Sur le papier, l'étude présentée aux professionnels au cours de réunions écoulées revêt un caractère opérationnel applaudi par tous. Ces réunions sont un avant-goût à la grande journée de réflexion sur le secteur qui aura lieu au cours du mois de septembre. Une fois les réponses pour relever les énormes défis et ambitions du secteur seront arrêtées, celles-ci feront l'objet d'un Conseil ministériel restreint. Qu'apporte cette étude ? Les réponses, souvent claires et concises, sont quelques fois étonnantes sinon détonantes ! Sans s'y attarder, un fait est certain. Les réponses sont à la mesure des besoins et des brèches à colmater. Tout a été diagnostiqué, analysé et il n'est plus question de maquiller une situation qui ne cesse d'empirer depuis plus d'une décennie. Aujourd'hui, l'objectif est de passer à la vitesse supérieure pour rattraper le temps perdu. Sauver le tourisme tunisien de sa léthargie est une urgence. Une question de survie. Les 160 mesures, 5 axes et 20 actions prioritaires de cette étude, les 10 millions de dinars de budget alloués pour la promotion du Tourisme et surtout des professionnels enthousiastes, travaillant main dans la main avec l'Administration ne seront pas de trop ! D'emblée et sans chercher à rentrer dans les détails de l'étude, nous revenons sur l'absence des professionnels du secteur à une réunion qui se devait d'être un pacte pour construire l'avenir. Cette absence minerait-elle la construction de jours meilleurs pour le tourisme? Peutêtre pas. Cependant, cette absence ne peut qu'être préoccupante. Faut-il vraiment focaliser sur ce souci ? Cette interrogation trouve un large écho dans les mots tranchants et judicieux d'Ahmed Smaoui, ex-ministre du Tourisme, qui affirmait au cours d'une des plus brillantes interventions de la première réunion de présentation de l'Etude Stratégique du Secteur Touristique à l'Horizon 2016: «On constate, non sans amertume, un recul objectif de l'image du tourisme. Nous étions des gagnants, des battants à un moment. Or, aujourd'hui, on est des loosers qui ne savent plus quoi faire». Les propos sont crus, mordants et débordants de vérité. «Désormais, le doute s'est installé quant à l'utilité et l'apport même du tourisme. Mais, heureusement qu'au plus haut sommet de l'Etat, on a confirmé et réaffirmé que le tourisme est un choix irréversible. Rien ne s'arrangera désormais, tout seul. Il faut l'intervention de tous. Espérons que ce plan d'action sera une inflexion qui nous permettra de se corriger, de se remettre en question et de remédier aux lacunes». M. Smaoui a tout dit ou presque. Il a aussi insisté sur le fait que personne ne devrait rester en dehors des Fédérations du secteur. A juste titre, l'urgence n'est-elle pas d'avancer groupés et unis contre l'adversité pour ressouder un édifice qui s'écroule ? Cette interrogation trouve aussi un écho dans l'assistance et dans les commentaires isolés de professionnels désabusés et fatigués. Y croient-ils encore ? La préoccupation doit-elle être de donner davantage le goût de la Tunisie aux touristes ou de perdre de l'énergie et du temps à redonner le goût du tourisme aux opérateurs touristiques tunisiens ? Avons-nous seulement compris que nous ne pouvons sortir de ce marasme qu'ensemble ? L'état de notre tourisme ne traduit-il pas finalement notre incapacité à travailler ensemble ? Quand bien même une batterie de décisions politiques seront prises, si les forces vives du secteur n'y adhérent pas et ne s'y engagent pas en y trouvant de réelles motivations pour concrétiser ces objectifs, le défi n'en sera que plus lourd à relever. Pour arriver à l'objectif de l'horizon 2016, il faut construire 70 mille lits chaque année. Il s'agit de passer de la construction de 3.000 lits actuellement à 12 ou 15 mille. Faut-il pour autant «dynamiter» plus de 100.000 vieux de 30 ans sur les 250.000 lits disponibles ? La Tunisie a mis 50 ans pour construire 200.000 lits, là où d'autres destinations ont mis un peu moins d'une décennie. La tendance de replâtrage qui sévit ne suffit pas. Elle ne suffit plus. Il est temps de révolutionner les mauvaises habitudes qui se sont installées dans le secteur et qui ne finissent pas de prendre le secteur en otage. Les habitudes d'une partie de la profession désabusée et démissionnaire. Celles d'une Administration restée trop longtemps déconnectée et hors du temps, du métier et de ses évolutions. L'édification d'un meilleur devenir pour le tourisme tunisien passe inévitablement par la réanimation de son hôtellerie même si l'un des objectifs majeurs est de penser tourisme en ne se limitant pas à hôtellerie. Déstabilisés, habillés par les changements importants au niveau de l'industrie touristique internationale, les tours opérateurs ont fait main basse sur l'hôtellerie. Ces dernières années, près de la moitié des hôtels construits ces dix dernières années sont gérés par des tours opérateurs. Le calcul est alors vite fait. Entre les hôtels qui nous échappent et ceux qui tombent en ruine, nous sommes en en droit de se demander qui gère nos hôtels ? Comment les gère-t-on et à qui profitent-ils ?