Reconnaissant et pragmatique, M.Hédi Djilani, Président de l'Union Tunisienne pour l'Industrie, le Commerce et l'Artisanat, le patronat Tunisien, reste égal à lui-même. C'est-à-dire qu'il rend à César ce qui lui appartient et qu'il formule les critiques qu'il faut quand il le faut. Et ses critiques sont généralement constructives pour les hommes d'affaires bien sûr, mais aussi pour les salariés. C'est lors d'une interview accordée à notre confrère, Omar Ben Salah, dans le numéro du 19 janvier du bimensuel l'Economiste Maghrébin, que M.Hédi Djilani a dressé le bilan 2004 et émis ses vux pour 2005. Pour M.Hédi Djilani, l'année qui s'est achevée fera date : «l'économie nationale a confirmé son redressement, la démocratie a une fois de plus triomphé, le social y a trouvé de nouvelles raisons d'apaisement». Comme le rappelle le Président du Patronat Tunisien, il n'était pas évident que l'économie Tunisienne enregistre une telle performance en raison d'un environnement international indécis. Et si la Tunisie a pu venir à bout des difficultés, "c'est grâce, explique M. Djilani, à la vision et à l'énergie du Président Ben Ali qui a su gérer la situation, galvaniser l'enthousiasme et mobiliser les gens. Sans cet élan populaire, il eut été impossible de relever les défis auxquels s'expose une économie en émergence». Et le Président de l'Utica ne manque pas de témoigner et de montrer sa reconnaissance envers les acquis et les efforts entrepris par le Chef de l'Etat (l'agenda du Président Ben Ali n'a pas eu à souffrir d'une quelconque pression électorale lors des élections, rappelle Hédi Djilani), car il pense à raison que le Président Ben Ali reste le meilleur qualifié pour parachever la transition de l'économie et de la société Tunisienne. Interrogé sur ses vux pour 2005, M. Hédi Djilani n'est pas allé par quatre chemins et a mis les syndicats et l'administration en ligne de mire, sans toutefois se placer en accusateur. Pour les syndicats, M. Djilani rappelle une règle naturelle qui a toujours régné : la logique de l'économie de marché qui exige qu'on ne doive pas s'obstiner à entretenir en vain des entreprises qui n'ont aucun avenir, ni aucune chance de survie. «Quoique l'on fasse, leur sort (les entreprises) est scellé (..) l'acharnement thérapeutique retarde l'échéance et la rend plus coûteuse pour la collectivité ». Et c'est pour cela que le Président du patronat souhaite voir régner un climat de confiance entre partenaires sociaux, appelés à se mobiliser pour créer davantage d'emplois au lieu de s'entêter à vouloir garder des emplois condamnés à disparaître. Il rappelle qu'il est dans l'ordre naturel des choses qu'avec l'ouverture des frontières, des entreprises se créent et que d'autres disparaissent et qu'il est donc nécessaire d'accepter cette réalité : «Les entreprises comme les individus naissent et meurent», fait remarquer M. Djilani, précisant que l'essentiel est de créer chaque année plus de postes de travail pour que l'emploi progresse et que le chômage recule. Le second vu de M.Hédi Djilani touche l'administration. Et le Président du Patronat vise surtout l'administration fiscale qu'il souhaite « voir redoubler d'efforts, d'une part pour que l'impôt soit payé par tous les contribuables et n'épargne aucun acteur économique, et d'autre part pour que soit allégée la pression exercée sur les nouveaux promoteurs. C'est contre-productif. Il faudrait leur laisser la latitude de commencer et éviter de les démotiver. Ils n'échapperont pas à l'impôt ». Après les vux, place aux suggestions, car M. Djilani propose également à l'administration des solutions «Je suggère que le contrôle fiscal soit pratiqué dans la sérénité et qu'on évite de faire supporter les impôts aux mêmes personnes morales. Il importe de mener campagne contre les personnes qui opèrent dans le domaine commercial sans qu'elles aient une fiche d'impôts. C'est à cette catégorie de personnes que le percepteur doit s'adresser pour améliorer le rendement fiscal. La règle est de ne pas pénaliser la transparence et la vertu». Par ailleurs, et suite à une question du journaliste sur les groupes Tunisiens, le Président du Patronat s'est montré d'un pragmatisme sans égal. Pour lui, « ce qu'il est convenu communément d'appeler groupes ne sont en fait que des entités composées de modestes unités évoluant à la fois dans l'industrie, l'hôtellerie, l'agroalimentaire ( ). Nos groupes sont des PME par rapport aux géants européens ». Evoquant dans le même sujet la question du textile, il fait remarquer que ce secteur qui mobilise aujourd'hui tous les esprits brille par l'absence de géants. On ne compte que des PME fragilisées par leur taille sous l'effet du démantèlement tarifaire et de l'accord multifibres. Et au Président de l'Utica de conclure : « la vérité est qu'aujourd'hui, les grands groupes, même Européens qui sont plus proches de nous culturellement et géographiquement, ne pourraient s'intéresser à la Tunisie que s'ils trouvaient en face d'eux des géants version Tunisienne ». Il est évident, d'après cet interview menée par notre confrère de l'Economiste Maghrébin que le Président de l'Utica aborde les sujets les plus sensibles qui touchent les hommes d'affaires Tunisiens et toute l'économie du pays. Il ne manque pas, sur certains de ces sujets tel celui des groupes, de faire observer que le Président Ben Ali y est sensible, ce qui est à saluer . Car résoudre le problème du contrôle fiscal et inviter des centaines de milliers de nos concitoyens à payer leurs impôts à l'instar des salariés et des fonctionnaires peut combler les déficits générés par les démantèlements tarifaires et la levée de plusieurs barrières douanières. Aussi, et concernant les questions des groupes, c'est préparer les industriels Tunisiens à affronter la concurrence européenne installée déjà parmi nous ou encore la très rude concurrence asiatique qui est presque à nos portes. Enfin la question du sauvetage des entreprises en difficulté mérite de plus amples réflexions. Le meilleur exemple est celui de Batam ou d'Electro-Kallel qui continuent à battre de l'aile . Au contraire Batam n'a pas réussi à remplir ses engagements en remboursant son dernier emprunt obligataire. Malgré tout ce qui a été injecté dans cette entreprise, malgré l'éponge passée sur les dettes, malgré le coup d'accordéon au grand dam des actionnaires, la société continue à souffrir. N'aurait-il pas mieux valu d'opter pour une solution plus radicale, alors qu'elle était en pleine crise ? Ces questions méritent d'être soulevées.