartis sur tout le pays, 680 sont rattachés au serveur de Monétique Tunisie. Ces 680 DAB sont on ligne à tout moment et sont surveillés grâce à notre logiciel de télésurveillance. Nous avons un centre d'appels qui fonctionne 24 sur 24, et nous savons en temps réel quel est le DAB en panne. Pour les banques qui disposent de leurs propres serveurs, la BCT a émis des directives pour qu'elles usent d'un logiciel de surveillance permanent pour améliorer la disponibilité et la qualité du service. Lorsqu'en tant que SMT, nous avons démarré l'utilisation du logiciel de surveillance, nous étions à entre 12 et 13% de défaillances, aujourd'hui, nous en sommes à 4%. Nous nous rapprochons des standards européens de 2% et nous sommes bien positionnés par rapport à nos voisins de l'est et d'ouest. Quels sont les moyens mis en place pour sécuriser au maximum l'usage de la carte magnétique ? Sur le plan sécuritaire, la première mesure prise est la migration de la carte à piste vers la carte à puce. La première peut être lue par un simple décodeur. En Europe, ils installent de faux claviers au niveau des DAB et mettent une caméra qui enregistre tout, le numéro de la carte après son introduction ainsi que le code. En ce qui nous concerne, nous avons migré vers la carte à puce depuis 2006. Les avantages de la carte à puce sont la sécurité, la rapidité, et dans la puce il y a un microprocesseur qu'on ne peut pas imiter. En termes d'acceptation, tous nos DAB ainsi que les 9.700 TPE sont tous EAV, c'est-à-dire qu'ils n'acceptent que les cartes à puce, et pour accepter d'autres cartes ils doivent d'abord obtenir l'autorisation préalable de la banque émettrice. Quel est le chiffre d'affaires des transactions effectuées par les cartes monétiques en une année ? Les transactions ont été de 25 millions en 2007 pour un chiffre d'affaires de 2.500 millions de DT et de 3 millions 100 de DT pour 31 millions de transaction en 2008.